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Cyber-espionnage : quand la NSA vise les intérêts économiques de la France

Une semaine après avoir dévoilé plusieurs rapports du renseignement américain démontrant la mise sur écoute des trois derniers présidents français – François Hollande, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac – et d’autres membres de la classe politique, WikiLeaks remet ça.

Les nouveaux éléments ajoutés ce lundi à la page « Espionnage Élysée » illustrent une deuxième facette des écoutes pratiquées par la NSA : l’espionnage économique.

Une note de 2012 intitulée « France : développements économiques » résume les objectifs des services secrets américains : recueillir toutes les informations pertinentes sur les pratiques commerciales françaises, mais aussi les relations entre Paris et les places financières internationales, ainsi que sa position sur les problématiques abordées dans le cadre des réunions du G8 et du G20.

François Baroin a été particulièrement surveillé sur ce dernier point lors de son passage à Bercy entre 2011 et 2012, en tant que ministre des Finances, de l’Économie et de l’Industrie. Les États-Unis se sont notamment intéressés à sa stratégie d’application des accords de Bâle III, visant à garantir aux banques un niveau minimum de capitaux propres.

Son successeur Pierre Moscovici n’est pas non plus passé sous les radars. Dans une conversation du 31 juillet 2012 avec le sénateur socialiste du Doubs Martial Bourquin, il se dit pessimiste sur l’avenir du pays pour les deux prochaines années, évoquant la nécessité de prendre « des mesures drastiques ».

Huit ans plus tôt, Jean-David Levette, ambassadeur de France à Washington, avait lui aussi été mis sur écoute à propos d’une éventuelle exploitation abusive, par les filiales françaises d’entreprises américaines, du programme Oil-For-Food. Lequel avait été établi en 1995 par les Nations unies pour permettre à l’Irak de vendre du pétrole en échange de denrées humanitaires sous le régime de Saddam Hussein.

Un coup d’avance

Les grandes entreprises étaient aussi dans le collimateur de la NSA. Au-delà des données technologiques confidentielles et des éléments de propriété intellectuelle, elles étaient surtout surveillées dans le cadre d’appels d’offres impliquant des concurrents américains.

Des révélations qui vont dans le sens des propos tenus la semaine passée par Julian Assange au 20 heures de TF1. Le fondateur de WikiLeaks avait affirmé : « Le taux de chômage [en France] est particulièrement élevé, mais il y a une raison à cela ».

Les écoutes ont porté en priorité sur des contrats d’envergure dépassant les 200 millions de dollars. Selon l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), une centaine d’entreprises françaises – dont la quasi-totalité du CAC 40 – ont pu être prises pour cibles.

La plupart sont catégorisées comme des opérateurs d’importance vitale (OIV) dont l’activité est stratégique pour la nation. Du nucléaire aux transports en passant par la santé et les télécoms, aucun secteur n’est épargné.

Les déclarations d’intention de ces entreprises, leur positionnement stratégique et leurs pistes de développement ont été envoyés aux principales administrations américaines (CIA, Réserve fédérale, départements du Commerce et de l’Énergie…), ainsi qu’aux pays alliés ; en l’occurrence, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Ex-directeur du renseignement à la DGSE, Alain Juillet explique à Libération que « la force des Américains [en matière d’espionnage économique ] est de mettre tous leurs services dans la boucle, alors qu’en France, l’espionnage économique est tabou ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, nos services de renseignement se contentent de faire de la contre-ingérence. Sur l’offensif, on est à des années-lumière des Américains ».

Crédit photo : georgemphoto – Shutterstock.com

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