Les débats sur l’élargissement de la surveillance électronique ne semblent guère émouvoir les députés malgré la vigilance d’une organisation Internet (ASIC) appelant à un « moratoire » sur certaines dispositions.
Vendredi, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la programmation militaire 2014 – 2019, l’Assemblée nationale a notamment adopté les nouvelles dispositions sur les services de renseignement.
On peut se montrer perplexe vis-à-vis de la présentation de l’article 13, ses objectifs et son périmètre : « Cadre juridique de l’accès administratif aux données de connexion et de la géolocalisation en temps réel ».
Mais, mise à part quelques modifications rédactionnelles mineures, les députés présents à la séance (et l’assistance était plutot déserte dans l’Hémicycle) n’ont guère contesté le bien-fondé d’un tel dispositif d’élargissement de surveillance électronique.
Plus inquiétant pour une démocratie : seul un député – Lionel Tardy (Haute-Savoie, UMP) – a réellement tenté de s’opposer à des dispositions que l’on pourrait considérer comme liberticide comme la pratique « intrusive » de géolocalisation en temps réel ou à l’accès aux données des internautes « par sollicitation directe des réseaux » (sous-entendu, ceux des opérateurs de communication électronique) sans passer par l’autorisation d’un juge.
Selon les éléments fournis sur les débats qui se sont tenus lors de cette séance et disponible sur le site Internet de l’Assemblée nationale, Lionel Tardy a tenté de bousculer l’ordre des choses lors de l’examen de l’article 13.
« Le scandale Prism est une preuve supplémentaire de l’extrême vigilance dont il faut faire preuve sur ces questions de données personnelles. À la lumière de cette affaire, aucun amendement venant renforcer le dispositif ne peut être balayé d’un revers de main, tant les attentes sont fortes et tant les risques de mésemploi sont grands. »
Tout en poursuivant : « Il est nécessaire de mieux encadrer et préciser le dispositif, qui ne le sera jamais trop. La CNIL a regretté hier de ne pas avoir été saisie des dispositions de cet article 13, ce qui ne me rassure pas vraiment. »
Lionel Tardy insiste sur la nécessité « d’offrir le maximum de garanties possible afin de ne pas laisser la place aux dérives et aux détournements, et surtout afin d’éviter les erreurs ».
Le député pointe du doigt les objectifs larges qui dépassent « la lutte contre le terrorisme » pour intégrer « la prévention de la criminalité ».
« Je crains fort que cela ne revienne à une autorisation générale, car sous l’expression de ‘prévention de la criminalité’, on peut englober tout et n’importe quoi. »
Il revient à la charge sous un autre angle : « On comprend que les recueils de données puissent être demandés par les ministres de l’Intérieur et de la Défense. En revanche, faire apparaître celui de l’économie et des finances nous fait sortir du cadre de cette loi et mentionner le ministre délégué au Budget, vous le reconnaîtrez, est beaucoup plus suspect. »
Du régime d’exception mis en place au nom de la lutte anti-terroriste, on glisse vers un dispositif de surveillance électronique généralisée pour des délits plus prosaïques.
Pour quel garde-fou face à la « communauté du renseignement » au sens large ? La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui « adresse une recommandation en cas de manquement » (le Premier ministre a quinze jours pour le rectifier).
« Là encore, le délai de quinze jours me paraît trop long pour revenir sur une erreur, c’est-à-dire sur une intrusion dans la vie privée, une atteinte aux libertés qui n’avait pas lieu d’être. »
Au bout du compte, la quasi-totalité des amendements défendus par Lionel Tardy ayant vocation à préserver davantage les libertés publiques a été rejetée.
De son côté, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian évoque un « équilibre » et « une rédaction finement ciselée » du projet de loi à respecter.
Tout en renvoyant les éventuelles contestations à l’examen d’un futur projet de loi portant notamment sur les outils mis à disposition des services de renseignement. Il serait soumis au Parlement « en 2014, au plus tard 2015 », selon le ministre.
Une perception floue qui inquiète toujours autant l’Association des services Internet communautaires (ASIC avec des membres comme Google, Facebook, Dailymotion, Deezer…) toujours mobilisée sur le sujet et qui maintient son appel à « un moratoire » sur les dispositions de cyber-surveillance élargie.
L’Assemblée nationale procèdera au vote solennel sur le projet de loi PLM mardi prochain (3 décembre). Mais, en raison du système de la navette parlementaire, le texte repart au Sénat.
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