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Cyril Chiche – Lydia : « La monnaie est une technologie »

ITespresso.fr : Les rois de Lydie ont inventé la monnaie il y a près de 2 700 ans, dans quelle mesure Lydia la ré-invente t-elle aujourd’hui ?

Cyril Chiche : Les Lydiens étaient un grand peuple, situés sur l’actuelle côte occidentale de la Turquie, et ils croisaient de très nombreux marchands, venus d’Europe ou d’Asie, qui n’avaient pas d’autre choix que le troc, pour réaliser du commerce. Ils ont donc imaginé une nouvelle technologie, une pièce d’or et d’argent, pour offrir une contrepartie universelle et développer les affaires de ces commerçants.

27 siècles plus tard, l’économie et les moyens de paiement se sont bien évidemment beaucoup développés, mais aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’existe aucun moyen de paiement universel, capable de satisfaire aussi bien les besoins des commerçants, des e-commerçants que ceux des particuliers.

Essayez de payer Amazon avec un billet de banque ou de rembourser un camarade de classe avec une carte bancaire : c’est impossible. Et c’est pour répondre à cette problématique qu’est né Lydia : un mode de paiement universel accessible à tout moment et depuis n’importe quel écran.

ITespresso.fr : Votre solution de paiement a été lancée il y a près de deux ans. Peut-on établir un premier bilan ? Quels sont les usages ?

Cyril Chiche :  Plutôt que de changer les habitudes des consommateurs, nous nous sommes dit que nous pourrions commencer par évangéliser des étudiants, ouverts aux nouvelles technologies et aux nouveaux usages.

En les écoutant, nous nous sommes rendu compte qu’ils n’avaient pas de solution simple pour s’échanger de l’argent entre eux, pour le remboursement d’un cadeau par exemple, que les étudiants avaient parfois besoin de recevoir de l’argent de leurs parents dans des délais beaucoup plus courts que les 48 heures des virements bancaires, et enfin que les associations étudiantes cherchaient des alternatives à la « boîte en fer » tant pour des raisons de bonne gestion que de sécurité.

Cette population cible a immédiatement adhéré au concept et Lydia équipe aujourd’hui une centaine de campus universitaires à travers la France. Nous approchons la barre des 100 000 utilisateurs actifs avec un taux de réutilisation de 87%, pour un volume d’activité de plusieurs milliers de transactions par jour.

Parallèlement, nous développons un réseau de plus de 2500 professionnels : cafétérias, fast food, cinémas mais également des professions libérales cherchant un outil simple pour encaisser leurs clients.

ITespresso.fr :  Le gouvernement veut démocratiser l’usage de la carte bancaire. Est-ce une menace pour votre activité et votre modèle ?

Cyril Chiche : Absolument pas. Cette initiative des pouvoirs publics va surtout se faire au détriment du cash ou des chèques, qui seront effectivement concurrencés par la carte bancaire. Mais cela ne résout en rien les limitations d’une carte bancaire.

On ne peut toujours pas faire des paiements interpersonnels ou fluidifier les encaissements. Paradoxalement, je pense que cette mesure poussera de plus en plus de marchands et de consommateurs à s’intéresser à des solutions comme Lydia.

ITespresso.fr :  Les géants du Web, les banques ou les opérateurs travaillent tous sur la question du paiement électronique. Une jeune pousse française comme Lydia peut-elle réellement faire face à ces géants ?

Cyril Chiche : Pour le moment, je suis plutôt serein car aucun de ces acteurs ne propose une solution de paiement universelle. PayPal aurait pu être dangereux mais depuis leur projet d’introduction en bourse, ils ont gelé tous leurs investissements.

Samsung ou Apple proposent des solutions de « paiement sans contact » identiques à celles d’une carte bancaire mais intégrée au smartphone, ce qui n’est pas non plus une solution universelle comme Lydia.

Je regarde attentivement ce que font les opérateurs mobiles en Afrique, avec des solutions comme Orange Money ou surtout Vodafone M-Pesa (ndlr : plébiscitée par 75% des Kenyans), mais je doute qu’elles puissent s’imposer dans des pays déjà fortement bancarisés comme la France.

Quant aux banques, elles n’ont jamais réellement innové dans cet univers. La première carte bancaire a été inventée par des restaurateurs (Dinners Club), les cartes à puces ont été utilisées en premier pour les cabines téléphoniques et PayPal a été imaginé par 3 gamins de Stanford qui voulaient envoyer de l’argent de palm pilot à palm pilot.

ITespresso.fr : Vous avez levé 3 millions d’euros, quelles sont vos prochaines étapes ? Réinventer la monnaie comme le firent les Rois de Lydie ?

Cyril Chiche : Notre priorité, c’est de faire croître notre communauté d’utilisateurs et de marchands. En 2016, nous entamerons notre internationalisation avec sans doute une nouvelle levée de fonds.

Côté produit, nous allons développer notre application en y proposant toujours plus de cartes de fidélité, ce qui simplifiera le quotidien de nos utilisateurs, tout en facilitant la collecte des données pour les marchands.

Quand à réinventer la monnaie, je pense que ce n’est pas la vocation de Lydia, qui a obtenu un agrément de la Banque de France, et qui utilisera des monnaies certifiées comme l’Euro.

Mais je dois admettre qu’à titre personnel, je suis très impressionné par le bitcoin. La monnaie est une technologie et le bitcoin a démontré sa capacité à établir une relation de confiance avec des millions de personnes, tout en maîtrisant sa propre expansion, et ceci sans l’aide de la moindre banque centrale.

Je ne sais pas si le bitcoin a de l’avenir mais cette monnaie a réellement créé une brèche dans le système et restera dans l’histoire économique, comme le furent les rois de Lydie.

Démonstration de l’utilisation du mode de paiement mobile Lydia, par Cyril Chiche (cofondateur de Lydia Solutions)

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