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D. Attias (Greenwich): « Lagardère a pris du retard dans le numérique »

Le groupe Lagardère a présenté jeudi 25 janvier un plan de restructuration sur trois ans de son pôle magazines et audiovisuel afin de s’adapter à l’ère des médias numériques et d’améliorer sa rentabilité. Le nouveau pôle multi-support Lagardère Active Media (LAM) entend réaliser entre 5% et 10% de ses ventes dans les contenus numériques à la fin de 2009 contre moins de 1% en 2006.

On recense une cinquantaine de sites Internet dans la sphère Lagardère alors que le groupe détient 259 magazines dans le monde. Par conséquent, l’implication Web est inégale en fonction des magazines (rien qu’en France, citons Elle, Paris-Match, Entrevue, Pariscope, Journal du Dimanche, Télé 7 Jours, Public?).

Danielle Attias, consultante TIC spécialisée dans les liens entre la presse traditionnelle et les nouveaux médias pour le compte du cabinet d’études télécoms Greenwich Consulting, commente quelques éléments de la nouvelle stratégie « magazines et Internet » du groupe de communication. (Interview téléphonique réalisée le 25 janvier)

Vnunet.fr : Dans quelle mesure ce virage numérique était inévitable pour Lagardère Active ?
Danielle Attias : La récente arrivée de Didier Quillot [transfuge d’Orange, nldr] pour remanier la stratégie numérique du groupe Lagardère a symbolisé ce tournant. On s’attendait à une reprise en main. Les chiffres présentés à l’occasion de la Journée Investisseurs du 25 janvier démontrent le retard criant de Lagardère sur Internet pour la plupart de ses titres. Les sites des magazines n’ont pas dépassé le statut de « simple compagnon « . Sur chaque segment où Lagardère rencontre des concurrents, le groupe de communication est distancé. Quand on a des marques de magazines aussi fortes comme Elle, on ne peut pas présenter un tel retard. Ce magazine est bousculé en France par un acteur comme AuFéminin.com et iVillage aux Etats-Unis. En France, certains sites Internet de magazines ne reflètent pas du tout la marque. Ce retard dans le développement est paradoxal mais, historiquement, le groupe Lagardère s’est lancé de manière précoce sur Internet*.

Comment ce virage numérique va se concrétiser ?
Le groupe Lagardère va certainement regarder avec intérêt des opérations de croissance externe. Cela a déjà commencé avec la récente (et très chère d’ailleurs) acquisition de Newsweb [un bouquet de sites Internet comme Sports.fr, Autonews.fr, Sport4fun pour un montant de 74 millions d’euros, ndlr]. Nous devrions également voir apparaître des projets innovants en interne, dépassant peut-être le cadre de leurs marques fortes. Ce qui doit pas affranchir les magazines papier d’avoir une présence forte en ligne. D’autres groupes de presse comme New York Times ou Time Warner tirent les deux tiers de leurs revenus sur Internet à partir d’opérations de diversification.

Finalement, le groupe Lagardère est un cas classique de groupe de presse qui a du mal à s’habituer à l’ère numérique?
C’est tout le challenge des groupes de presse qui rencontrent des réticences à faire adhérer les rédactions dans un projet de diffusion multi-support. On demande aux journalistes d’écrire pour différents supports, ce qui entraîne des tensions en interne compte tenu de la réorganisation nécessaire des structures. On parle souvent des équipes rédactionnelles mais il ne faut pas oublier les régies publicitaires qui doivent s’adapter à la demande des annonceurs qui a évolué. Là aussi, le groupe Lagardère doit trouver des solutions adaptées.

Que pensez-vous des projets de type kiosque numérique de titres de presse magazine, notamment mis en place par le groupe Lagardère ?
C’est effectivement un service initié via sa filiale Hachette Distribution Service (HDS) et qui est disponible sur la plate-forme de distribution numérique VirginMega. Certes, il s’agit d’une innovation mise sur le marché mais je n’y crois pas tellement. Je trouve que le produit reste cher alors que le coût de distribution du magazine est censé disparaître. Pourquoi le prix de la version numérique d’un magazine est aussi chère que la version papier ? On a l’impression que c’est encore un un moyen d’éviter une réelle adaptation à l’environnement numérique. On peut regarder cette innovation sous l’angle de la présentation et des services proposés. Par exemple, Le Monde propose une version Journal électronique à ses abonnés Web (sans supplément tarifaire). Il est intéressant de comparer ce qui est mis en relief dans le journal papier par rapport aux flots d’information diffusées en continu sans réelle distinction.

A votre avis, sur Internet, les journalistes et les bloggeurs
s’apprécient-ils ?

Il y a de la place pour tous : aux journalistes d’écrire des articles, aux bloggeurs de discuter de l’actualité. Je trouve que ce sont deux univers complémentaires, même si la recherche de l’information et du scoop devient parfois un point commun. Franchement, lire un article d’un journaliste et en savoir plus sur son blog me semble très enrichissant. Je trouve que le blog du journaliste politique de Jean-Michel Apathie sur RTL est pertinent.

* En octobre 1995, Arnaud Lagardère et Fabrice Sergent créent le service d’accès Club Internet au sein du groupe Lagardère. Le FAI sera revendu à T-Online/Deutsche Telekom en 2000. Parallèlement, le groupe Lagardère a été parfois pionnier sur les sites Internet liés à des magazines phares comme Elle.fr dont l’ouverture remonte à 1996.

La vie des médias papier-Web sous l’angle des postes perdus
La cohabitation entre le papier et le Web est difficile à tenir. Selon une étude du cabinet Challenger Gray & Christmas spécialisé dans l’outplacement (pour effectuer un bilan de carrière ou disposer d’un coaching), la presse nord-américaine a supprimé l’an dernier 18 000 postes. Soit presque le double de l’année précédente. » La conjoncture sera difficile jusqu’à ce que les groupes trouvent le moyen de faire autant d’argent avec leurs services en ligne qu’ils en perdent sur leurs journaux », estime le cabinet. Pour le premier semestre 2007, 2000 suppressions d’emplois ont d’ores et déjà été annoncées. Dans le cas de Lagardère Active Media, le plan de restructuration et de relance sur trois ans prévoit la suppression « de 7 à 10% » des effectifs.

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