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DADVSI : « De l’électricité dans l’air », selon le ministre de la Culture

« Ce texte est un texte d’équilibre qui vise à concilier la légitimité de la rémunération des créateurs et l’accès du plus grand nombre à la culture et à la connaissance. » A la veille de l’ouverture du débat parlementaire sur le projet de loi relatif au droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la Culture, a souhaité faire un point presse sur le texte qu’il présentera à l’Assemblée nationale le mardi 20 décembre, probablement en début de soirée. « Je m’attends à un débat chaud, il y a de l’électricité dans l’air », a convenu le ministre.

L’enjeu est de taille. L’émergence des nouvelles technologies numériques et leur utilisation par les consommateurs de tout poil fait naître de nouveaux usages qui dépasseraient le cadre législatif actuel.

Un retard accumulé de l’examen du projet de loi

Le projet de loi vise d’ailleurs à transposer la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du… 22 mai 2001, qui entendait répondre à ces problématiques. Le retard accumulé, malgré un texte pourtant présenté en Conseil des ministres le 12 novembre 2003 (par son prédécesseur Jean-Jacques Aillagon), a poussé le législateur à examiner le projet de loi selon la procédure dite d’urgence.

Un seule lecture aura lieu à l’Assemblée nationale (les 20 et 21 décembre) puis au Sénat (probablement fin janvier). Il devrait suivre un texte de compromis établi par une commission mixte paritaire. La promulgation de la loi pourrait intervenir en février ou mars 2006.

Une urgence somme toute paradoxale à l’heure où l’Europe prévoit de modifier sa directive 2001/29 en 2007, notamment pour l’adapter aux réalités du marché sur la base des expériences accumulées parmi les pays qui ont adopté le texte européen (il en reste cinq qui ne l’ont pas encore transposé, dont la France).

Les tentatives de détournement seront sanctionnées

Pour l’heure, le projet de loi DADVSI entend dresser un cadre légal permettant le développement des offres commerciales (musique, cinéma et autres formes de productions culturelles) en ligne et la lutte contre la contrefaçon.

Le texte comprend également les dispositifs visant à étendre les droits (d’auteur et voisins) aux agents et administrations de l’Etat, faciliter l’accès aux oeuvres pour les personnes handicapées et ouvrir le dépôt légal des sites web, logiciels et bases de données. Ces dernières mesures devraient se limiter aux éditeurs professionnels et ne pas concerner les blogs ou pages personnelles du simple particulier.

L’un des principaux enjeux se trouve donc sur les moyens de lutter contre la contrefaçon et les échanges illégaux de fichiers protégés par le droit d’auteur sur les réseaux peer-to-peer (P2P).

Dans ce cadre, seules les mesures de protection techniques ont été retenues par le projet de loi. Autrement dit, l’autorisation et l’encouragement à mettre en place des verrous technologiques qui permettent aux auteurs et exploitants de conserver la maîtrise de l’usage qui est fait de l’oeuvre à travers l’instauration d’outils de gestion numérique de droits (DRM). Outils de contrôle qui « permettront le développement de nouvelles offres et de nouveaux marchés », selon le ministre.

Ces mesures techniques contre la copie seront d’ailleurs protégées par le projet de loi. En conséquence, les incitation et tentatives de contournement desdites mesures seront punies pénalement. Tout comme les moyens de les mettre en oeuvre. Ces mesures visent les logiciels qui permettraient des contournements de protection technique. Comme le DeCSS du fameux DVD Jon qui autorise l’extraction des pistes d’un DVD « verrouillé » à partir d’un logiciel non propriétaire et dont la diffusion avait donné lieu à une belle bataille juridique (voir notamment édition du 26 août 2003).

L’avenir de la copie privée

« Cette sanction ne vise pas les consommateurs de bonne foi mais les spécialistes du piratage », clame le ministre de la Culture, probablement de bonne foi lui aussi.

Quid, dans ces conditions, de la copie privée, cette « taxe » perçue au titre de l’exception du droit de copier une oeuvre dans le cadre d’un usage limité au cercle familial ou à des fins de sauvegarde et destinée à soutenir la création artistique ? « Le droit à la copie privée est fondamental », soutient le ministre qui estime acquise l’idée, y compris par la jurisprudence, que le cercle familial s’étend à environ cinq personnes.

Autrement dit, le droit à la copie privée autoriserait jusqu’à cinq copies d’une oeuvre originale. Ce que devront intégrer les éditeurs de DRM. Même si rien dans le texte de loi ne le précise clairement. « J’ai parfaitement conscience d’un certain nombre de déséquilibres », justifie Renaud Donnedieu de Vabres, « nous resterons vigilants. »

Création d’un collège de médiateurs pour régler les problèmes d’interopérabilité

De plus, qui dit DRM dit problème d’interopérabilité, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir écouter l’oeuvre légalement acquise sur n’importe quel type de dispositif de lecture. Ce qui est loin d’être le cas actuellement puisque les chansons achetées sur l’iTunes Music Store sont illisibles sur nombre de baladeurs numériques du marché autres que l’iPod du même Apple.

« A conflits spécifiques, institution spécifique », répond le ministre. Ainsi, un « collège de médiateurs » entend réguler les conflits entre consommateurs qui s’estiment lésés (par l’absence d’interopérabilité comme par l’impossibilité de réaliser une copie privée).

Composé de sept personnes (trois haut fonctionnaires, deux experts informatiques et deux spécialistes du droit d’auteur), ce collège pourra émettre des injonctions à l’égard des éditeurs pour les obliger à respecter la loi tout en leur laissant la possibilité de faire appel (lequel sera suspensif). Collège qui reste cependant à créer.

La riposte graduée inscrite dans la loi

C’est ce même collège qui sera érigé en « Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique » dans le cadre des amendements proposés par le gouvernement sur la « riposte graduée » (désormais appelée « réponse »).

L’objectif est de mettre en place un « mécanisme de prévention efficace à l’égard des [internautes] qui partagent des oeuvres protégées de façon illicite » tout en « évitant les poursuites pénales qui ne sont pas vraiment adaptées pour des petits délits ».

Selon le principe proposé par les amendements en question, l’internaute indélicat avec les droits d’auteur recevra un message (électronique ou postal) de son fournisseur d’accès l’invitant à cesser ses activités illégales, faute de quoi il s’exposerait à une amende maximale de 300 euros (1 500 en cas de récidive). En cas de refus d’obtempérer, l’internaute sera poursuivi au pénal pour contrefaçon. Quant aux systèmes d’identification des internautes, le ministre assure qu’ils resteront soumis à l’autorisation préalable de la CNIL, tout en visant à renforcer les conditions d’agrément des agents assermentés.

Le gouvernement rejette la licence globale

Pour autant, Renaud Donnedieu de Vabres ne cherche pas la disparition de la technologie P2P. « Il ne s’agit pas de condamner le P2P mais favoriser la légalité via le P2P. » Pourtant, la proposition à travers une série d’amendements, de licence globale, notamment soutenue par des représentants des artistes-interprètes et des consommateurs vial’Alliance Publics-Artistes (voir notamment édition du 13 décembre 2005) et qui légaliserait les échanges P2P contre un abonnement forfaitaire a été purement rejetée. «

Cette proposition n’est pas viable économiquement », estime Renaud Donnedieu de Vabres, « ceux qui l’ont proposée sont de moins en moins nombreux. » Le député (UMP) Alain Suguenot n’a, à notre connaissance, pas retiré son projet de loi élaboré autour du principe de la licence globale (voir édition du 2 septembre 2005). Pas plus que la quarantaine de députés de la majorité qui soutiennent la proposition n’ont enlevé leur signature. Si tout ce beau monde est présent demain soir dans l’Hémicycle, les débats risquent effectivement d’être animés.

Le projet de loi vise-t-il les logiciels libres ?
Comme l’a rappelé le ministre, le projet de loi n’impose aucune technologie ni format de codage et encore moins de logiciel de lecture. Il reconnaît néanmoins que le texte peut interdire la diffusion et l’usage des logiciels libre « si l’on peut prouver l’intention de faciliter les contournements des protections ». Or, un auteur de logiciel libre est, par respect de la licence qu’il a choisi, contraint de publier le code source du logiciel. Y compris celui du format de fichier propriétaire, généralement obtenu par reverse ingineering, que le logiciel permet de lire. La publication de ces codes peut donc être considérée comme un moyen de contourner les mesures techniques. La question repose donc sur la définition d’une mesure technique et si elle s’étend au format de fichier. Auquel cas, même une suite bureautique libre comme OpenOffice.org, qui lit les format Microsoft Office, pourrait être considérée comme illégale. Définition non précisée dans le texte de loi. Paradoxalement, le projet maintient l’exception de décompilation à des fins d’interopérabilité prévue par l’article L.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.Ce sont ces contradictions et, surtout les risques que fait peser la loi sur les auteurs et éditeurs de logiciels libres que dénoncent, depuis 2002, les membres de EUCD.info (voir édition du 28 novembre 2005). Venus en petit comité au ministère de la Culture, les militants avait déployé sur une grande feuille les 75 000 (aujourd’hui plus de 110 000) signatures de sa pétition contre le projet de loi. « La loi va faire perdre l’équilibre entre les usagers et les producteurs », justifie l’un de ses portes-paroles Frédéric Couchet, « nous demandons le retrait du projet de loi afin d’établir un vrai débat. »

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