Sans surprise, sénateurs et députés ont adopté le projet de loi sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) ce vendredi 30 juin 2006, dernier jour de la session parlementaire. Cette loi transpose, cinq ans après son adoption, la directive européenne 2001/29/CE sur la place du droit d’auteur face aux évolutions technologiques et, notamment, Internet. Le texte adopté aujourd’hui entend notamment fournir un cadre juridique à l’exploitation d’oeuvres culturelle (musique, cinéma…) dans l’environnement numérique.
Parmi les principaux points de l’évolution législative, la loi DADVSI instaure la légalisation des mesures de protection technique (DRM en anglais pour digital right management) qui limiteront le champs d’exploitation et de copie des oeuvres selon les stratégies commerciales de leurs éditeurs. Parallèlement, le principe d’interopérabilité, qui permet à un fichier numérique d’être lu sur n’importe quelle type de plate-forme, a été instauré. Ce qui, aux yeux de certains, entre en contradiction même avec la reconnaissance juridique des DRM qui, justement, peuvent interdire cette interopérabilité. Les chansons achetés sur l’iTunes Music Store d’Apple ne peuvent être exportés que vers les iPod du fabricant.
Cette garantie d’interopérabilité des formats numériques sera confiée à une nouvelle Autorité de régulation des mesures techniques composée de six membres (trois magistrats et trois « techniciens ») que seuls les professionnels du secteur (éditeur, fabricant, exploitant) pourront saisir. En écartant l’utilisateur de ce droit, les opposants au texte, associations de consommateurs en tête, doutent de la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité. C’est cette même instance qui veillera à arbitrer les litiges autour de l’exception au droit d’auteur pour copie privée. Un sujet intimement lié aux DRM.
Régime répressif
Par ailleurs, la DADVSI introduit un régime répressif, tant pour l’internaute qui télécharge que pour les éditeurs de logiciels (libres ou non) qui proposeraient des solutions d’échange P2P en l’absence de système de gestion de DRM. Le premier sera passible d’amende de 38 euros pour le téléchargement d’oeuvres protégées et 150 euros pour la mise à disposition. Le second pourra être passible de 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. Le contournement des DRM sera également passible de 3 750 euros de pénalité. « Un internaute qui télécharge illégalement […] ne risquera plus la prison, c’est une avancée considérable », a justifié Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication. Enfin, le texte introduit le crédit d’impôt pour la musique qui, à l’image de ce qui existe pour le cinéma aujourd’hui, visera à aider les producteurs à découvrir et soutenir de jeunes talents.
Le PS officialise sa saisine
Tous les élus socialistes, Verts, PC, ainsi que plusieurs membres de l’UDF et de l’UMP ont voté contre l’adoption du texte. Ils y voient un passage en force du gouvernement pour « servir les intérêts particuliers de géants du logiciel à visée monopolistique souhaitant faire main basse sur l’accès à la culture de nos concitoyens », a notamment souligné le député PS Patrick Bloche lors d’une intevention dans l’Hémicyle. En conséquence, le groupe socialiste de l’Assemblée nationale a annoncé officiellement son intention de saisir le Conseil constitutionnel. La liste des noms des 60 députés (au minimum) qui signeront la saisine devrait être connue en début de semaine prochaine. La saisine elle-même devrait être déposée jeudi ou vendredi prochain, informe-t-on du côté du groupe socialiste. Ce qui retardera d’autant la promulgation de la loi par le Président de la République.
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