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DADVSI : le Sénat allège les clauses d’interopérabilité

« Le bateau est arrivé à bon port… » Renaud Donnedieu de Vabres n’a pu cacher sa satisfaction à l’issu du vote final au Sénat sur le projet de loi sur le Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Par 164 voix pour et 128 contre, les sénateurs ont donc finalement adopté, ce jeudi 11 mai à 1 heure du matin, les 29 articles du texte transposant en droit français la directive européenne du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur.

Malgré des différences significatives entre le texte voté par les députés en mars dernier (voir notre dossier spécial) et celui des sénateurs, la procédure d’urgence a été maintenue. Le texte n’a donc aucune raison de repasser en seconde lecture à l’Assemblée et devrait être définitivement validé à l’issue de son passage en commission mixte paritaire d’ici la fin du mois.

Apple entendu

Les remaniements du texte voté par les députés ont principalement porté sur la question de l’interopérabilité. A travers l’article 7, l’Assemblée ouvrait la voie à l’interopérabilité des contenus numériques en imposant, notamment, aux éditeurs de mesures techniques de protection (ou DRM) de publier la documentation technique permettant de faire sauter les verrous en question. L’interopérabilité visait à permettre au consommateur de pouvoir lire un fichier numérique, audio ou vidéo, sur le système de son choix. Un article qui avait fait hurler Apple, acteur dominant sur le marché de la musique en ligne à travers le couple iTunes Music Store /iPod. Le constructeur avait alors menacé de quitter le marché français (voir édition du 22 mars 2006).

Il semble que le groupe américain ait été entendu par les sénateurs. Ceux-là ont introduit un article additionnel à l’article 7 en votant l’instauration d’une « Autorité de régulation des mesures techniques ». Cette nouvelle autorité administrative « veille à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques n’ait pas pour conséquence, du fait de leur incompatibilité mutuelle ou de leur incapacité d’interopérer, d’entraîner dans l’utilisation d’une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles expressément décidées par le titulaire d’un droit d’auteur. » (article L. 331-5-1).

Autrement dit, l’autorité sera chargée de vérifier que les mesures de protection technique n’entravent pas l’usage des fichiers numériques au-delà des limitations imposées par les auteurs et ayants droits. Mais cette liberté d’usage ne sera accordée qu’aux seuls sociétés privées qui en feront la demande et non aux particuliers qui pourraient exiger de vouloir lire sur leur iPod des fichiers encodés dans un format incompatible comme le WMA de Microsoft. « Tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service qui souhaite améliorer l’interopérabilité des systèmes et des services existants peut demander à l’autorité de favoriser ou de susciter une solution de conciliation, dans le respect des droits des parties, pour obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à l’interopérabilité », souligne l’article L. 331-5-2 du texte.

Disparition de la garantie de la copie privée

L’Autorité aura également la charge de réglementer le nombre de copies privées réalisables selon les oeuvres. Bien que proposé par les Vert, les communistes et une partie du groupe centriste, l’amendement visant à garantir un minimum d’une copie privée par titre a été rejeté. « Vous permettez à l’Autorité de décliner des autorisations de zéro copie privée, en contradiction avec l’article 8 qui oblige les titulaires des droits à prendre des mesures pour que les exceptions soient effectives », a souligné Marie-Christine Blandin (élue Vert rattachée au groupe Socialiste). L’absence de garantie d’existence du droit à la copie privée ne manquera pas de poser la question du maintien de la taxe idoine sur les supports d’enregistrement.

L’Autorité sera composée de cinq membres, dont le président, trois hauts fonctionnaires et un expert de la société civile en nouvelles technologies. Ils seront élus pour un mandat de 6 ans non renouvelable ni révocable.

En revanche, les sénateurs ont adopté un sous-amendement qui garantit l’exception de décompilation (ou reverse engineering) qui permet aux « développeurs de logiciel à accéder aux informations essentielles de l’interopérabilité en décompilant les mesures techniques », selon les termes du ministre de la Culture. Cette mesure permet donc aux éditeurs de logiciels libres de développer des applications sans craindre les mesures prévue dans le texte pour interdire le contournement des protections techniques.

Pour lutter contre le phénomène du téléchargement illégal, les sénateurs ont repris le principe des sanctions graduées amorcées par les députés. Les peines iront de 38 euros d’amende pour la seule infraction de téléchargement non autorisé à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés ». L’incitation à l’usage d’une application d’échange en ligne, « y compris à travers une annonce publicitaire », sera passible de la même peine. Un texte pour le moins ambigu puisqu’il obligera les plaignant à prouver l’intention frauduleuse d’un éditeur qui mettra à disposition un logiciel d’échange en ligne.

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