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DeCSS : la publication du crack des DVD autorisée

« Bien que la valeur sociale du DeCSS soit discutable, il s’agit néanmoins d’une pure forme d’expression », note le jugement rendu le 1er novembre par une cour d’appel de Californie. Ce dernier annule l’injonction délivrée en première instance (en janvier 2000) qui interdisait tout site Internet de publier le code source du DeCSS. Mis au point par un groupe dénommé MoRE (Masters of Reverse Engineering), le programme permet la lecture de DVD protégés par le CSS (« content scramble system ») sur les lecteurs non licenciés par la DVD CCA (DVD Copy Control Association). Le but premier semble avoir été de permettre la lecture de DVD sous Linux, mais en permettant de contourner la protection, le DeCSS a rapidement été employé afin de pirater les DVD. Constatant la circulation de l’utilitaire sur Internet, l’industrie du cinéma, représentée par la MPAA (Motion picture association of America) associée à la DVD CCA, a rapidement saisi la justice américaine en demandant que la publication du code source du DeCSS soit interdite et que les webmestres l’ayant déjà mis en ligne soient contraints de l’enlever. Pour ce faire, ils se référent à la loi américaine qui protège le secret commercial, le Uniform trade secrets Act. Le tribunal de première instance leur a donné raison et délivrait en janvier 2000 une injonction interdisant donc la publication du code source.

C’est cette décision qui vient d’être annulée en appel, les magistrats ayant considéré que publier le code peut être assimilé à la publication de tout type de discours controversé, ce qui est protégé par la constitution américaine. « Notre respect pour le pouvoir législatif et son application de la loi sur le secret commercial ne peut supplanter notre devoir de protéger les droits garantis par le Premier Amendement [de la constitution américaine]« , notent-ils dans leur décision. Les trois juges, qui ont annulé à l’unanimité, le jugement de première instance font référence à la jurisprudence qui privilégie la liberté d’expression même dans des cas impliquant la sécurité nationale ou d’autres intérêts vitaux du gouvernement. Les défenseurs des libertés individuelles – nombreux à s’impliquer dans l’affaire – se sont empressés de saluer la décision. Ainsi l’EFF (Electronic frontier foundation) la qualifie de « formidable victoire pour la liberté d’expression sur Internet ». Face à eux, l’industrie du DVD a signifié son intention de rapidement porter le jugement devant la Cour Suprême de Californie, ainsi que le rapporte le Mercury News qui cite un avocat représentant la DVD CCA, Jeffrey Kessler. Celui-ci estime que « la décision pourrait souffler un vent dévastateur sur l’économie américaine, de plus elle n’a aucun sens. » L’homme de loi va au-delà en ajoutant, « Au-delà de notre procès, si cette décision devenait une loi américaine, toutes les lois protégeant les secrets commerciaux seraient anticonstitutionnelles. » Publiable mais pas encore légal

L' »affaire DeCSS » est loin d’être enterrée, en effet les juges de la cour d’appel de Californie ne se sont prononcés que sur la publication du code source et non sur la légalité de l’utilitaire. Ils annulent une injonction qui interdisait la publication en attendant un jugement final, lequel n’est toujours pas intervenu. De plus, l’industrie du DVD a également engagé une procédure – fédérale celle-ci – devant une cour de l’état de New York. Dans ce second procès, elle évoque la loi américaine sur les droits d’auteur dans l’environnement numérique (DCMA, Digital copyright millenium Act), laquelle condamne le fait de fournir des informations ou des outils permettant de contourner les technologies empêchant la copie. Dans cette affaire, l’éditeur d’un magazine sur Internet, 2600 (voir édition du 4 avril 2001), a été condamné pour avoir mis en ligne un lien renvoyant vers le code source du DeCSS. Il a fait appel de la décision en organisant lui aussi sa défense autour du Premier Amendement de la constitution américaine qui garantit le droit à la liberté d’expression. Le procès est toujours en cours. Dans un cas comme dans l’autre, il faudra encore attendre pour connaître le fin mot de l’histoire.

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