La stratégie de conquête des collectivités locale par France Télécom à travers sa charte des « Départements Innovants » (voir édition du 6 janvier 2004) ne déplait pas seulement au sénateur René Trégouët (voir édition du 8 mars 2004). L’Autorité de régulation des télécoms (ART) a signalé que « plusieurs » présidents de Conseil général s’inquiétaient des tournures prises par le partenariat proposé par l’opérateur historique. « La position particulière de France Télécom sur le marché, a pu légitiment susciter de la part de collectivités territoriales des interrogations d’ordre juridique sur le partenariat proposé », explique l’ART dans un communiqué.
Le PDG de France Télécom, Thierry Breton, a pris les devants de l’affaire en demandant à être auditionné par les sages de l’Autorité. Selon un communiqué de France Télécom, les documents présentés (une convention type de la charte) et l’exposé de Thierry Breton ont été de nature à rassurer le président de l’ART, Paul Champsaur. Toujours selon le communiqué du groupe de télécommunication, l’Autorité a rappelé l’obligation de respects de certains principes visant à garantir la libre concurrence (« Les informations relatives à la demande, recueillies par le département, sont mises à disposition de l’ensemble des opérateurs; Les actions d’information et de promotion du Haut Débit sont mises en oeuvre de manière neutre et n’assurent pas la promotion des services d’un seul opérateur ou fournisseur d’accès Internet; Les éventuelles aides financières sont attribuées selon des modalités compatibles avec les règles nationales et communautaires »). Cité par le communiqué, Paul Champsaur note que « France Télécom souscrit pleinement à ces principes dans le cadre de sa démarche de partenariat « Département innovant » » et se « réjouis de cette convergence avec l’analyse de l’Autorité ».
Propos modérés
Dans la réponse adressée aux présidents des Conseils généraux, l’ART modère les propos de l’opérateur en apportant des précisions. Elle rappelle que « dans la mesure où les conventions de partenariat comportent une clause de confidentialité, celles-ci n’ont pas été transmises à l’Autorité ». Du coup, l’ART ne peux appuyer ses commentaires que sur « les principaux axes de travail du dispositif dans son ensemble ». Surtout, si « le dispositif […] semble inviter les départements à identifier en collaboration avec France Télécom les zones prioritaires à équiper en haut débit ainsi que les solutions techniques adaptées à leur desserte », rien ne semble empêcher que « le département puisse ensuite lancer un appel d’offre visant à la desserte de ces zones ». Recourir à l’expertise de France Télécom ne lui garantit donc en rien l’attribution du marché. Cependant, comme « le cahier des charges même d’un tel appel d’offre peut conditionner la capacité des différents acteurs économiques à y répondre », il est souhaitable « que le cadre de concertation mis en place et l’éventuel travail d’identification des solutions techniques et des zones prioritaires à desservir soit ouvert et accessible à l’ensemble des opérateurs. » Autrement dit, ne pas hésiter à faire intervenir les concurrents dans l’expertise.
Autre modération, l’ART tient à rappeler que « les éventuelles actions de communication du département ne se traduisent pas par la promotion des services d’un seul acteur, lui apportant ainsi un bénéfice d’image non négligeable par rapport à ses concurrents ». Pas question, donc, de faire de la publicité gratuite à France Télécom (ou un autre opérateur) à travers une campagne locale d’information sur le déploiement d’une solution haut débit. Enfin, l’ADSL n’est pas le seul mode de distribution du haut débit. Il entre en concurrence (ou en complément) avec des technologies hertziennes telles que le Wi-Fi, WiMAX, boucle locale radio ou satellite. Et l’ART de rappeler que ces « alternatives à l’ADSL pourraient, compte tenu des développements techniques récents, s’avérer économiquement pertinentes pour la desserte des zones peu denses et des zones d’activités isolées ». Information que se garde bien de mettre en avant France Télécom qui base l’essentiel de son offre sur les technologies DSL.
Autant de précisions qu’il reviendra à l’autorité de vérifier le respect dans les faits. D’autant que la stratégie de Thierry Breton rencontre un succès certain puisque 50 départements auraient déjà souscrit à la charte (voir édition du 5 avril 2004).
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