En exigeant d’un fournisseur de services basés aux États-Unis qu’il communique des données stockées à l’étranger, le gouvernement américain va-t-il à l’encontre du principe de non-extraterritorialité de la loi ?
Les magistrats de la cour d’appel de New York ont répondu par l’affirmative, non sans se déchirer sur la question, dans le cadre d’un litige impliquant Microsoft.
Au nom du droit au respect de la vie privée, la firme de Redmond refuse de transmettre aux autorités U.S. des informations associées à un compte de messagerie électronique ouvert en Irlande par un citoyen irlandais.
Les organisations de défense des libertés civiles à l’ère numérique (ACLU, EFF…) soutiennent la démarche du premier éditeur mondial, au même titre que des sociétés comme Amazon, Cisco, eBay, HP, Rackspace et Verizon.
Au cœur du débat, le Secure Communications Act (SCA). C’est sur sa base que le gouvernement a sollicité un mandat.
Le jury renversé, dans sa décision rendue le 24 janvier, le verdict de première instance. Il estime que lors de l’adoption du texte en 1986, le Congrès n’avait pas imaginé qu’une demande concernerait un jour des données localisées hors du territoire américain.
En l’absence de preuves du contraire, les demandes gouvernementales en matière de transmission de données ne peuvent dépasser les frontières, dans les grandes lignes du raisonnement de la Cour d’appel.
Un enjeu a plus particulièrement divisé les juges : l’exécution du mandat émis sur la base du SCA doit-elle être considérée sur le territoire où sont stockées les données ou bien sur le territoire où s’effectue leur divulgation ?
Le jury a donc retenu la première option. Du côté des magistrats qui ont privilégié la seconde, on souligne que Microsoft pourrait tout à fait accéder aux données en question depuis « tout ordinateur aux États-Unis ». En d’autres termes, le lieu de stockage importe peu.
« Localiser les données en Irlande n’est pas beaucoup plus utile que de considérer le Père Noël comme un habitant du pôle Nord », résume, à ce sujet, le dénommé Dennis Jacobs, en ajoutant, pour illustrer ses propos : « Où un bitcoin est-il situé dans le monde ? Où se trouvent le son et les images sur mon enregistreur ? Où est la neige tombée l’an dernier ? ».
Son collègue José A. Cabranes est du même avis. Il déplore l’opposition faite à « un outil d’investigation essentiel utilisé des milliers de fois par an dans d’importantes enquêtes criminelles ». Non sans souligner que n’importe quel individu résidant aux États-Unis « peut très bien prétendre qu’il se trouve en Irlande, et ses données seront stockées là-bas ».
C’est sans compter les problématiques de fragmentation ; ou comment une information peut être dispatchée sur plusieurs datacenters. La politique de Google prend en compte cet aspect : le groupe Internet s’est engagé à ne dévoiler que les « fragments de données » localisés aux États-Unis au moment de l’émission d’un mandat.
L’interprétation de la Cour d’appel concernant l’extraterritorialité se fonde, entre autres, sur un précédent à la Cour suprême (Morrison v. National Australia Bank, en 2010).
Si les juges ont estimé que dans le cas présent, on ne pouvait parler d’application « nationale » du SCA, nombre d’entre eux en appellent à une modernisation du texte, pour y aborder des aspects comme la nationalité de l’individu visé, les circonstances de stockage des données et les « obligations contradictoires » parfois imposées à des acteurs comme Microsoft.
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