« Irréalisme ». C’est le mot qui revient le plus souvent dans le rapport interministériel portant sur l’état des lieux du projet d’implantation du Dossier médical personnel (DMP), dont le démarrage remonte à 2004.
Une mission conjointe IGAS-IGF-CGTI, sous la tutelle de trois ministères, a permis de réaliser un point détaillé sur « l’état d’avancement et le pilotage de ce projet ainsi que sur sa capacité à répondre aux objectifs initiaux ». Le rapport, remis au gouvernement en début de semaine, est accablant. Il souligne « l’inadéquation entre les moyens, les options stratégiques successives du GIP et les objectifs qui lui ont été et lui sont encore assignés ».
Calendrier serré des opérations, coût du projet sous-estimé, modèle économique tronqué, objectifs surréalistes… les rapporteurs se sont montrés très critiques sur ses points fondamentaux du DMP. « Il en est résulté une gestion de projet constamment précipitée, souvent improvisée, parfois inconséquente », peut-on lire dans le résumé du rapport fourni en fichier PDF sur le site Internet du ministère de la Santé (le rapport intégral est également disponible).
Intraitables
Le changement soudain d’orientation du projet montre que le dossier était bancal dès le départ : conçu à l’origine comme un dossier médical électronique partagé liant patient et professionnels de santé, le DMP devient en 2004 un dossier médical personnel, mis à disposition de l’assuré social qui garde le contrôle des données diffusées.
Autre faiblesse relevée : « la priorité a été donnée d’emblée à la dimension technique et à l’hébergement du DMP, avant que la réflexion sur son contenu et son usage ait été réellement menée ». Sans compter sur divers aléas comme l’instabilité managériale (avec la nomination de trois directeurs successifs rien que pour la première année d’existence du groupement d’intérêt public en charge de superviser le projet) et des revirements techniques survenus mi-2006 portant sur le choix de l’architecture du projet et le modèle d’hébergement.
Phase d’expérimentation bâclée, problèmes juridiques mal évalués, retard dans la publication de décrets importants pour faire avancer le projet (contenu du DMP, identifiant national de santé) mais précipitation dans l’appel d’offres destiné à désigner l’hébergeur de référence… Les rapporteurs se montrent décidément intraitables. « La stratégie actuelle comporte d’importantes zones de risques et d’incertitudes, qui nuisent à la crédibilité et à la lisibilité du projet », peut-on lire dans le document interministériel. « Aucun plan global de déploiement n’a encore été vraiment défini. Des questions sérieuses sont dès lors en suspens, qui représentent autant d’hypothèques pour la montée en charge du DMP. »
Comment aller de l’avant
Pour sortir de l’impasse, les cinq auteurs du rapport proposent un ensemble de mesures pour « sauvegarder les acquis, retrouver la confiance des acteurs et relancer le projet ». Quelques pistes sont évoqués : inscrire le projet « dans un calendrier non impératif, réaliste et glissant » en gardant l’idée d’un déploiement progressif, traiter les problèmes de contenu et d’usage avant le mode d’hébergement et lancer un nouvel appel d’offres pour développer un prototype de la chaîne complète du DMP.
Plus globalement, le gouvernement devrait attribuer au DMP un budget de programme et refondre l’écosystème IT dans le domaine de la santé : gouvernance des systèmes d’information, création d’un Conseil national des systèmes d’information de santé, favoriser l’interopérabilité des systèmes et rationnaliser le nombre d’opérateurs présents dans la chaîne informatique. Un travail de Titan en quelques sortes…
Selon Les Echos, un séminaire rassemblant tous les acteurs devrait se tenir d’ici mars 2008 pour établir « une nouvelle feuille de route ».
* Mission interministérielle de revue de projet sur le dossier médical personnel. Sous la tutelle du Ministère de l’Economie, des Finances et des Comptes publics, Ministère du Budget et de l’Emploi de la Fonction publique, Ministère de la Santé, et de la Jeunesses et des Sports.
Auteurs du rapport : Yann Boaretto, Philippe Dumas (inspecteurs généraux des Finances), François Cholley (Ingénieur général des télécommunications), Michel Gagneux et Pascal Romenteau (inspecteurs généraux des Affaires sociales).
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