Du chômage dans le numérique ? Oui et il plafonne à un niveau élevé. En décembre 2016, 38 000 informaticiens étaient inscrits à Pôle emploi. En tenant compte des personnes ayant exercé une activité réduite dans le mois (catégories A, B et C), la fonction « Systèmes d’information et de télécommunication » affiche même 49 100 demandeurs d’emploi. Autant qu’il y a un an.
Sur la base d’une population estimée à environ 600 000 individus, le taux de chômage sectoriel atteint ainsi 8,1 %. Beaucoup pour un secteur employant majoritairement des ingénieurs bac + 5, au statut cadre et en CDI. Une profession qui se plaint pourtant de ne pouvoir embaucher plus…. faute de candidats. Selon l’association Pasc@line, il manque structurellement 10 000 personnes par an sur le marché du travail.
Une situation schizophrénique. Cela fait maintenant une dizaine d’années que ce chômage endémique cohabite avec une situation de pénurie sur certains métiers. La profession vivant au gré des évolutions technologiques et des évolutions méthodologiques. Qui recrute aujourd’hui encore des webmasters ou des community managers, les stars d’hier ?
Transformation numérique des entreprises oblige, il faut chercher les métiers porteurs du côté des SMACS. Derrière cet acronyme, on trouve les technologies des médias sociaux, de la mobilité, de l’analytics, du cloud et de la sécurité. Des technologies qui portent la croissance du marché. Selon la dernière étude semestrielle de Syntec numérique, les SMACS connaîtront une hausse de 15 % en 2017. Hors SMACS, la croissance ne sera que de 0,5 %.
I-Le Data Scientist reste un job en or et le DPO émerge
Dans le classement des « jobs en or », commençons par l’incontournable data scientist. Aprement courtisé, cet expert en algorithmie voit son salaire exploser. Jusqu’à 70 000 euros pour deux ans d’expérience seulement ! Le décalage entre la formation initiale et les besoins du marché a créé cette tension.
HEC, Essec, Polytechnique ou Telecom ParisTech ont mis sur pied des cursus et des masters spécialisés mais les premières promotions ne font qu’arriver sur le marché de l’emploi. « La pénurie en data scientists est réelle mais ce métier ne représente pas forcément un gros volume de postes », tempère Rémi Ferrand, délégué général de l’association Pasc@line qui redoute un appel d’air.
Le data scientist ne doit pas non plus occulter les autres spécialistes de la data, comme le data manager qui va gérer tout le cycle de vie de la donnée alors que le web analyst s’en tient au parcours de l’internaute. Autre profil émergent, le data protection officer (DPO) est appelé à remplacer le correspondant Informatique & Libertés (CIL) dès mai 2018 avec l’entrée en application de la nouvelle réglementation européenne sur les données personnelles (RGPD). Avec des attributions élargies. Le DPO veille à la conformité des traitements informatiques au regard du cadre légal et la politique interne de « data privacy ».
II-La cybersécurité, une valeur sûre
Depuis les cinq dernières années, les spécialistes de la cybersécurité connaissent également un bel engouement. « Chaque attaque médiatisée rappelle aux entreprises les nouvelles menaces qui pèsent sur elles, note Fabrice Martinez senior manager IT & digital au cabinet Robert Walters. En ouvrant le système d’information sur l’extérieur, le cloud exige notamment de revoir les modèles de protection traditionnels ».
Sauf que les experts se font rares. « Au regard des opportunités du marché, beaucoup d’entre eux se mettent en freelance. Ce qui accentue d’autant le contexte pénurique, constate Fabrice Coudray, directeur de Robert Half International. Le métier exige aussi une certaine séniorité. Un « expert junior », c’est un oxymore. »
III-Le Cloud une opportunité de reconversion
Outre qu’il donne du fil à retordre aux experts de la sécurité, le cloud modifie en profondeur les métiers liés à l’exploitation, l’infrastructure étant externalisée ou tout du moins virtualisée. L’architecte, l’administrateur et le delivery manager laissent leur place au cloud designer, au cloud builder et au cloud runner, chargés du monitoring et de la relation contractuelle avec le prestataire.
Il existe toutefois, selon Laurent Chollat-Namy, DGA de Figaro Classifieds (Cadremploi, Keljob…) et fondateur du site Choose your Boss, des voies de reconversion. « L’administrateur de bases de données peut valoriser sa connaissance fine de la donnée. En acquérant une dimension business, il peut se convertir en data manager. » De même, « un responsable production peut, par son expertise des serveurs et des bases de données, basculer sur un poste de directeur technique (CTO) voire de responsable sécurité. »
IV-Product Owner et Devops : l’agilité redistribue les cartes
Les nouvelles organisations du travail introduites par les méthodes agiles cassent les silos fonctionnels et hiérarchiques et font émerger des profils pluridisciplinaires. Estompant la traditionnelle dichotomie MOE/MOA, le product owner remplace le chef de projet fonctionnel. Au sein de l’équipe Scrum, il définit les attendus d’un produit et garantit la création d’un maximum de valeur dans le délai et le budget impartis. Coordinateur transverse, le « PO » doit faire la synthèse entre les enjeux techniques et métiers. « C’est une star qui reçoit de 10 à 20 sollicitations par semaine même s’il n’est pas en recherche active, s’étonne Fabrice Coudray. Il suffit qu’il ait laissé son CV trainer sur un site.» Ce qui conduit à des comportements de mercenaires rappelant les belles heures de la bulle internet.
Le scrum master ou tech lead est, lui, le référent technique de la « team ». Il émule ses collègues sur la qualité du code, l’architecture. Intégré lui aussi à l’équipe dès la phase de conception, l’UX designer rappelle les bonnes pratiques en matière d’ergonomie et d’expérience utilisateur. Pour Ornella Biasoli, consultante senior IT & digital chez Robert Walters, « l’UX designer est au top en 2017 mais pourrait déjà s’effacer au profit du Dev/Designer. » Un profil mixte mêlant, comme son nom l’indique, design et développement.
Prolongement naturel à Scurm ou Kanban, la démarche DevOps fait, elle, le trait d’union entre les développeurs et leurs collègues de la production dans un process de livraison continue. Selon Fabrice Coudray, l’expert DevOps serait un profil encore plus difficile à alpaguer que le product owner « même si on est sur des volumes de recrutement moindres. »
Enfin, il ne faudrait pas oublier les développeurs qui représentent bien entendu le gros des recrutements. Là encore, ils sont invités à renforcer une double compétence. Laurent Chollat-Namy voit le succès des développeurs web full stack. prenant en charge le front et le back office. « Pour la partie front, la compétence technique ne se limite pas à Javascript, il s’agit aussi de maîtriser les frameworks comme Node.js et Angular.js. Pour la partie back, c’est la trilogie Java/Scala, PHP et .Net. » Pour les technologies open source du big data, c’est une trilogie qui règne : Hadoop, Spark et Kafka.
VI-Une autoformation et une remise en question nécessaire
Pour tous ces jobs en or, les candidats ont l’embarras du choix, en particulier les profils juniors. « Les actifs de la génération Y veulent tout : un job sur leur ligne de métro, une ambiance licorne avec baby-foot, le télétravail…, observe Fabrice Martinez. Ils sont toutefois prêts à accepter un salaire moindre si la mission et ambiance sont bonnes ou pour tenter l’aventure startup. »
Mais attention à la gueule de bois car un métier au top peut devenir un flop cinq ans plus tard. « Plus que des métiers en déclin, ce sont surtout des candidats qui ne s’auto-forment pas sur les Moocs, ne passent pas de certification, déplore Ornella Biasoli. Un langage a durée de vie limitée, il faut se renouveler. Les bons profils ont compris ces enjeux, ils ont un coup d’avance. »
Selon la consultante, le marché valorise aussi les candidats qui multiplient les expériences en interne ou au gré des jobs, sur une durée moyenne de 3 ou 4 ans chacune. « Cela démontre une capacité à se remettre en question. » En cela débuter sa carrière dans une ESN afin de multiplier les missions peut être un bon pari à condition de la quitter suffisamment tôt.
Rémi Ferrand de Pasc@line insiste, lui, sur le savoir-être et le développement des « soft skills ». A savoir l’aptitude au relationnel, à la communication ou à la pédagogie. « La transformation numérique n’est pas qu’une affaire de technologies, l’accompagnement au changement est primordial. Il faut pouvoir embarquer tout le monde. Un chef de projet discutera avec les métiers, la direction des achats, etc. » Un bon moyen de casser une fois pour toute le mythe de l’informaticien individualiste, enfermé dans sa tour d’ivoire.
VII-Les 5 métiers Top de 2017
Data scientist : Associant des compétences en mathématiques statistiques et en informatique, le data scientist conçoit des modèles algorithmiques visant à créer de nouvelles sources de revenus, optimiser l’existant, fidéliser les clients voire prédire l’avenir. En attendant que les cursus dédiés arrivent à maturité, les recruteurs se tournent vers des statisticiens orientés marketing digital ou des actuaires reconvertis. Selon Robert Half, son salaire, dans la banque-assurance, oscille entre 40 et plus de 75 K€.
Product owner : Né avec les méthodes agiles, le product owner est la synthèse entre un chef de projet produit marketing et le chef de projet IT. Maîtrisant les enjeux à la fois métiers et techniques, il garantit la qualité du produit, son rapport coût-valeur. Là encore pas de formation identifiée. Un PO peut être un diplômé d’une école d’ingénieur qui a fait un ou deux projets agiles d’envergure ou un expert métier avec un bagage SI. De 42 à 68 K€ selon Robert Half.
UX designer : L’user experience (UX) designer conçoit et améliore l’interface d’un site web ou d’une application mobile en mettant l’expérience utilisateur au centre des préoccupations. Cela peut être un graphiste formé au web design avec une forte connaissance technique ou, inversement, un intégrateur qui évolue vers le graphisme. De 32 à 70 K€ selon Urban Linker.
Expert DevOps : L’expert DevOps est chargé de faire travailler de concert les équipes de développement et de production dans une optique d’intégration continue. Objectif : raccourcir les délais de livraison. Il s’agit généralement d’un ancien développeur qui a la fibre infrastructure. Pas de formation initiale mais des certifications et des stages diplômants. De 22 à 56 K€ selon Choose Your Boss.
Spécialiste cybersécurité : Constructeurs, éditeurs, intégrateurs, entreprises finales notamment dans la banque-assurance, et même l’Armée… tous s’arrachent les spécialistes de la cybersécurité. A condition qu’ils soient à la hauteur des nouvelles menaces (Ransomware, DDoS, APT…). S’il existe des cursus de formation initiale dédiés, les hackers reconvertis sont les bienvenus. De 40 à… 200 K€ selon nos experts.
VIII-Les 5 métiers flop en 2017
Community manager : Star du début des années 2010, le community manager a vu son étoile pâlir depuis. La stratégie d’acquisition sur les réseaux sociaux est devenue trop importante pour être confiée à une seule personne. Ses missions se trouvent diluées au sein de différentes fonctions du marketing (inbound marketing, CRM…) et de l’e-commerce. Selon le cabinet de recrutement Clémentine, les ex CM peuvent se convertir en content manager ou en social media manager.
Webmaster :Idem pour le webmaster, l’ancien homme à tout faire du web. Sur les premiers sites, il faisait un peu de code, un peu de graphisme, un peu de référencement. Ses attributions ont été aujourd’hui éclatées au sein d’un grand nombre de métiers : développeur web, web designer, responsable SEO…
Formateur TIC : Le recours à la formation professionnelle aux outils bureautiques et informatiques est moins important que par le passé. Le cabinet Clémentine note que les entreprises préfèrent s’en remettre à l’e-learning ou aux Moocs. En présentiel, d’autres formes d’apprentissage apparaissent comme le coaching, le reverse mentoring.
Technicien de maintenance : Les postes de travail d’aujourd’hui étant nettement plus résistants que par le passé quand ils ne sont pas remplacés par des tablettes, on voit de moins en moins de techniciens de maintenance trainer leurs guêtres dans l’open space. Se concentrant sur les bugs applicatifs, le support utilisateur se fait d’ailleurs le plus souvent à distance. De formation bac + 2, notre technicien éprouve des difficultés à évoluer en compétences.
Directeur production : Qu’il s’appelle responsable infrastructure, directeur production ou exploitation, ce dirigeant perd de son influence avec la virtualisation du SI et le cloud. Il est appelé à disparaître ou bien à monter d’un cran pour devenir le référent cloud en entreprise, le directeur technique (CTO) ou le DSI.
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