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DRM : Steve Jobs fait son coming-out

Quand le premier distributeur de musique en ligne prend publiquement position contre les DRM (Digital Rights Management ou gestion des droits numériques), on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de poursuivre leur exploitation. Dans une lettre ouverte, Steve Jobs invite simplement les majors à abandonner l’usage des systèmes de protection des oeuvres musicales vendues en ligne. « Si les quatre grands éditeurs acceptaient de licencier à Apple leur musique sans la condition qu’elle soit protégée par DRM, nous nous mettrions à vendre uniquement des musiques sans DRM sur notre iTunes Store », écrit le patron d’Apple.

C’est d’autant plus surprenant de sa part que son offre iTunes couplée au lecteur multimédia iPod domine largement le marché de la musique numérique. Le distributeur en ligne est régulièrement crédité de 70 % des parts aux Etats-Unis et 50 % en Europe. Apple a vendu 2 milliards de chansons via iTunes et 90 millions d’iPod dans le monde depuis le lancement respectif des produits.

Les DRM ont échoué contre le piratage

Ce qui motive le concepteur du Macintosh n’est pas tant un vent de liberté qu’une opportunité commerciale. Selon lui, les DRM ont échoué à endiguer le piratage. Pire, leur absence d’interopérabilité entre les différents lecteurs numériques du marché freine le développement des offres légales en ligne. » Moins de 3% en moyenne des titres stockés sur un iPod proviennent d’iTunes Store et sont protégés avec des DRM. Les 97 % restant sont des fichiers non protégés et peuvent être écoutés sur n’importe quel lecteur capable de lire les formats ouverts », souligne Steve Jobs. L’homme rappelle également que 2 milliards de chansons se sont vendues en ligne en 2006 dans le monde alors que 20 millia rds de titres l’ont été à travers l’achat de CD audio… sans DRM.

En France, l’industrie du disque ne partage pas l’analyse du dirigeant d’Apple. « Nous n’avons pas besoin des conseils de Steve Jobs pour savoir ce qu’il faut faire des DRM », s’insurge Hervé Rony. Selon le directeur général du Snep (l’association des producteurs de disques en France), « l’analyse [de Steve Jobs] facile lui permet de se donner le beau rôle mais il démontre, non sans cynisme, qu’il fait son beurre sur le dos des majors ». Notamment en renvoyant à l’industrie du disque la problématique de l’intéropérabilité des fichiers alors que les technologies sont développées par l’industrie informatique.

Quid de la question du développement commercial de la musique en ligne freiné par la présence des DRM? Hervé Rony rappelle d’abord que les DRM ne sont pas obligatoires et que la loi DADVSI, comme la directive européenne, rend légitime la protection des oeuvres contre la copie illégale à l’aide de mesures techniques. Libre à chacun des les appliquer ou non. Ce qu’a d’ailleurs fait récemment un certain nombre de labels indépendants. « Le Snep n’a pas à se prononcer sur ces initiatives, on verra si elles portent leur fruits », déclare le porte-parole des producteurs. Mais en tout état de cause, « les majors n’ont pas l’intention de revenir sur l’usage des DRM même si des réflexions sont bien sûr en cours ».

Une victoire pour les consommateurs

Les majors peut-être pas, mais les consommateurs certainement. Fort de la position de Steve Jobs, l’UFC-Que Choisir rappelle que « ces DRM détruisent la valeur de la musique, freinent l’innovation, favorisent les pratiques anticoncurrentielles et les ventes liées aux consommateurs ». Et que seules les majors « qui contrôlent près de 80 % de la production » s’opposent à l’abandon des systèmes anti-copie. En conséquence, l’association de défense des consommateurs demande au ministre de la Culture et de la Communication « de se positionner et le cas échéant d’interpeller les majors sur la nécessité de libérer la musique sur internet ».

De leur côté, les distributeurs Fnac Music et Virgin Mega se félicitent de la position d’Apple concernant les DRM. Les deux plates-formes en ligne rappellent qu’ils militent depuis deux ans pour l’abandon des DRM. « Après le ralliement de la plupart des producteurs indépendants, les majors seront les derniers acteurs à convaincre de la nécessité de proposer des titres sans verrou », avance Julien Ulrich, directeur général de Virgin Mega. En début d’année, Fnac Music et VirginMega ont respectivement lancé leur catalogue de 150 à 200 000 titres ouverts en MP3. Combien de temps encore les majors résisteront-elles à la pression?

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