Les critiques fusent contre les propositions de réforme européenne du droit d’auteur publiées ce mercredi par Bruxelles.
Inscrit dans la stratégie de marché unique numérique votée en mai 2015, le texte s’appuie sur plusieurs consultations publiques réalisées entre décembre 2013 et juin 2016 sur les problématiques de rémunération des auteurs et des ayants droit, de régulation des plates-formes, de gestion des données ou encore de protection des éditeurs.
Pour Jim Killock, des milliers de citoyens ont partagé leur avis, mais « la Commission les a ignorés en faveur de l’industrie ».
Le directeur exécutif de l’Open Rights Group évoque une « régression » qui risque d’aboutir à un Internet « contrôlé par des sociétés privées ».
Une référence à l’article 13, qui impose aux prestataires de services d’hébergement une « proactivité » sur les questions de copyright. Ils devront, en l’occurrence, mettre en place des technologies de détection des contenus sous droit d’auteur et les retirer si nécessaire, sans attendre de recevoir des demandes de la part des ayants droit, comme c’est le cas actuellement.
Mozilla rejoint l’Open Rights Group sur ce point. La fondation craint que ces obligations fassent peser un fardeau insurmontable sur des start-up qui ne pourraient supporter les coûts associés à la mise en place de telles technologies.
Le ton est moins alarmant du côté de Google, qui rappelle que sa technologie YouTube ID gère « 98 % des problématiques de copyright » sur sa plate-forme vidéo ; et qu’elle a permis, depuis son lancement en 2012, de reverser « plus de 2 milliards de dollars » dans la chaîne de valeur du droit d’auteur.
Le groupe Internet salue aussi le principe introduit à l’article 14 : la transparence dans l’exploitation d’œuvres sous copyright. Il se montre en revanche beaucoup plus réservé vis-à-vis des articles 11 et 12.
Ces derniers doivent permettre aux éditeurs de presse de mieux faire valoir leurs droits en demandant une compensation financière aux moteurs de recherche et autres services qui référencent une partie de leurs productions.
Il est établi, dans les propositions de Bruxelles (PDF, 33 pages), que les droits associés aux articles expireront vingt ans après la mise en ligne (décompte à partir du 1er janvier de l’année suivant la date de publication).
D’après l’Open Rights Group, c’est trop pour des actualités. Pour Mozilla, c’est « une éternité sur le Web » ; assez pour limiter la circulation de l’information et faire peser des risques sur l’innovation.
Google la joue pragmatique, rappelant que l’Allemagne et l’Espagne ont déjà voté de telles lois, avec les effets que l’on connaît : dans le premier cas, les principaux éditeurs ont renoncé à faire valoir leurs droits au vu du trafic que leur apportait Google News. Dans le deuxième cas, la multinationale a fermé son service d’agrégation, estimant que la rétribution des éditeurs sur un service n’affichant pas de publicité n’était « pas tenable » économiquement.
Au rang des absents, il y a la liberté de panorama, qui consisterait à introduire une exception au droit d’auteur pour les photographies d’œuvres d’art et de bâtiments publics. Seuls certains États membres de l’UE l’ont introduite dans leur droit, comme le font valoir l’Open Rights Group et Mozilla.
La fondation à l’origine de Firefox déplore aussi que les dispositions figurant à l’article 3 ne s’appliquent qu’aux organismes reconnus d’intérêt public. L’idée est de faciliter la reproduction et l’extraction de données à des fins de recherche scientifique, tout en offrant des garanties aux détenteurs de droits, notamment sur la sécurité du stockage des informations.
Des exceptions s’appliquent aussi au monde de l’éducation (article 4) et aux institutions de préservation du patrimoine culturel (article 5). L’UE propose aussi, à l’article 10, un mécanisme de négociation pour l’exploitation en ligne d’œuvres audiovisuelles.
Crédit photo : Maksim Kabakou – Shutterstock.com
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