Un « engrenage infernal », une « boîte de Pandore qu’il sera difficile de refermer » : Reporters Sans Frontières ne mâche pas ses mots au sujet de l’arrêt européen du 13 mai 2014 sur le traitement des données personnelles par les moteurs de recherche.
L’organisation internationale défendant la liberté de la presse estime que cette décision, qui ouvre une piste de « droit à l’oubli » pour les internautes, constitue une censure et une atteinte au droit à l’information. Elle déplore surtout l’application floue d’une jurisprudence qui s’appuie sur la protection de la vie privée d’un citoyen en particulier (l’affaire est liée à une demande de suppression de contenu émanant d’un Espagnol).
C’est précisément pour clarifier cette situation que les principaux exploitants de moteurs de recherche- Google, Microsoft et Yahoo – avaient rendez-vous, ce jeudi, avec les autorités européennes de protection des données (G29). L’occasion de faire un premier bilan sur les avancées des uns et des autres dans l’application de l’arrêt CJUE.
A l’heure actuelle, seuls Google et Microsoft (avec Bing pour ce dernier) se sont officiellement exécutés, en mettant chacun en ligne un formulaire permettant aux citoyens européens de demander la désindexation, dans les pages de résultats, de contenus apparaissant lors d’une recherche sur leur nom.
Selon Reuters, Google a reçu environ 91 000 requêtes depuis le 30 mai 2014. Plus de la moitié ont été acceptées ; 30%, rejetées. Environ 15% des dossiers ont requis la communication d’informations supplémentaires. Mais plusieurs aspects de cette prise en charge sont critiqués. En tête de liste, la portée du déréférencement : il n’est valable que pour les versions européennes du moteur de recherche. Autrement dit, les contenus faisant l’objet d’une désindexation restent accessibles sur google.com.
Reste également un point d’interrogation sur le périmètre de tolérance imposé par Bruxelles. Qu’entend réellement la Cour de justice en autorisant les Européens à solliciter le retrait d’informations « inexactes ou fausses », « incomplètes ou inadéquates », « excessives ou inappropriées », « obsolètes ou plus pertinentes » ?
Pour traiter ces questions et éviter des ennuis juridiques, Google a dû mettre en place un comité consultatif composé notamment de Jimmy Wales (fondateur de Wikimedia), José-Luis Piñar (ancien directeur de la CNIL espagnole) et Sylvie Kauffmann (directrice de la publication du journal français Le Monde).
Mais il est bien difficile de trouver un équilibre entre protection de la vie privée et droit à l’information du public. De nombreux sites se plaignent de la disparition soudaine de leurs articles dans les résultats de recherche Google… tout particulièrement en France, pays où le nombre de demandes est le plus élevé.
Google affiche, sur chaque page de recherche concernant un nom, la mention « Certains résultats peuvent avoir été supprimés conformément à la loi européenne sur la protection des données ». Mais aucune information supplémentaire n’est fournie aux sites Web quant à la procédure de désindexation ou aux critères d’examen des requêtes.
A l’heure où RSF s’interroge sur la compatibilité de ces pratiques vis-à-vis des principes d’honnêteté prévus par les chartes d’éthique, le G29 invite Google et consorts à lui fournir davantage d’informations sur l’implémentation du dispositif. Autant d’éléments qui aboutiront à la publication d’une charte et d’un guide de bonnes pratiques destiné à faciliter la tâche des régulateurs devant examiner les plaintes déposées par des citoyens qui n’ont pas obtenu le retrait de résultats (déjà 23 cas au Royaume-Uni ; moins de 10 en France).
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