Du rififi dans l’Internet illimité
Face aux tarifs proposés par France Télécom sur l’interconnexion forfaitaire illimitée, AOL se voit contraint d’augmenter de 65 % le prix de son forfait illimité sans engagement, pour ne plus vendre à pertes. Les tarifs en question ne permettent pas de proposer une offre d’accès illimité à des coûts raisonnables pour une qualité de service acceptable. L’Internet illimité à moins de 200 francs, comme le souhaitaient l’ART et le gouvernement, ne sera pas pour la rentrée de septembre.
L’espoir d’un Internet illimité pour la rentrée à 100 francs ou, comme annoncé par l’ART (voir édition du 9 avril 2001) et le gouvernement (voir édition du 3 février 2001), à moins de 200 francs par mois, s’éloigne une nouvelle fois pour les internautes. Tel est, indirectement, le message d’AOL qui a décidé de relever les tarifs de son forfait illimité sans engagement. A partir du 1er août prochain, celui-ci passera de 199 francs à 328 francs (50 euros) par mois. Soit près de 65 % d’augmentation. Soit, surtout, plus cher que l’offre ADSL à moins de 300 francs. Ce nouveau tarif ne concerne que les abonnés actuels au forfait illimité sans engagement. Ils auront le choix de conserver leur accès avec le nouveau tarif, de résilier leur contrat ou bien de se tourner vers un forfait de type 50 heures pour 99 francs. Les abonnés qui ont souscrit pour deux ans à l’accès l’illimité pour 99 francs ne sont pas concernés par les nouveaux tarifs, jusqu’à la fin de leur contrat du moins.
Un compromis entre prix et qualité de service
Cette douloureuse décision a été prise suite à la confirmation des tarifs d’accès à l’interconnexion forfaitaire illimitée de France Télécom et acceptés par l’ART. Ils s’élèvent à 280 000 francs par an pour une liaison à 2 Mbits/s dans le cadre d’un accès régional. « Nous ajustons nos tarifs aux conditions économiques du marché », explique le porte-parole d’AOL France. « L’augmentation d’AOL reflète de façon assez réaliste les tarifs de l’interconnexion forfaitaire illimitée », confirme Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l’AFA, l’association des fournisseurs d’accès. Effectivement, en admettant que l’internaute connecté dispose d’une excellente liaison à 56 Kbits/s, moins de 37 personnes peuvent se connecter simultanément sur la liaison allouée à 2 Mbits/s. Mais à cette qualité de service, le FAI devrait facturer ses abonnés au moins 630 francs par mois rien que pour couvrir les factures de France Télécom. A l’inverse, l’Internet illimité à 100 francs mensuels reviendrait à allouer plus de 230 personnes par liaison à 2 Mbits/s qui se débattraient avec une bande passante de moins de 9 Kbits/s chacune (en admettant qu’ils puissent se connecter tous à la fois). Le nouveau tarif d’AOL se situe bien entre ces deux extrêmes.
Donc, l’offre de France Télécom est encore trop chère pour être rentable. « A ma connaissance, aucun fournisseur d’accès ne va proposer l’illimité à la rentrée », déclare le représentant de l’AFA, « on se dirige plutôt vers une amélioration de la qualité du réseau ou des forfaits plus généreux en heures de connexion pour le même prix ». Le groupe Tiscali, qui détient LibertySurf et World Online (lequel s’était lancé dans l’illimité pour finalement abandonner son offre, voir édition du 23 mars 2000), confirme le sentiment de Jean-Christophe Le Toquin. Pas d’offre illimitée en perspective. Et chez Wanadoo, « les nouvelles offres et nouveaux tarifs se préparent en août ». On n’en saura pas plus. De son côté, France Télécom justifie ses tarifs par les coûts de fonctionnement de son réseau dont les méthodes d’évaluation se révèlent être un véritable casse-tête pour les concurrents, comme pour l’ART apparemment. Il n’empêche que, comme le fait remarquer AOL France, « les tarifs d’interconnexion forfaitaire annoncés par France Télécom […] sont 75 % plus élevés que les tarifs équivalents proposés au Royaume-Uni ». Le fournisseur d’accès américain fait notamment référence à Freeserve, filiale britannique de l’opérateur historique, qui bénéficie de l’interconnexion forfaitaire illimitée servie par British Telecom à un prix apparemment beaucoup plus raisonnable pour les fournisseurs d’accès d’outre-Manche. Pour autant, AOL reste optimiste en mesurant les progrès accomplis. « Il y a un an, France Télécom ne voulait pas entendre parler d’Internet illimité », rappelle le porte-parole d’AOL France, « la mise en place de structures d’interconnexion est, aujourd’hui, un premier pas vers une ouverture de ce type d’offre ». La route risque seulement d’être plus longue que prévu.