La collision de l’actualité est frappante.
Alors que la Commission européenne transmettait les griefs à Google portant sur Google Shopping, une session intitulée « Les nouveaux leviers pour éviter la Google dépendance » était organisée mercredi en fin de matinée sur le salon E-Marketing Paris (qui ferme ses portes ce soir).
Partons d’un constat qui servait d’introduction à cette table ronde : les e-marchands (pure players ou multicanal) dépensent généralement plus de 50% de leurs investissements webmarketing en liens commerciaux Google.
La tentation est grande pour un directeur marketing : vous programmez votre budget d’achat de mots clés lundi et, dès mardi matin, l’audience est là et vous pouvez déjà mesurer l’impact de cette campagne sur votre chiffre d’affaires.
C’est la stratégie de nombreux cyber-commerçants qui démarrent leur activité, comme le raconte Ilan Koskas, Directeur marketing de TravelFactory : « Lorsque nous avons lancé Travelski.com en 2005, nous avions une stratégie 100% Google. Les années passant, nous avons travaillé sur une diversification, car nous nous sommes très vite rendu compte que d’avoir une seule corde à son arc, c’est très risqué, d’autant plus que Google change les règles du business et parfois même devient un concurrent direct. »
Le volume d’internautes drainé par Google intéresse tous les directeurs marketing, mais ce canal d’acquisition devient aussi de moins en moins rentable pour les marchands.
« Dans notre secteur, le voyage, les CPC (coût par clic) augmentent entre 10% à 25% par an et, malheureusement, les paniers moyens et taux de conversion n’augmentent pas d’un même ratio », ajoute Ilan Koskas.
Même constat chez Locasun, site de location de vacances : « Nous avons étés parmi les premiers clients des AdWords Google dans le secteur du tourisme en France, mais à force de se battre avec nos concurrents sur ces achats de mots clés, nous avons vite compris que nous laissions toute notre marge à Google », confie Philippe Maujean, Directeur Général de Locasun.
« Il y a 6 ou 7 ans, nous avons décidé d’arrêter de nous battre uniquement sur ce créneau, mais essayer de trouver d’autres leviers. »
Dans bon nombre de secteurs très concurrentiels, dont le high-tech et le voyage, les sites travaillent à marge nulle sur certains produits tant les coûts d’acquisition de trafic via Google sont devenus élevés.
Face à cette situation de dépendance, il faut diversifier les sources de trafic.
Les marchands utilisent de multiples sources pour drainer à eux les visiteurs. Comparateurs, guides d’achats, sites d’avis de consommateurs et affiliation sur les recettes les plus communes.
Pour Mikael Quilfen, Directeur général France d’HotelsCombined, l’affiliation est un levier très puissant : « Nous travaillons avec plus de 20 000 affiliés dans le monde, depuis le simple blog jusqu’aux plus gros sites de meta search. Toute notre stratégie est basée à l’origine sur l’affiliation. »
Certains exploitent aussi les marketplaces, mais beaucoup négligent un outil qui est pourtant très efficace, leur base client, le CRM.
« Dans notre stratégie de diversification, le premier levier que nous avons actionné, c’est la fidélisation », explique Ilan Koskas.
« Avant de chercher à acquérir de nouveaux clients, il faut commencer par fidéliser ceux que l’on a déjà. C’est un canal énorme et aujourd’hui, avec toute la data dont on dispose permet d’alimenter cette stratégie en temps réel et d’avoir une stratégie RFM (récence, fréquence, montant) et même ERFM (engagement, récence, fréquence, montant) au quotidien pour adapter nos propositions aux clients. »
La promesse d’une communication one to one entre la marque et ses clients, avec des messages le contenu du site web totalement personnalisé pour chaque client, aujourd’hui techniquement possible grâce au big data, reste néanmoins un objectifs à atteindre, même pour les plus avancés qui segmentent de plus en plus finement leur communication.
Autres recettes appliquées par Ilan Koskas de TravelFactory, les outils « classiques » du marketing traditionnels, à ne pas négliger.
Brochures papier, tirés à part, distribution en agence de voyage ou encore via les comités d’entreprise des entreprises.
« C’est un levier très important dans le secteur du tourisme. Plutôt que de donner notre marge à Google, je préfère la donner à nos clients qui sont ainsi très fortement fidélisés. »
La création de contenu et d’une marque forte sont des moyens d’améliorer le référencement naturel d’un site.
Luca Gerini, Directeur e-Commerce de Michelin, profite ainsi de la puissance de la marque Michelin et de son célèbre Guide dans le monde de la restauration pour lancer un site de réservation de tables de restaurant.
« Nous avons la chance d’avoir un contenu formidable à la base et que nous allons exploiter de manière différente. L’internaute n’est plus dans la simple consultation du site, mais va pouvoir réserver sa table. Le conseil fait partie intégrante du service. Le site Michelin Restaurant, ex-guide Michelin peut théoriquement se passer de Google grâce à son contenu. »
De son côté, Mikael Quilfen souligne l’importance de créer une marque pour s’affranchir, au moins en partie, du poids de Google : « Chez HotelsCombined, on a investi 4 millions d’euros en TV l’an dernier et nous gérons nos campagnes exactement comme de l’achat de mots clé. On s’est retrouvé avec des coûts par visite sur certains spots à moins de 40 centimes sur certaines chaines, à moins de 10 centimes parfois. Pour 100 000 euros en TNT, vous pouvez déjà avoir une très belle campagne. Ce qu’il faut faire, même pour de l’affichage sauvage, c’est mesurer l’impact des campagnes, c’est ce que le SEM (Search Engine Marketing) nous aura appris. »
Cette recherche de ROI ne plaide guère en faveur des réseaux sociaux et surtout de Facebook.
Les marchand y publient des contenus pour bâtir leur marque, pour constituer une communauté mais reconnaissent devoir faire très attention. « Il ne faut pas pousser sa marque sur Facebook, ça fait trop commercial, trop publicité », explique Philippe Maujean de Locasun.
« Nos communautés sur les vacances en Espagne et sur le ski fonctionnent très bien, mais nous publions du contenu 8 fois sur 10 contre seulement 2 fois des offres commerciales. »
Facebook et notamment depuis la baisse du nombre d’internautes touchés par chaque publication, se prête assez mal à l’approche ultra-ROIiste des marchands.
Si Facebook n’est pas un canal qui tire les ventes, un élément risque de tout changer, c’est la montée en puissance du mobile.
Chez HotelsCombined, le mobile représente déjà 50% du trafic mondial, avec la zone Asie/Pacifique comme moteur, mais elle est significative en France. Le mobile représente déjà pour le site 30% de son tarif et 20% de son chiffre d’affaires.
Pour le tout nouveau site Michelin Restaurant, le trafic mobile à déjà atteint la barre des 50% de l’audience totale du site : « La restauration, c’est mobile à la base », explique Luca Gerini, directeur E-Commerce de Michelin.
« Le mobile, c’est plus pratique, c’est plus rapide pour reverser une table. Du point du vue trafic on est à 50/50 avec le fixe et, ce qui est intéressant, c’est que la réservation et donc le chiffre d’affaire suit cette progression », poursuit-il.
« C’est assez normal. Lorsqu’on achète un vol, on prévoit son voyage beaucoup plus à l’avance tandis que la réservation d’un restaurant sur mobile, c’est beaucoup d’achats de dernière minute. »
Si le cas de la dépendance vis-à-vis de Google est préoccupant, il faudra surveiller aussi le cas de l’écosystème Facebook dont le développement mobile est impressionnant.
(Article d’Alain Clapaud)
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