La santé connectée prend son envol. Le marché commence à se structurer et la consolidation passe par la France. Fin août, la société américaine iHealth (propriété du groupe chinois Andon) a procédé à l’acquisition de la PME innovante eDevice basée à Bordeaux. Montant de l’acquisition : 93,88 millions d’euros (environ 106 millions de dollars).
Mardi, les parties prenantes sont venues à Paris pour expliquer mardi midi les raisons de ce rapprochement. L’occasion de rencontrer Ly Liu, fondateur du groupe acquéreur iHealth et Président de Groupe Andon (installé à Tianjin), qui venait pour la première fois rencontrer la presse française.
Comment une société californienne orientée Internet des objets (IoT) ayant conçu le premier tensiomètre connecté a fait connaissance d’eDevice, un des rares fleurons de la « French MedTech » situé à Bordeaux ?
En fait, c’est Marc Berrebi, co-fondateur de cette société pionnière dans l’IoT (qui s’est recentré sur le domaine de la santé en 2009), qui a pris contact avec Ly Liu courant 2015. Le fait de partager une vision similaire de leur marché de prédilection aurait permis de signer un accord de rapprochement rapidement, estime l’acquéreur de nationalité chinoise.
Le rachat d’eDevice constitue la première opération de croissance externe d’iHealth. « C’est le début d’une autre histoire sur la santé connectée », commente Ly Liu, qui s’est exprimé en mandarin devant les journalistes tandis qu’un collaborateur retranscrivait ses propos en français.
« La collaboration avec eDevice va nous permettre de devenir leader (…) Cet accord permet de créer un nouvel avantage sur le marché », explique le fondateur d’iHealth. « Nous allons conserver le business model de chaque entreprise. Marc [Berrebi] et Stéphane [Schinazi] seront toujours en charge de la société et du développement du marché », précise Ly Liu.
Au nom d’eDevice, Marc Berrebi rappelle le chemin parcouru de la société qu’il a co-fondée en 2000 avec Stéphane Schinazi. La start-up a été créée à New York mais les équipes de développements étaient situés à Bordeaux.
La société a pris position sur l’Internet des objets mais, à l’époque, on évoquait plutôt une dimension Machine-to-Machine avec l’idée de tout connecter comme une machine à laver, un distributeur de boissons ou des machines à café.
En 2001, eDevice lève 13 millions d’euros auprès des fonds 3i, ABN AMRO mais aussi la Compagnie Financière Edmond de Rotshchild et Vertex Technology Fund qui ont participé au premier tour de table, évoque Les Echos dans un article de l’époque.
Côté business, un premier contrat « e-santé » est signé dès 2002 avec Honeywell Lifescare (sur un volet « remote patient monitoring »). A partir de 2009, la bascule sur le marché e-health est assumée. « On travaille avec les grands industriels MedTech aux USA », explique Marc Berrebi, lors de la conférence de presse. Notamment avec deux des cinq principaux fournisseurs de stimulateurs cardiaques (pacemakers).
Au-delà des fabricants, eDevice s’intéresse aux firmes pharmaceutiques qui cherchent à fidéliser les patients en dépassant la prestation de la simple fourniture de médicaments.
L’éditeur français a mis en place une plateforme globale pour alimenter une chaîne globale de traitement de la donnée entre patients et médecins : connectivité outils, services réseaux, transfert sécurisé, stockage, supervision, affichage des données.
L’entreprise, qui dispose d’un effectif de 30 personnes à Bordeaux (dont deux tiers en R&D), apporte ces solutions de connectivité à des fabricants de dispositifs médicaux pour lesquelles elle connecte « des centaines de milliers de patients », selon le communiqué.
C’est cette expertise qu’iHealth convoite en procédant à l’acquisition d’eDevice. « Ce qui nous manquait un peu, c’est le fait de communiquer de manière stable entre le patient et son dispositif et/ou son établissement de santé », précise Stéphane Kerrien, en qualité de CEO d’iHealth pour la région EMEA (Europe- Moyen Orient – Afrique). Une zone actuellement supervisée depuis Paris.
L’apport des compétences technologiques permettra aussi de s’affranchir du smartphone pour entrer vraiment dans une dimension IoT avec des appareils de santé vraiment connectés. Avec ce rapprochement, d’autres complémentarités sont escomptées : les cibles marchés (BtoB, BtoC) et l’expansion géographique (Etats-Unis, Chine, Europe).
Si les fondations du Groupe Andon en Chine remontent dans les années 90, l’historique d’iHealth Labs (dont le siège se trouve à Mountain View en Californie) est plus court.
Créée en juin 2010, la société se targue d’avoir fabriqué le premier tensiomètre connecté. Une innovation qui avait été présentée à l’époque au CES de Las Vegas.
Ne vous méprenez pas, si le siège social d’iHealth est localisé près du Googleplex, la société de Ly Liu a démarré initialement un partenariat avec Apple à travers une application sous iOS et un produit commercialisé dans les Apple Stores.
La « marque à la pomme » s’est rattrapée depuis en prenant position sur la santé connectée et les apps à travers sa plateforme de développement HealthKit.
Dans le profil d’activité, iHealth apparaît comme une extension du Groupe Andon, qui est coté en Bourse au Shenzhen Stock Exchange et qui affiche un chiffre d’affaires de 70 millions de dollars en 2015.
Son usine de Tianjin (son siège social s’y trouve aussi) emploie 1500 salariés, dont 400 ingénieurs en R&D (100 rien que la partie logicielle) avec des branches réparties entre Pékin et Shenzhen (et maintenant la France avec eDevice).
Outre des tensiomètres, iHealth a étendu sa gamme de produits à des glucomètres, balances corporelles, oxymètres de pouls et bracelets d’activité et de sommeil.
La firme exploite une application mobile gratuite iHealth MyVitals (monitoring, lecture, partage des données de santé). Il existe également une application professionnelle iHealth Pro pour les pros du secteur de la santé uniquement pour des usages iPad.
En 2014, iHealth s’est concentré sur son expansion sur le marché chinois (un million d’utilisateurs recensés actuellement, 10 millions escomptés d’ici cinq ans), notamment à travers un partenariat stratégique signé avec le fabricant de smartphones Xiaomi (qui a injecté 25 millions de dollars dans iHealth en septembre 2014).
Comment se passe le développement d’iHealth en Europe depuis 2013 ? En fait, des produits comme les tensiomètres sont distribués dans des pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne depuis la période 2005-2006 (et donc avant la création officielle d’iHealth). Les dirigeants du groupe ne cachent pas que la distribution de ses produits peut se faire en mode OEM dans la zone.
En cette rentrée, Stéphane Kerrien, ex-directeur des ventes chez Fitbit qui vient d’être nommé CEO iHealth Europe, dispose déjà d’une équipe de 23 personnes à Paris.
« Le marché vient juste de démarrer. On reste encore sur des pilotes en Europe sur la dimension de la santé connectée « , précise l’intéressé.
En France, iHealth vise les hôpitaux mais surtout les groupements pharmaceutiques (« un marché énorme »). « On propose à la fois des dispositif médicaux, des services et un cloud sécurisé pour les données de santé », déclare Stéphane Kerrien (voir schéma ci-dessous).
En France, iHealth déclare disposer du statut nécessaire pour héberger des données personnelles de santé, à travers IDS Santé (qui dispose d’un agrément officiel émanant du ministère de la Santé).
Crédit photo illustration de l’article : NME : de gauche à droite : Marc Berrebi (eDevice), Stéphane Kerrien et Ly Liu (iHealth)
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