Imposer un encadrement des moteurs de recherche pour préserver la liberté d’entreprendre des opérateurs économiques français, ainsi que le droit à une existence numérique qui en découle : tel était l’objectif de l’amendement au projet de loi Macron déposé le 7 avril dernier par Catherine Morin-Desailly, sénatrice UDI de Seine-Maritime.
Cosigné par Bruno Retailleau (président du groupe UMP au Sénat), Jean Bizet (UMP), Jean-Claude Lenoir (UMP ; président de la commission des affaires économiques), Chantal Jouanno (présidente UDI de la délégation aux droits des femmes) et par tout le groupe UDI-UC, le texte a été voté à l’unanimité ce jeudi. Contre l’avis du ministre de l’Économie Emmanuel Macron, qui considère qu’une intervention au niveau européen est nécessaire sur ce sujet.
Sans être explicitement désigné, Google est le premier visé par cet amendement qui consiste en l’ajout, après l’article 33.9 du projet de loi Macron, d’un article additionnel précisant que tout exploitant d’un moteur de recherche est susceptible, compte tenu de son audience, d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique.
Aux termes dudit article, tout exploitant d’un moteur de recherche doit mettre à disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche « sans lien juridique avec cet exploitant ».
Il lui appartient par ailleurs de fournir des informations relatives aux principes généraux de classement ou de référencement proposés, ces derniers conditionnant, selon Catherine Morin-Desailly, la visibilité d’une information et l’attention qui lui est portée.
Un élément d’autant plus important que, d’après les défenseurs du texte, les internautes ont tendance à accorder une « confiance abusive » aux algorithmes, justement parce qu’ils ne disposent d’aucune information quant aux méthodes utilisées. Ils n’auraient même parfois « pas d’autre choix » que de se référer aux résultats d’un unique moteur, du fait d’accords d’exclusivité.
Google et consorts devront également veiller à ce que leur moteur fonctionne « de manière loyale et non discriminatoire », notamment sans favoriser leurs propres services. Ils ne pourront par ailleurs obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.
En cas de manquement à l’une de ces obligations, l’ARCEP – jugée compétente pour en contrôler le respect – pourra infliger une sanction pécuniaire allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par l’exploitant du moteur de recherche (plus de précisions ici pour la prise en compte des exercices fiscaux).
Les démarches du groupe UDI-UC au Sénat s’inscrivent dans un contexte de craintes grandissantes face au développement des groupes Internet américain. Le Parlement européen avait adressé un premier signe fin 2014 en appelant, symboliquement, à une séparation du moteur de recherche Google et des autres activités de la multinationale.
« Le comportement de certains acteurs structurants porte atteinte au pluralisme des idées et des opinions, nuit à l’innovation et entrave la liberté d’entreprendre », résume Catherine Morin-Desailly, reprise par Public Sénat. Et d’ajouter : « L’Europe ne peut plus rester une ‘colonie du monde numérique’ […] ».
L’AFDEL, qui représente 350 entreprises du logiciel et d’Internet en France, a réagi par communiqué à l’adoption de l’amendement.
L’association s’alarme d’une « tentative incohérente de régulation ex-ante [sic] et sectorielle du numérique […] infondée économiquement et juridiquement, [qui] s’affranchit des règles européennes [et qui] reviendrait à condamner l’innovation numérique en France ».
Rappelant que « l’actualité récente démontre clairement que la régulation ex post par le droit de la concurrence conserve toute sa pertinence dans l’environnement numérique », elle appelle les pouvoirs publics à se concentrer sur des mesures de soutien de l’économie numérique et à lever les barrières législatives pesant sur le développement de l’écosystème français.
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