Eolas Technologies est pressée. Cette start-up californienne, qui revendique un brevet sur une « méthode de distribution hypermédia pour invoquer une application externe permettant d’interagir et d’afficher des objets intégrés dans des documents hypermédias », a déposé une demande d’injonction auprès d’un tribunal de Chicago afin d’empêcher la distribution des navigateurs Internet Explorer supportant les plug-ins. Rappelons que Microsoft, accusé par Eolas d’avoir violé son brevet, a été condamné en août 2003 à lui verser la coquette somme de 521 millions de dollars (voir édition du 1er septembre 2003).
Microsoft a bien entendu fait appel du jugement, invoquant l’antériorité de l’usage des plug-ins par rapport au dépôt de brevet d’Eolas. S’il est vrai qu’Eolas a déposé sa demande en octobre 1994, le brevet n° 5838906 lui a été accordé en novembre 1998. Mais, en attendant l’issue de l’affaire, l’éditeur de Windows réfléchit à redévelopper son fureteur de manière à ne plus être en
porte-à-faux vis-à-vis du brevet d’Eolas. Microsoft vient d’ailleurs de mettre en ligne une version mise à jour pour test (la v.01) d’Internet Explorer 6 à l’attention des développeurs Web notamment. Selon l’éditeur, les changements sont mineurs et devraient permettre de continuer à exploiter les technologies propriétaires (Macromedia Flash, Apple QuickTime, RealNetworks RealOne, Adobe Acrobat Reader, Sun Java Virtual Machine et Microsoft Windows Media Player essentiellement) à travers le navigateur. Les sites qui n’auront pas été mis à jour provoqueront, en cas d’utilisation d’un plug-in (ou plus précisément un contrôle ActiveX), l’affichage d’une boîte de dialogue rappelant les changements. Microsoft programme pour le début 2004 la mise à jour publique.
Une nouvelle version du HTML
Face à ces modifications qui entraînent une refonte, aussi mineure soit-elle, des sites faisant appel à des fonctions multimédias, le W3C réfléchit de son côté à une nouvelle version du code HTML. L’enjeu étant, pour l’organisme chargé de la définition des standards du Web, de garantir aux éditeurs de sites une totale indépendance économique vis-à-vis des brevets existants à ce jour (voir édition du 25 septembre 2003). Une solution alternative qui, certes, imposerait la modification de milliers (millions ?) de sites Web mais couperait l’herbe sous le pied d’Eolas. D’où, peut-être, son insistance à vouloir faire reconnaître la paternité de son invention avant le verdict final (l’affaire pourrait en effet traîner si les jugements se contredisent).
Pourtant, Eolas se dit prête à clore l’affaire si Microsoft accepte de lui acheter une licence. Ce que l’éditeur n’a visiblement pas l’intention de faire. Il est vrai qu’aucune des parties n’a révélé les termes commerciaux d’un éventuel accord. Lequel concernerait également, en théorie, les autres navigateurs comme Opera ou Mozilla, mais leur diffusion restreinte n’intéresse probablement pas Eolas face à l’hégémonie d’IE qui occupe plus de 95 % du marché. Autre solution envisageable : Eolas a proposé que les fournisseur d’accès qui distribuent IE (ou un autre navigateur supportant les plug-ins) dans leur kit de connexion prennent à leur tour une licence. Mais, il serait étonnant qu’ils se plient à cette proposition. D’autre part, et quelle que soit l’issue de l’affaire devant les tribunaux, l’attitude d’Eolas révèle, une fois encore, la nécessité d’une technologie standard et indépendante. Le W3C s’y emploie.
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