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Et si le logiciel libre devenait obligatoire ?

Courant décembre, les internautes étaient invités à réagir sur la proposition de loi des trois sénateurs de l’opposition, Pierre Laffite, Guy-Pierre Cabanel et René Trégouët. Au coeur des débats, le texte de travail ne proposait rien moins qu’une révolution : obliger, sous certaines conditions, les services de l’Etat à adopter massivement les logiciels et systèmes d’exploitation libres.

Clos le 16 décembre 1999, le forum a permis aux sénateurs de faire mûrir leur projet de loi. Reformulé, l’article 3 met le feu aux poudres : « Les services de l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics ne peuvent utiliser à partir du 1er janvier 2002 (…) que des logiciels dont l’usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible ». Linux en tête, les systèmes d’exploitation et les logiciels dont le code source est disponible séduisent l’administration parce que, grâce à leurs standards ouverts, ils évitent de dépendre d’une société privée. Microsoft est le premier dans la ligne de mire, après avoir imposé Windows à la majorité des utilisateurs et s’être fait épinglé outre-Atlantique pour ses pratiques anti-concurrentielles. Imaginez un revirement stratégique de la multinationale, et voilà les services de l’Etat contraint de suivre, songent les sénateurs.

En outre, les logiciels privés pourraient receler, pourquoi pas, des trappes secrètes susceptibles de surveiller et trahir les entreprises ou les administrations françaises. Olivier Ezratty, directeur marketing de Microsoft France, s’en défend : « c’est une crainte non justifiée car les codes sources de nos produits sont entre les mains d’une dizaine de laboratoires dans le monde, et en France au CNRS. Ils peuvent vérifier le rôle des fonctions de sécurité ». Qui sont tout de même fondues dans les plusieurs dizaines de millions de lignes du code source de Windows…

L’adoption des logiciels libres pourrait également engendrer d’énormes économies. Car, en général, une seule copie d’un logiciel libre peut être installée sans bourse déliée sur un nombre illimité de machines. Oubliées les licences. Enfin, il peut être modifié pour coller aux besoins d’une administration et, grâce à l’effort de la communauté des développeurs, les correctifs des bogues sont disponibles rapidement.

Evidemment, les éditeurs de logiciels propriétaires voient d’un mauvais oeil le projet de loi des trois sénateurs. « Ce n’est pas le rôle du législateur de définir les technologies à utiliser. Le marché du logiciel est complexe et ne fonctionne pas forcément de façon universelle. Imposer le modèle du logiciel libre est un peu extrême », considère Olivier Ezratty de Microsoft. Selon lui, les éditeurs présents au niveau international pourraient pâtir de la diffusion de leur code source, le fruit de leur travail en France étant repris hors de nos frontières par la concurrence.

Point important, le logiciel libre n’est aujourd’hui qu’en phase de maturation. D’abord, les applications ne sont pas aussi nombreuses sous Linux que sous Windows, par exemple. « Il n’existe pas d’équivalent de grande base de données du type Oracle ou Sybase », explique Stéphane Fermigier, président de Association francophone des utilisateurs de linux

et des logiciels libres (AFUL). « Mais les choses évoluent très vite. Inprise a décidé le 3 janvier 2000 de libérer le code-source de son produit Interbase », continue-t-il. L’échéance du 1er janvier 2002 donnerait alors le temps de créer une véritable offre chez les logiciels libres.

Pour orchestrer la diffusion du logiciel libre dans l’administration, le projet de loi prévoit la création d’une Agence du logiciel libre, dont un correspondant serait désigné dans chaque préfecture. Cette agence aurait en partie pour mission d’évaluer les besoins en logiciels, voire d’autoriser l’utilisation d’applications propriétaires dans certaines circonstances. « Elle pourra organiser des appels d’offres », explique Stéphane Fermigier. Et de citer un exemple :« le Conseil Général des Mines a confié récemment à la société Atrid le développement d’un logiciel de travail en groupe (groupware) destiné à l’administration française. Ce projet, financé par des fonds publics, donnera un logiciel qui pourra être diffusé librement ».

« La France joue un rôle moteur » dans ce domaine, se plait à rappeler Stéphane Fermigier. Les responsables politiques semblent vouloir lui donner raison. Selon lui, plusieurs parlementaires de la majorité prépareraient eux aussi un projet de loi sur le logiciel libre…

Pour en savoir plus :

Le Forum du Sénat sur les logiciels libres

L’Association des Utilisateurs de Logiciels LibresL’association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre

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