S’il est difficile de prédire à quoi Microsoft ressemblera d’ici quelques années, les paris restent ouverts pour dessiner les grandes lignes stratégiques de l’éditeur. En décidant la création de deux sociétés distinctes (voir édition du 7 juin 2000) pour la partie système d’exploitation (Windows) et les applications (comme Internet Explorer ou Office), le juge Jackson contraint le numéro un mondial du logiciel à évoluer. L’issue définitive du procès ne sera connue qu’après la fin de la procédure d’appel. Mais, selon le cabinet IDC, l’une des conséquences probables serait une orientation vers Linux, susceptible d’altérer la santé des constructeurs et éditeurs spécialistes du logiciel libre.
IDC estime en effet que la firme de Redmond ne pourra plus continuer d’assurer avec la même efficacité la domination de Windows. Lorsque la coupure du cordon ombilical entre Windows et les logiciels de l’éditeur sera consommée, les utilisateurs pourraient embrasser plus facilement d’autres applications ou d’autres systèmes d’exploitation, dont Linux. Le marché des PC de bureau serait donc plus réceptif à cette variante d’Unix. De plus, Microsoft n’a pu que constater la mise à nu de ses pratiques commerciales agressives. Certes, l’idée qu’une autorité de régulation surveille la politique de l’éditeur a été abandonnée. Mais les constructeurs gagnent davantage de marge de manoeuvre pour proposer à leurs clients autre chose que Windows. « Rendre les poids lourds comme Dell et Compaq libres de se tourner vers les ventes de systèmes sous Linux, sans crainte de représailles de la part de Microsoft, pourrait être une mauvaise nouvelle pour les start-up » spécialisées dans le matériel Linux, indique par exemple Dan Kusnetzky d’IDC. On rétorquera que les géants du marché des serveurs, comme HP et IBM, n’ont pas attendu l’annonce de la scission pour commercialiser leurs machines sous Linux.
Bref, le pari de futurs logiciels Microsoft pour Linux, pour contrebalancer la perte de vitesse de Windows, est lancé. Vraisemblable ? Chez l’éditeur, l’hypothèse fait hausser les épaules. « Microsoft a bâti son succès autour de Windows », rappelle Olivier Ezratty, directeur du marketing et de la communication de Microsoft France. « Le marché Linux ne se justifie pas pour nous. Les coûts de mise au point et de support sur les différentes distributions seraient trop importants. C’est une question de rationalité économique. D’ailleurs, Corel et quelques sociétés mises à part, les éditeurs sous Windows n’ont pas de stratégie Linux. ». Et de poursuivre : « L’audience de Linux n’est pas la même. Il touche un public de chercheurs et d’enseignants, qui n’ont pas la même relation aux logiciels que les clients de Microsoft ». D’autant que l’offre d’applications n’est pas aussi fournie.
Pourtant, d’ici quelques années, Linux sera vraisemblablement sur les bureaux. « Le marché évolue tellement vite qu’à l’issue du procès, la donne aura changé », estime Olivier Ezratty, qui se défend toutefois de pouvoir prévoir l’allure du marché des systèmes d’exploitation dans seulement deux ans. Mais pour l’instant, aucun projet n’est à l’ordre du jour. « Aucune application Microsoft n’est en train d’être portée sous Linux. Il y un an, une rumeur circulait en Allemagne, indiquant que des développeurs travaillaient sur une version d’Office. Ce n’est qu’une rumeur », poursuit le responsable.
Stéphane Fermigier, président de l’Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres (AFUL), estime pour sa part que le succès de Windows durera encore longtemps. « Microsoft a imposé Office grâce à Windows, et aujourd’hui c’est la situation contraire qui se produit. Du patron à la secrétaire, on a l’habitude de Word ou Excel, d’où une inertie », constate-t-il sans donner davantage de crédit aux arguments d’IDC. Pour lui, inutile de s’inquiéter : « La scission est une bonne chose, car elle va assainir le marché informatique ».
Pour en savoir plus :
* IDC
* L’AFUL
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