Facebook aime les développeurs d’apps mobiles : quelles jonctions en France ?
« Build, Grow, Monetize » : Facebook aborde l’écosystème français des développeurs d’applications mobiles sous l’angle de la plate-forme de services.
Fin mars, dans le cadre de sa session F8 organisée à San Francisco, Facebook avait joué carte sur table auprès des développeurs en se présentant comme une plate-forme de services susceptible d’accompagner le développement de leur activité.
La société Internet s’attache désormais à porter ce message à l’international. La première étape de sa tournée européenne se tenait ce jeudi (17 avril) à Paris, dans les locaux de la structure d’investissement TheFamily.
En maître de cérémonie, Julien Codorniou. Pour cet ancien manager de Microsoft devenu directeur des partenariats de Facebook pour la zone EMEA (Europe,Moyen-Orient,Afrique), l’objectif est simple : aider à faire émerger « le Uber ou le Deezer de demain ».
Petit historique : c’est en 2007 que Facebook bascule véritablement de la logique du réseau social à celle de la plate-forme, sous l’impulsion de son fondateur Mark Zuckerberg, qui s’imagine alors des entreprises dont le seul produit serait… une application Facebook.
Au rang des instigateurs, on peut citer Zynga et Playfish. En France, les jalons ont été posés par IsCool Entertainment (anciennement Weka ; aujourd’hui coté sur le marché Alternext), zSlide (aujourd’hui Ooblada) ou encore Pretty Simple.
Ce sont là exclusivement des éditeurs de jeux. Mais d’après Julien Codorniou, « ce qu’on a vu dans le gaming arrive dans d’autres secteurs ».
Avec les années, la définition même de la « plate-forme » a évolué. Elle se résume aujourd’hui au slogan « Build, Grow, Monetize » devenu les piliers de Facebook. Ou comment permettre aux développeurs de construire des applications, d’en assurer la croissance et de les monétiser.
L’un des grands axes de cette démarche sera Facebook Messenger. Dans le cadre de la conférence F8, le service de messagerie instantanée est officiellement devenu exploitable en tant que plate-forme.
Les quelque 40 partenaires ayant accompagné le lancement ont établi des jonctions essentiellement dans le son et l’image. Mais selon Julien Codorniou, « il y a des scénarios à imaginer dans le dating, la musique, le e-commerce... »
Il existe d’ailleurs une ramification Facebook Messenger Business lancée par David Marcus – l’ancien président de PayPal avait rejoint Facebook en juin 2014 – et qui positionne la messagerie instantanée comme un substitut au canal e-mail dans la relation client.
Everlane utilise ce système pour permettre à ses acheteurs de recevoir des confirmations de commande, d’en suivre l’acheminement et de bénéficier d’un service après-vente.
Publicité : Facebook n’est s’est pas fait en un jour
Sur le volet « Monetize », Facebook propose plusieurs solutions qui sont le fruit de développements en interne, mais aussi d’acquisitions de sociétés.
Le réseau social capitalise sur sa capacité à suivre le parcours de ses membres sur n’importe quel appareil… et à les cibler précisément grâce aux données qu’ils ont renseignées.
« C’est d’autant plus important que 60 % des internautes utilisent au moins deux types de terminaux dans la journée », confie Julien Codorniou. Et d’ajouter : « Nos données permettent de déterminer avec 90 % de réussite si un individu est de sexe masculin ou féminin ; la moyenne est de 59 % dans l’industrie de la publicité en ligne ».
Pour permettre aux annonceurs de mieux mesurer l’efficacité de leurs campagnes en intégrant notamment la dimension encore très présente des achats hors ligne, Facebook a développé Custom Audiences.
Les informations récupérées via des partenaires comme Datalogix à partir des cartes de fidélité permet de démontrer « qu’une impression sans clic peut suffire à déclencher un achat ».
Pour étendre la portée de ses outils à tout le Web, Facebook avait absorbé, en 2013, l’outil de mesure de performance publicitaire Atlas, issu du rachat d’aQuantive par Microsoft. L’acquisition, un an plus tard, de LiveRail, a permis une montée en puissance sur le programmatique associé au format vidéo.
Facebook a aussi développé Audience Network, un réseau publicitaire qui permet aux annonceurs d’étendre leurs campagnes à d’autres applications mobiles en exploitant notamment le format natif – qui représente aujourd’hui plus de 50 % des publicités délivrées via ce système.
Une brique s’est ajoutée à cet ensemble en marge de la conférence F8 : Analytics for Apps, destiné à l’évaluation de campagnes en cross-canal. Un vendeur de chaussures pourra par exemple voir si un individu clique sur une publicité dans son application mobile, recherche un article sur son PC et l’achète sur tablette.
Une offre voulue modulaire grâce à une grande variété de critères géographiques, démographiques et d’affinités. Facebook donne l’exemple d’une analyse centrée sur des utilisateurs masculins de 25 à 35 ans ayant installé l’application en France.
Sur le principe de l’entonnoir, Analytics for Apps permet aussi de suivre le parcours des utilisateurs dans une application et de déterminer à quel moment ils la quittent, abandonnent un panier ou reviennent en arrière.
Parse que…
Pour la partie développement mobile, Facebook s’appuie sur sa plate-forme Parse, issue du rachat de la start-up du même nom. Ce back-end fourni gratuitement prend en charge le stockage de données, l’intégration des notifications et différents SDK (Android, iOS, .NET, JavaScript, Unity…).
« Plus de 400 000 développeurs sont dans la boucle », assure Matias Castello. Le directeur des partenariats mobiles en EMEA pour Facebook s’attarde notamment sur la fonctionnalité Facebook Connect, « [qui] a enregistré plus de 10 milliards de logins en 2014 ».
Certains éditeurs se basent intégralement sur cette fonction pour l’identification de leurs utilisateurs. D’autres en font un levier d’engagement en exploitant le système d’invitations entre amis. C’est le cas de BlaBlaCar, Pinterest et Showroomprive.com.
Facebook mène d’autres travaux en matière de rétention des utilisateurs, à travers des fonctionnalités améliorées de prévisualisation, du partage en groupe et d’identification d’amis appliquées notamment à Messenger.
Pour les start-up disposant d’une application en production ou en exploitation et qui cherchent des ressources (support technique, invitation à des événements, crédit publicitaire), il existe un programme baptisé FBStart.
Frenchies au rapport
Pour illustrer ses propos, Facebook a convié quatre éditeurs français dans les locaux de TheFamily.
En tête de liste, Happn, représentée par son COO Philippe Meriaux. Lancée en bêta à la Saint-Valentin 2014 par trois associés dont Didier Rappaport (cofondateur de Dailymotion), cette application de rencontres est fondée sur deux dimensions : l’hypergéolocalisation et le temps réel « pour retrouver quelqu’un que l’on vient de croiser ».
Auteure, en décembre dernier, d’une levée de fonds de 6,5 millions d’euros auprès de DN Capital (fonds anglo-saxon) et d’Alven Capital, Happn s’appuie intégralement sur Facebook Connect pour éviter les faux comptes.
Facebook représente par ailleurs la majeure partie du budget marketing, « jusqu’à 100 % en début de marché » de l’aveu de Philippe Meriaux, l’objectif étant de « créer des noyaux d’utilisateurs dans un périmètre géographique restreint ».
Créée en 2004 par David Papazian (ancien de Gameloft) Mobigame a décollé avec le jeu Zombie Tsunami, qui compte 20 millions de joueurs actifs par mois. Facebook est au coeur du dispositif, le but étant de « manger ses amis ».
Ayant basculé d’un modèle premium à du freemium, Mobigame a ouvert une page publicitaire avec les bannières et interstitiels d’Audience Network. Quant aux options offertes par la plate-forme Parse, elles ont permis de porter à « 60 % le taux de rétention à 7 jours pour les utilisateurs connectés via Facebook, contre 40 % au global », selon David Papazian.
Alors que l’expérience de Mobigame se compte en années, celle de Pleek se compte plutôt en mois. Mais cette application imaginée par Rémi Bardoux a déjà séduit la chanteuse Nicki Minaj, l’animateur Camille Combal ou encore le footballeur Karim Benzema.
Elle permet, sur le principe du réseau social, de réaliser des mosaïques participatives. Une première photo est publiée et les commentaires se font sont sous la forme d’images ou de vidéos.
Passée par le campus parisien du fonds d’investissement Partech Ventures, Pleek utilise Analytics for Apps et les options enrichies de Facebook Messenger pour « entrer dans les discussions privées », au dire de Rémi Bardoux.
Rad songe aussi à utiliser Messenger pour envoyer des photos de ses produits. Le site, qui proposait à l’origine des ventes privées avec réductions sur invitation d’amis, se positionne aujourd’hui comme une marque de mode avec 2 millions de membres en France, en Angleterre et aux États-Unis.
Il utilise Facebook pour accompagner son basculement du site mobile vers une application mobile (en cours de finalisation). « 50 % de nos utilisateurs passent aujourd’hui par Facebook Connect », précise le COO Alexandre Ali. Et 70 % du budget publicitaire est dépensé sur le réseau social.
Quand on questionne les quatre membres de ce panel à propos des points d’inflexion dans les stratégies respectives de leurs entreprises, les avis varient : pour certains, le succès est arrivé lors du lancement dans un pays donné.
D’autres évoquent une popularité soudaine liée à une mise en avant sur les magasins d’applications. Mais tous soulignent aussi l’impact des passerelles établies avec Facebook.
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