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La grogne des actionnaires de Facebook tourne au recours collectif.

Les investisseurs institutionnels et individuels qui avaient souscrit à l’IPO du réseau social en mai 2012 ont obtenu le feu vert de la justice américaine pour constituer deux class actions.

La décision rendue le 11 décembre 2015 par la cour fédérale du district sud de New York avait été gardée sous scellé. Le juge Robert Sweet l’a rendue publique ce mardi 29 décembre.

Qu’est-il reproché à Facebook ? Pour faire simple, de ne pas avoir suffisamment communiqué à propos des risques associés au développement de son offre sur mobile en matière de monétisation… et donc de croissance des revenus.

Pour mieux saisir les subtilités du dossier*, il faut remonter à ses origines et plus particulièrement le dépôt, auprès de la SEC (Securities and Exchange Commission, organisme de contrôle et de réglementation des marchés financiers aux États-Unis), du document initial relatif à l’introduction en Bourse.

Des pages de pub

Dans ce document remis le 1er février 2012, Facebook faisait le point sur son activité en dévoilant notamment des indicateurs financiers. Par exemple, des revenus publicitaires de 3,2 milliards de dollars en 2011, contre 153 millions en 2007. Mais aussi une base de 900 millions d’utilisateurs actifs par mois, dont près de la moitié se connectant au moins une fois sur mobile.

Comme dans tout dossier d’IPO, plusieurs pages étaient consacrées aux éventuels freins que l’activité serait susceptible de rencontrer à plus ou moins long terme.

Sur la question du mobile, Facebook jouait d’ambiguïté. D’un côté, la croissance rapide de la base d’utilisateurs était mise en avant comme un levier de croissance. De l’autre, il était précisé que la quasi-absence de monétisation à l’époque pourrait « éventuellement affecter négativement les performances » (point 5, point 6 ou encore point 12). Et qu’il n’était pas certain que Facebook parvienne un jour à monétiser efficacement le mobile (point 14).

La société Internet de Mark Zuckerberg confiait par ailleurs qu’elle prioriserait la fidélisation des utilisateurs aux performances financières à court terme.

Elle faisait aussi le point sur diverses décisions ayant (ou allant) entraîner une variation de ses revenus publicitaires. On citera l’augmentation, fin 2010, du nombre de bannières diffusées sur desktop. Ou encore, l’augmentation, fin 2011, des prix de réserve, afin d’améliorer la qualité globale – et le prix – des publicités présentées aux utilisateurs.

Road show

Les marchés avaient positivement accueilli ce dossier.

La SEC avait toutefois, dans une lettre du 28 février 2012, demandé des précisions sur les conséquences potentielles d’une augmentation d’audience sur mobile.

Dans sa réponse du 7 mars, Facebook avait expliqué ne pas pouvoir précisément déterminer d’impact. Notamment parce qu’il était difficile d’anticiper dans quelle mesure l’usage du réseau social sur les smartphones et les tablettes allait compléter ou substituer l’usage sur les ordinateurs. Une déclaration par la suite ajoutée au dossier d’IPO.

En mars-avril, pendant son road show pour aller à la rencontre des investisseurs, Facebook s’est globalement montré positif sur sa capacité à monétiser les plates-formes mobiles. En s’appuyant sur les données qui leur avaient été communiquée, les analystes prévoyaient un chiffre d’affaires en croissance de 39 % entre 2011 et 2012.

Le 3 mai, Facebook abat ses cartes : la société émettra 337 millions d’actions dans la fourchette de 28 à 35 dollars.

À ce moment-là, on décèle chez les investisseurs un enthousiasme sans grand égal depuis l’introduction en Bourse de Google en 2014. Chez les analystes, on parle déjà de « l’IPO du siècle ».

Trop beau ?

Mais les semaines passant, Facebook s’aperçoit que les objectifs définis (1,2 milliard de dollars de CA pour le 2e trimestre 2012 ; 5 milliards pour l’année) ne seraient peut-être pas atteints, la migration vers le mobile s’accélérant… sans que la monétisation suive.

Le 9 mai, la société révise son dossier, en précisant que sur les trois premiers mois de l’année, le nombre d’utilisateurs actifs par jour a augmenté « bien plus rapidement que le nombre de publicités », le mobile y étant sans doute pour beaucoup.

La nouvelle s’est répandue dans les médias, à la suite de quoi Facebook a organisé près d’une vingtaine de conférences téléphoniques pour faire le point avec des analystes.

Mais ceux non contactés ont maintenu leurs estimations. Si bien que la demande en actions Facebook est restée forte. Assez en tout cas pour que le niveau d’introduction soit relevé à 38 dollars, avec en prime l’émission de 84 millions de titres supplémentaires.

Les temps changent

Le jour J, en l’occurrence le vendredi 18 mai 2012, l’action ouvre à 42 dollars. Mais après un quart d’heure, elle revient à son niveau initial. Le deuxième jour (lundi 21 mai 2012), elle termine à 34,03 dollars. Puis à 31 dollars le 22 mai.

L’annonce, en date du 18 mai par l’agence Reuters, de la révision à la baisse des prévisions de revenus de Facebook (4,85 milliards de dollars sur l’année, soit environ 3 % de moins qu’initialement envisagé) a sans doute pesé dans la balance.

Dans sa décision du 11 décembre 2015, le juge Sweet considère que Facebook a fourni « largement assez » de preuves suggérant que les actionnaires savaient dans quelle mesure le mobile pouvait affecter les performances financières.

Il a toutefois rejeté l’argument du réseau social selon lequel les actionnaires – plus d’une quarantaine sur la liste – devaient porter plainte individuellement. Pour lui, constituer des recours collectifs permettra de donner davantage de poids aux questions communes.

Considérant qu’il existe un conflit avec des précédents établis, Facebook – dont l’action cote aujourd’hui à plus de 100 dollars, pour une valorisation dépassant les 300 milliards – va faire appel de ce jugement.

* Référence du dossier : Facebook Inc IPO Securities and Derivative Litigation, U.S. District Court, Southern District of New York, No. 12-md-02389

Crédit photo : Twin Design – Shutterstock.com

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