La fronde couvait depuis un certain temps dans le secteur des télécoms. Les concurrents d’Orange considèrent qu’avec la fibre, l’opérateur historique est en train de reconstituer son monopole.
L’ARCEP vient de prendre position pour éviter une déstabilisation du marché émergent du très haut débit en France. Elle a publié un document de synthèse sur les principaux enseignements retenus pour inciter « tous les acteurs » à investir dans la fibre.
Une vision du marché censée éclairer la régulation alors que le régulateur des télécoms s’apprête à lancer des consultations sur une salve de projets de décisions d’analyses des marchés fixes (intégrant la problématique du très haut débit).
En l’état actuel, l’ARCEP recense 7 millions de prises éligibles à la fibre à domicile (FTTH en anglais) et 1,9 millions d’abonnés effectifs. Orange est incontestablement le leader du marché. Mais il ne pas oublier la contribution du groupe SFR qui revendique 2 millions de clients en très haut débit (essentiellement par le biais du réseau câblé de feu Numericable).
Dans les objectifs fixés par le gouvernement, la couverture très haut débit de la population française doit être assurée d’ici 5 ans. Malgré l’instauration du plan France Très haut Débit (2013-2022) et l’appui d’une campagne de promotion (qui passe notamment par la diffusion de spots TV en prime time sur France 2), le retard pris semble difficile à combler.
Tous les acteurs concernés – opérateurs télécoms, Etat, collectivités locales à travers les réseaux d’initiative publique (RIP) – doivent se mobiliser et favoriser la transition du haut débit (ADSL essentiellement) vers le très haut débit (fibre).
Dans sa communication en date du 9 janvier, l’ARCEP « prend acte et se félicite de l’effort d’investissement porté par Orange ». En précisant : « Cette dynamique doit maintenant se généraliser à l’ensemble des acteurs du marché ».
Les compliments sont plus nuancés dans l’interview de Sébastien Soriano (Président de l’ARCEP) accordée hier aux Echos : « Il y a un risque qu’Orange n’impose son rythme. Or on ne peut pas se permettre qu’un opérateur décide pour l’ensemble du marché. »
Le président de l’Autorité évoque du coup des mesures spécifiques infligées à Orange : « Dans les zones denses, là où les opérateurs se plaignent d’avoir du mal à rentrer dans les immeubles, Orange va avoir l’obligation de les aider à se raccorder. »
Des déclarations qui ont suscité un tollé du côté d’Orange : dans l’édition du jour des Echos, Pierre Louette, Directeur général délégué d’Orange, réplique : « Nous ne comprenons pas pourquoi, parce que cela ne va pas assez vite, il faut freiner celui qui est le plus rapide. »
L’opérateur s’arc-boute sur sa position : « Rien ni personne ne nous fera changer nos plans, pas même le régulateur », ose déclarer Pierre Louette. « Laissez-vous déployer en paix. »
Par Twitter, Stéphane Richard, P-DG du groupe télécoms, n’en pense pas moins :
La section syndicale CFE-CGC Orange prend le relais en soutenant la direction du groupe télécoms. « Déployer la fibre dans les immeubles n’est pas plus facile pour Orange que pour les autres opérateurs, il n’a aucun lien privilégié avec les gestionnaires de copropriétés », estime le syndicat dans un communiqué.
« Le régulateur, qui dispose des données fournies par les opérateurs, devrait notamment savoir que Free est très bien positionné dans les immeubles des zones denses. Et si Orange est prêt à aider ses concurrents dans le cadre d’une coopération de gré à gré, une régulation contraignante pourrait au contraire gripper le processus. »
Dans sa communication de début d’année très marquée par les problématiques THD, l’ARCEP n’oublie pas le segment du marché de la fibre pour les professionnels.
Une série de mesures de régulation sera édictée pour « accroître l’offre de services de ‘qualité renforcée’ à destination des entreprises sur les réseaux FTTH, créer les conditions de l’émergence de nouveaux acteurs d’infrastructures dédiées aux entreprises, et prévenir de potentiels obstacles à la dynamique concurrentielle. »
Il existe toujours des opérateurs alternatifs ou locaux qui tentent de résister face au rouleau compresseur de groupes comme Orange et SFR.
C’est le cas de nouveaux acteurs comme Kosc (opérateur de gros) ou de Netalis (« opérateur-hébergeur » qui étend ses activités depuis la Bourgogne-Franche-Comté) qui s’est lancé l’an passé pour proposer « des offres de fibre plus accessibles aux TPE-PME ».
Ce dernier fait partie d’un groupe d’acteurs indépendants qui cherchent à constituer une association professionnelle. Objectif : faire entendre leur voix sur l’aménagement numérique du territoire et l’accessibilité aux infrastructures réseaux des grands groupes télécoms.
Sébastien Soriano en convient dans son interview accordée aux Echos : « Il faut profiter du déploiement en cours des réseaux FTTH pour développer un marché de masse de la fibre pour les TPE et les PME. »
Mais, sur le segment pro, Pierre Louette est aussi sur la défensive : « Un accord sera prochainement conclu [avec Kosc, ndlr] afin de fournir des capacités réseau du groupe, qui pourra ensuite les revendre à d’autres opérateurs », déclare le Directeur général délégué d’Orange. (Crédit photo : Description : Boîtier d’épissure et fibre optique – Crédit : Jessica David – Médiathèque Orange)
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