Afin d’évaluer avec plus d’acuité le niveau réel de certaines multinationales (comme celles du numérique) dans les pays membres de l’UE, la Commission européenne a confirmé hier les pistes évoquées par Pierre Moscovici.
Sous l’impulsion du commissaire français en charge des Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes et de son homologue Jonathan Hill (en charge de la stabilité financière, les services financiers et l’union des marchés de capitaux), une proposition vers « une plus grande transparence en matière d’impôt sur les sociétés« .
Elle introduit des obligations de déclaration publique pour les grandes entreprises exerçant leurs activités dans l’Union.
Lâchons le grand mot : la Commission européenne exprime sa volonté de lutter contre l’évasion fiscale des entreprises en Europe. Des pratiques de contournement – plus ou moins légales – qui coûte chaque année aux États membres entre 50 et 70 milliards d’euros de recettes fiscales.
Ces mesures vont concerner des groupes Internet puissants du numérique que l’on rassemble dans le club GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple). D’autres services Internet intégrés cette fois-ci dans le cercle NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) seront également concernés en raison de leur statut (parfois potentiel) de licorne.
Il faut percevoir cette proposition de Bruxelles comme un complément du dispositif fiscal déjà établi visant à introduire l’échange d’informations entre autorités fiscales.
« Ce qui obligerait les entreprises multinationales qui exercent leurs activités dans l’Union et dont le chiffre d’affaires global dépasse 750 millions d’euros par an à publier des informations clés, pays par pays, sur le lieu où elles réalisent leurs bénéfices et celui où elles paient leurs impôts dans l’Union », précise la communication de l’exécutif européen.
Les nouvelles règles s’appliqueraient « aux multinationales non européennes exerçant des activités en Europe ». Et cerise sur le gâteau : « Les entreprises devraient publier un chiffre global pour l’ensemble des impôts payés en dehors de l’Union. »
Les informations resteront disponibles pendant cinq ans, précise Bruxelles. Des informations contextuelles (chiffre d’affaires, nombre de salariés, nature des activités) devront être fournies pour chaque pays de l’Union où une société exerce des activités, ainsi que pour les juridictions fiscales qui ne respectent pas les normes de bonne gouvernance dans le domaine fiscal (paradis fiscaux).
La proposition est présentée comme « soigneusement calibrée » afin de garantir la confidentialité des informations commerciales les plus sensibles.
La Commission européenne considère qu’après les scandales d’évasion fiscale associés aux Panama Papers, les Etats membres de l’UE et le Parlement européen devraient être plus sensibles à cet effort de transparence.
Même si, de l’autre côté, le Parlement européen s’apprête à valider définitivement un projet de directive sur le secret des affaires, selon Le Monde. Les mesures prises ou proposées entre les textes seront-elles compatibles ?
« La lutte contre l’évasion fiscale constitue une des grandes priorités de la Commission actuelle. Une coopération étroite entre les autorités fiscales doit aller de pair avec la transparence à l’égard du public », assure Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé de l’euro et du dialogue social, cité dans le communiqué.
« Aujourd’hui, nous rendons facilement accessibles au public des informations relatives aux impôts payés par les groupes multinationaux, sans imposer de nouvelles charges pour les PME, et dans le respect du secret des affaires. »
Cette proposition de directive va maintenant être transmise au Parlement européen et au Conseil de l’Union. Pour son application pays par pays, il faudra compter sur un délai d’un an à compter de son entrée en vigueur. C’est un minimum au regard des retards fréquemment pris dans les transpositions des directives dans les cadres nationaux de législation.
Il faudra également compter sur la résistance des multinationales concernées, organisées en groupements de lobbying auprès de Bruxelles.
Dans le numérique, on trouve des organisations de pression comme DigitalEurope ou l’Internet Association pour défendre les intérêt des groupes américains. En l’état actuel, elles n’ont pas réagi officiellement à cette proposition de directive.
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