Fiscalité : le Royaume-Uni fait plier Facebook après Google
Après Google fin janvier, c’est au tour de Facebook d’accepter de modifier, au Royaume-Uni, sa méthode de calcul d’imposition. Dans quel contexte ?
Le Royaume-Uni a-t-il trouvé l’arme fatale pour convaincre les multinationales du secteur numérique de régulariser leur situation fiscale ?
Comme Google fin janvier, Facebook a accepté de modifier sa méthode de calcul d’imposition.
Selon la BBC, à compter du mois d’avril, le société Internet de Mark Zuckerberg rapatriera outre-Manche des revenus aujourd’hui déclarés en Irlande.
Dans les faits, les plus gros clients sur le territoire britannique ne seront plus facturés par Facebook Ireland, mais pas Facebook UK.
Seules les ventes négociées par les équipes commerciales du réseau social seront concernées. Pas l’activité associée à la publicité programmatique, les transactions se faisant sans intermédiaire « physique ».
À quoi doit-on cette inflexion ? Sans doute à l’évolution de la réglementation fiscale à travers la « taxe sur l’évasion de profits » (Diverted Profits Tax).
C’est précisément pour éviter de passer sous les fourches caudines de cette loi entrée en vigueur le 1er avril 2015 que Google a négocié, fin janvier, un accord qui inclut notamment le règlement de 130 millions de livres sterling (environ 170 millions d’euros) au titre d’arriérés remontant à 2005. Le moteur de recherche s’est aussi engagé à régler ses impôts en fonction des achats de publicité réalisés par les annonceurs locaux.
L’Europe a l’œil
Difficile, par ailleurs, d’éclipser les pressions exercées par l’Europe sur l’Irlande, invitée à modifier son régime fiscal.
Le gouvernement s’est exécuté en entérinant, dans son budget 2015, la suppression du « double irlandais », ce levier d’optimisation fiscale exploité pour transmettre des bénéfices vers des entités basées à l’étranger, mais immatriculées sur place.
Les entreprises concernées ont jusqu’en 2019 pour régulariser leur situation, en sachant qu’elles resteront sur un taux d’imposition très avantageux (12,5 %) et que des réductions d’impôts sont prévues en guise de compensation au titre des activités R&D.
En toile de fond, l’Anti Tax Avoidance Package, présenté fin janvier par Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques. Outre le blocage des méthodes d’optimisation fiscale les plus couramment exploitées, ce paquet législatif vise à imposer aux entreprises de publier leurs résultats et leurs impôts acquittés dans chaque pays de l’UE. Les 28 États membres seront aussi amenés à partager davantage d’informations.
Question de valeur
Facebook le précise régulièrement dans ses annonces de résultats financiers : le Royaume-Uni est son deuxième marché après les États-Unis. Il n’y a pourtant été imposé qu’à 4 % sur son exercice 2014. Du côté de l’équipe dirigeante, on rappelle employer 850 personnes à Londres et avoir implanté, à Somerset, dans le sud-ouest du pays, un centre dédié aux drones à énergie solaire.
Même tendance du côté de Google. Selon Reuters, la firme a fait, en 2014, transiter par sa branche néerlandaise 10,7 milliards d’euros à destination des Bermudes (une filiale locale a été enregistrée en Irlande sous le nom de Google Ireland Holdings).
De passage à Paris fin février, Sundar Pichai a été questionné par Mounir Mahjoubi, nouveau président du Conseil national du numérique, sur « la manière dont la valeur que [l’entreprise génère] pourrait être redistribuée au niveau plus local, spécifiquement en termes de taxes* ».
Le principal dirigeant de Google s’est défendu en élargissant la notion de valeur aux centres de R&D et d’ingénierie, à l’instar de Facebook.
* D’après le Figaro, Google a versé, en 2014, un peu plus de 5 millions d’euros en France au titre de l’impôt sur les sociétés, contre 7,7 millions en 2013 et 6,5 millions en 2012.
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