Par 206 voix pour et 118 contre, les sénateurs ont adopté en première lecture, mercredi 22 octobre 2003, le « projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom ». Ce texte vise avant tout à mettre l’opérateur en conformité avec la directive du 7 mars 2002 (dite « paquet télécoms ») sur le service universel. Ce service, dont la gestion est attribuée exclusivement à France Télécom par la loi française, comprend différentes prestations comme la fourniture du téléphone à un prix abordable, une offre de tarifs sociaux, un service de renseignements et d’annuaire, l’accès à des cabines téléphoniques sur le domaine public, la gestion des numéros d’urgence, etc. La directive européenne vise à libéraliser ce service pour l’ouvrir aux opérateurs concurrents. Cette libéralisation devrait également remettre en cause son mode de financement. Aujourd’hui calculé sur les minutes téléphoniques consommées, il lèse les opérateurs Internet (on passe en moyenne plus de temps en ligne sur Internet qu’au téléphone). La loi appliquée, le service universel devrait être financé au prorata du chiffre d’affaires des opérateurs réalisé au titre des services de télécommunications. Une réforme que nombre d’opérateurs, Tiscali en tête (voir édition du 4 février 2003), attendent impatiemment.
Les opérateurs pourraient ne pas être les seuls à tirer bénéfice de la réforme du statut de France Télécom. Les particuliers aussi. L’article 9 stipule que « l’Autorité de régulation des télécommunications peut imposer à France Télécom de faire droit, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes raisonnables de fourniture d’une offre de vente en gros des services d’abonnement au service téléphonique commuté et de services associés en vue de la revente de ces services par d’autres opérateurs ». Autrement dit, l’ART aurait, une fois la loi appliquée, la possibilité de demander à France Télécom de céder aux opérateurs concurrents l’accès direct aux lignes des particuliers. Aujourd’hui, un particulier qui souscrit à un service téléphonique concurrent ou à l’ADSL dégroupé reste tributaire de France Télécom sur la location de la ligne à travers son abonnement facturé 13 euros par mois (un abonnement qui a augmenté de 86 % depuis 1995) même s’il n’utilise pas les services de France Télécom. S’il reste à prouver que les opérateurs concurrents, une fois l’abonnement du particulier soumis à la concurrence, seront en mesure de proposer des tarifs concurrentiels, la réunification de tous les services (téléphone fixe, voire mobile, ADSL…) en un seul acteur devrait simplifier la facturation. Le particulier ne s’adressera qu’à un seul intervenant et non pas deux ou trois comme actuellement. Ceux qui, comme les abonnés à la Freebox ou la Tout9, ne passent que par Free ou 9Télécom pour leur communications (vocales et Internet) doivent rêver de cette réforme.
Désengagement de l’Etat
Plus généralement, le projet de loi vise à clarifier le désengagement de l’Etat en tant qu’actionnaire de l’entreprise. « L’approfondissement de la concurrence et les évolutions technologiques et stratégiques à venir dans le secteur européen des télécommunications impliquent que France Télécom soit placée dans un cadre juridique aussi proche que possible de celui de ses concurrents », relate Francis Mer, le ministre de l’Economie, dans l’exposé des motifs. « Ce sont les raisons pour lesquelles le gouvernement souhaite mettre fin à l’obligation de détention majoritaire publique du capital de France Télécom, qui est l’un des derniers opérateurs de télécommunications européens à appartenir au secteur public. » En bref, la loi permettra à l’Etat, qui détient encore 58,7 % des actions, de se retirer progressivement du capital de l’entreprise. Ce désengagement devrait entraîner, à terme, la suppression du statut de fonctionnaire, l’objectif étant de vider l’entreprise de ces agents de la fonction publique. Ils ne devraient composer que 25 % des employés à fin 2018 en vue d’une disparition totale en 2035.
Le texte doit encore passer devant l’Assemblée nationale dans la première quinzaine de décembre pour une mise en application prévue courant 2004. Sept ans après la transformation de France Télécom en société anonyme, la voie de la privatisation pure et simple est donc ouverte.
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