Imposant à tout opérateur de prendre « les mesures nécessaires pour garantir la neutralité de ses services vis-à-vis du contenu des messages transmis sur son réseau […] », l’article D98-5 du Code des postes et des communications électroniques a valu à Free une condamnation prononcée le 20 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Paris.
La filiale du groupe Iliad a 15 jours à compter de la signification de cette décision pour procéder au déblocage des serveurs d’adresses IP 80.239.128 à 80.239.191 et de les maintenir accessibles à ses clients qui disposent d’une boîte de messagerie électronique en « @free.fr ».
Les serveurs en question sont exploités par la SARL Buzzee.
Ce spécialiste de l’e-mailing avait saisi la justice en novembre dernier, déplorant de ne pas pouvoir délivrer de courriels aux clients ou prospects qui lui avaient fourni une adresse @free.fr. Il réclamait une astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la date d’une éventuelle décision prise en sa faveur, ainsi que 50 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts.
Les magistrats ont constaté que ce blocage, d’abord intermittent, avait été appliqué « de façon définitive depuis juillet ou octobre 2015 ».
Pour sa défense, Free explique qu’un « certain nombre de prestataires spécialisés identifient Buzzee comme une société envoyant des spams ». Tout en assurant que les e-mails bloqués par ses soins ne satisfont pas, notamment dans le cadre de campagnes de prospection commerciale, aux dispositions de l’article L34-5 du code de la poste et des communications électroniques.
Et d’ajouter : « Les spams encombrent inutilement les réseaux de télécommunications et, par leur volume croissant, rendent plus difficile, ou plus coûteux, le maintien de la continuité et de la qualité de service que lui impose le code des postes et communications électroniques ».
Le tribunal a retenu que la licéité du contenu des messages n’était pas en cause et que le blocage ne résultait d’aucune injonction ou demande d’une autorité administrative habilitée ou judiciaire, comme le souligne Legalis.
Free n’a par ailleurs invoqué aucune disposition législative ou réglementaire qui l’autoriserait, de sa propre initiative, à supprimer des messages destinés à ses clients. En outre, aucune clause dans les conditions générales de l’opérateur ne le mandatent pour un quelconque filtrage.
Tout n’est pas non plus clair chez Buzzee : certains messages ne respectent effectivement pas les dispositions de l’article L34-5 sus-évoqué (et qui stipule, entre autres, que la personne physique destinataire d’un message doit avoir donné son accord préalable pour le recevoir et doit pouvoir revenir à tout moment sur ce consentement).
Mais, toujours selon la justice, Free n’est pas chargé de veiller au respect de ces dispositions. Il n’a, en outre, pas les moyens d’être informé du consentement du client destinataire, ni de vérifier les possibilité de révocation de ce consentement… « sauf à prendre connaissance du contenu des messages [acheminés], ce qui lui est interdit par l’article L32-3 du code des postes et communications électroniques ».
N’ayant pas non plus justifié que sa décision soit consécutive à des réclamations de clients, Free est condamné à débloquer la plage d’adresses IP exploitée par Buzzee, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard.
La SARL est, pour sa part, déboutée de sa prétention que Free lui verse 50 000 euros à titre de dommages-intérêts. Motif : elle n’a apporté « aucune justification, même sommaire du quantum du préjudice allégué ».
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