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French Accelerator décrypte l’aventure entrepreneuriale aux États-Unis

Des valorisations en moyenne cinq fois plus importantes qu’en Europe, un réseau d’entrepreneurs autrement vaste, un marché du capital-risque sans commune mesure… mais aussi une forte pression concurrentielle et des démarches d’implantation coûteuses, tant sur le plan personnel que professionnel : c’est tout le paradoxe auquel se confrontent les start-up françaises qui cherchent à se développer aux États-Unis.

« On arrive avec un rêve et on repart souvent avec une illusion », résume Laurent Ruben.

Installé depuis une dizaine d’années sur la côte Ouest, où il a successivement piloté les opérations commerciales de Quark, supervisé l’activité de Nero et accompagné le développement de Genymobile, ce diplômé en économie et en gestion d’entreprise a lui aussi fait face au « défi américain ».

Laurent Ruben est fondateur et directeur général de French Accelerator.

Pour aider les jeunes entreprises françaises à s’installer outre-Atlantique, il leur a dédié une structure installée à Los Angeles, baptisée French Accelerator et dont il était question ce mercredi à l’occasion d’une conférence organisée dans les locaux parisiens d’Uber*.

À la différence d’un Y Combinator ou d’un 500 Startups, qui accueillent des sociétés en amorçage et négocient 10 à 15 % de leur capital en échange d’un apport financier et de coaching sur quelques mois, French Accelerator se positionne à plus long terme et se concentre sur des projets affichant « un certain degré de maturité », généralement sur la voie d’un premier tour de table institutionnel (Series A).

De prestataire à actionnaire

Par « maturité », il faut entendre une solide équipe de direction, un produit qui a fait ses preuves en France et un modèle reproductible sur d’autres marchés.

Charles La fut l’un des premiers employés de Facebook. Aujourd’hui ingénieur chez Google, il est « directeur technologie » pour French Accelerator.

Sur les six premiers mois, French Accelerator agit en tant que prestataire de services. Il s’agit là d’assurer, pour le compte de l’entrepreneur, des démarches allant de la création de sa société à l’obtention du visa en passant par l’ouverture d’un compte bancaire. Puis, pendant qu’il s’acclimate, de lui donner un bureau, d’adapter son offre au marché américain et d’en amorcer la commercialisation pour constituer une première clientèle.

Pour la start-up cette première phase coûte entre 10 000 et 20 000 dollars par mois. « On ne gagne pas d’argent là-dessus », confie Laurent Ruben, en évoquant un commercial dont le seul fixe s’élève à 15 000 dollars par mois.

French Accelerator parie sur la deuxième phase de son programme : si au bout de 6 mois, les premiers objectifs sont atteints, la structure devient actionnaire des sociétés qu’elle héberge, à hauteur de 5 %, « aux États-Unis uniquement ».

Cash burn

Il est trop tôt pour parler de rendement. Plus encore si on considère que French Accelerator souhaite se limiter à 12 start-up par an. Ce qui, au demeurant, représente déjà un beau défi, selon Laurent Ruben, à l’heure où « 80 % des entrepreneurs français qui viennent aux U.S. échouent en moins de 18 mois ».

Directrice marketing et opérations, Estelle Garnier est une ancienne de Rosetta Stone.

« Il faut faire attention de bien distinguer le rêve de la réalité », insiste l’intéressé, en mentionnant l’exemple d’un ingénieur qui, dit-il, avait monté sa société, levé 250 000 euros en France en phase de bêtatest, commencé à générer un peu de chiffre et décidé de tenter l’aventure américaine.

Rien qu’avec les frais d’avocats associés à ses démarches de création de société et d’obtention du visa entrepreneur (qui impose des obligations, dont celle d’employer des Américains), il en aurait eu pour 35 000 dollars. Le logement familial a alourdi la facture, au point qu’il avait « tout brûlé en moins de 6 mois ».

Un cas extrême ? On n’oubliera pas que French Accelerator a un modèle à faire valoir, mais que ce phénomène de « cash burn » (consommation de trésorerie) est bien réel, a fortiori lorsque l’entreprise ne dégage pas encore de chiffre.

Pour Laurent Ruben, Los Angeles constitue, à ce titre, une option intéressante par rapport à New York et à San Francisco. Non seulement parce que ces deux foyers concentrent une foule de start-up (120 000 dans la Silicon Valley, soit 20 % du contingent mondial), mais aussi parce que les talents y sont convoités et par là même difficiles à attirer.

Facebook, Google et consorts l’ont visiblement saisi. Les campus qu’ils ont ouverts à Los Angeles (un pour le premier, avec 2 200 personnes ; cinq pour le second, avec 2 500 collaborateurs) l’illustrent.

French Tech

La « cité des Anges » présente aussi, sur le plan personnel, des coûts d’implantation moins « prohibitifs » que New York et San Francisco, tout en se trouvant à une heure d’avion de cette dernière. Avec 20 millions d’habitants, c’est aussi « un vrai test marché pas cher avant de s’étendre dans le reste des États-Unis », pour reprendre les termes de Laurent Ruben.

Lui qui se montre véhément à l’égard de son ancien employeur Genymobile souligne aussi que LA diplôme « 11 200 ingénieurs par an », avec des établissements tels que le California Institute of Technology et UCLA.

Depuis le mois d’avril, la ville est labellisée « French Tech », à l’issue de plus d’un an de travaux avec la Chambre de commerce franco-américaine et le Consulat général de France à Los Angeles. La cartographie élaborée dans ce cadre a permis de repérer 60 000 Français, dont 20 000 exerçant dans les métiers de la technologie, 347 d’entre eux étant des entrepreneurs.

Fédérée sous l’étendard French Tech, cette communauté se retrouvera lors d’événements mensuels, ainsi que de rencontres avec des investisseurs et des « mentors » qui acceptent de donner de leur temps, à l’image de Bertrand Le Roux, CIO d’Activision.

Un marché XXL

Moarty sera probablement de la partie. L’entreprise, née à Marseille, édite Nonli, du nom d’une solution qui aide les médias (Le Parisien, L’Opinion, La Provence…) à augmenter et à monétiser leur trafic sur les réseaux sociaux à travers des pages d’atterrissage « intelligentes » qui génèrent de nouveaux inventaires publicitaires ou organiques.

Son président-cofondateur Moïse Morard a fait le choix de French Accelerator, avec lequel il a attaqué, au mois d’octobre, « les travaux pratiques » après une phase amont d’étude de son projet, en relation avec l’équipe française de l’accélérateur – sur laquelle Laurent Ruben est récemment revenu dans le cadre d’un entretien avec le média Chef d’Entreprise.

« L’écosystème français est très développé et très solidaire aux États-Unis […], mais on a bien compris qu’on allait brûler du cash plus vite que ce qu’on était capable de fournir », glisse le jeune entrepreneur, qui se réjouit de la taille potentielle du marché : « En France, la plus grosse page Facebook réunit 6 millions de fans ; aux États-Unis, c’est 50 millions ». Des données qu’on relativisera par l’exemple du PSG, qui compte 25 millions de « like » sur sa page officielle

* Uber France assure que cette démarche s’inscrit simplement dans la continuité de ses actions en faveur de l’écosystème start-up, comme a pu l’être le concours UberPitch, organisé dans 37 villes en Europe et remporté par une jeune pousse tricolore : Brigad, à l’origine d’une application de recrutement pour le secteur de la restauration.

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