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Gaël Duval : « Je voulais que Mandriva devienne l’Airbus du software »

Co-fondateur de la société Mandrakesoft fin 1998 aux côté de Jacques Le Marois et Frédéric Bastok, Gaël Duval a fait les frais du récent plan de restructuration opéré par l’éditeur en réponse aux pertes annoncées sur le premier trimestre fiscal 2006 (voir édition du 8 mars 2006). Huit autres personnes ont été licenciées en France et autant du côté de la filiale brésilienne de l’éditeur devenu Mandriva en avril 2005 suite au rachat de la société Conectiva effectué deux mois auparavant. Gaël Duval est le créateur de la première distribution MandrakeLinux (dérivée de Red Hat dont elle reprend le format de paquetages RPM) en juillet 1998. Son départ a surpris la communauté Linux. Pour Vnunet.fr, il revient sur l’aventure Mandrakesoft/Mandriva et évoque ses nouveaux projets.

Co-fondateur de la société Mandrakesoft fin 1998 aux côté de Jacques Le Marois et Frédéric Bastok, Gaël Duval a fait les frais du récent plan de restructuration opéré par l’éditeur en réponse aux pertes annoncées sur le premier trimestre fiscal 2006 (voir édition du 8 mars 2006). Huit autres personnes ont été licenciées en France et autant du côté de la filiale brésilienne de l’éditeur devenu Mandriva en avril 2005 suite au rachat de la société Conectiva effectué deux mois auparavant. Gaël Duval est le créateur de la première distribution MandrakeLinux (dérivée de Red Hat dont elle reprend le format de paquetages RPM) en juillet 1998. Son départ a surpris la communauté Linux. Pour Vnunet.fr, il revient sur l’aventure Mandrakesoft/Mandriva et évoque ses nouveaux projets.

Le fait que les deux fondateurs soient mis à l’écart n’indiquent-ils pas une « redhatisation » de Mandriva, autrement dit une orientation presque exclusivement tournée vers le marché de l’entreprise au détriment de son esprit d’origine tourné vers l’utilisateur et le poste client?
Dans un sens oui, Mandriva semble s’orienter de plus en plus vers le marché des entreprises, en France en tous cas (et au Brésil via la filiale Conectiva). Mais la comparaison avec Red Hat est peut-être un peu forte, car d’un coté il y a un géant américain, de l’autre coté une PME française.

Justement, Mandriva a-t-il vraiment ses chances face à des acteurs aussi puissants que Novell et Red Hat, voire Sun Microsystems avec OpenSolaris?
Mon avis, qui n’est que mon avis, c’est qu’il faut innover, sans arrêt innover, miser à fond sur la qualité et adopter des modèles économiques qui collent au logiciel libre, tout au moins pour les utilisateurs individuels. Concernant l’entreprise, c’est moins clair tellement l’offre est déjà riche.

Quelle analyse portez sur le marché des distributions Linux « commerciales »?
Au risque de me faire des ennemis dans la communauté Linux, je dirais que c’est quand même souvent ces fameuses distributions commerciales qui sont les plus en pointe en termes d’innovation. Par ailleurs, c’est merveilleux que des milliers de développeurs puissent vivre de leur passion du logiciel libre. Ce qui est important c’est que ces distributions commerciales respectent les principes du libre, en particulier les licences et l’accès au code source. Je suis heureux qu’on ait pu imposer dès le début de Mandrakesoft que tous les développements internes soient diffusés en GPL [Licence publique générale GNU, rédigée par Richard Stallman et Eben Moglen, la licence GPL offre la garantie d’utiliser, de réaliser, modifier et distribuer librement des programmes informatiques, ndlr].
Par contre je suis souvent perplexe par le peu d’imagination dont les sociétés commerciales font preuve en termes de modèle économique. C’est toujours la « vieille école » issue du monde propriétaire qui s’exprime majoritairement, que ce soit au niveau des produits ou des services. Si je dis ça, peut-être qu’on va me rétorquer « pourquoi vous n’avez pas mis en oeuvre vos idées à Mandriva? ». Je répondrais que d’une part je l’ai fait et avec succès, par exemple avec le Club Mandrakesoft sur le mode « street performer » (c’est-à-dire : donnez plus et vous aurez plus), même si le modèle a changé depuis. D’autre part, je n’ai pas eu les mains libres du tout à Mandrakesoft, contrairement à ce que certains pensent.

Etes-vous toujours actionnaire de Mandriva?
Oui, assez modestement. Je souhaite et je pense que Mandriva peut devenir une société prospère.

Globalement, quel bilan tirez vous de l’expérience Mandrakesoft/Mandriva?
Evidemment en 7 ans j’ai beaucoup appris, bien au-delà de l’informatique. L’expérience de la communauté Linux a été très forte puisque Mandriva, qui reste une petite structure d’environ 120 salariés (dont une soixantaine en France) avec la connexion brésilienne, développe et diffuse un produit qui, dans le monde propriétaire, nécessiterait des centaines, voire des milliers de développeurs. Mais je regrette d’avoir trop rapidement accepté de laisser tout mon « pouvoir » à d’autres personnes qui n’avaient pas d’idée de modèle économique adapté à l’open source, et une vision limitée du produit. J’aurais souhaité que Mandriva devienne en Europe une sorte d’Airbus du software. Néanmoins, je reste fier d’avoir été à l’origine d’un projet qui a fait beaucoup avancer l’adoption de Linux sur le poste de travail.

Parlez-nous de votre nouveau projet Ulteo et de son modèle économique.
Sans dévoiler totalement le concept, Ulteo va être destiné dans un premier temps aux utilisateurs individuels et SOHO (Small Office Home Office). Il ne va pas s’agir d’une énième distribution Linux dans le sens où j’apporte un nouveau concept qui s’inscrit dans la logique des accès Internet rapides que l’on trouve de plus en plus souvent chez les utilisateurs.

Le modèle économique d’Ulteo sera totalement en phase avec le logiciel libre. C’est-à-dire que le produit lui-même sera totalement libre et gratuit. Par contre, un modèle payant de services multiniveaux directs et indirects sera proposé autour du système, mais toujours avec une logique communautaire et équitable. En fait, je souhaite prendre le contre-pieds complet du courant de pensée qui consiste à vouloir appliquer des modèles de produits et de business issus du monde du logiciel propriétaire au logiciel libre. Tout ceci sera dévoilé au mois de mai si tout va bien.

Doit-on comprendre qu’Ulteo exploitera les « outils » du Web 2.0 (architecture Ajax, services Web, etc.) à travers un navigateur et qu’il n’y aura pas à proprement parler de système installé sur l’ordinateur?
Non, c’est effectivement un concept tentant, mais ça demanderait un temps de développement extraordinaire pour rassembler un nombre suffisant d’applications et de services. J’utilise des briques, libres pour la plupart, déjà existantes.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de service Ulteo qui construiront le modèle économique du projet?
Je ne souhaite pas faire de vaporware, donc tout ceci sera dévoilé lors du premier lancement.

Combien de développeurs travaillent sur le projet? Une société commerciale a-t-elle été créée pour l’occasion?
Cela fait un an que je travaille seul sur ce projet, à mes heures perdues avant, et maintenant à plein temps. Mais depuis l’annonce du projet je suis en contact avec beaucoup de partenaires potentiels, contributeurs, etc. Ce qui devrait accélérer les choses. Quant à créer une société commerciale, ça viendra seulement si le projet décolle bien. Inutile de perdre son temps avec ce genre de choses au départ.

Ulteo, ça veux dire quelque chose?
Non. Il se trouve que chez Mandrakesoft j’ai passé une partie de mon temps à chercher des nouveaux noms, et c’est devenu une sorte d’obsession de trouver des noms libres en « .com », qui ne sont pas déjà déposés en tant que marque. J’ai trouvé Ulteo plutôt sympa, international, alors je l’ai adopté.

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