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Google en abus de position dominante : la Commission européenne accentue la pression

Google a dépassé les bornes. C’est l’avis de la Commission européenne, qui accuse officiellement le groupe Internet d’abus de position dominante sur le marché de la recherche. Et Android se retrouve désormais dans le collimateur en parallèle.

Le nouveau collège de la Commission européenne, qui a pris ses fonctions en novembre 2014 sous la présidence de Jean-Claude Juncker, a accéléré l’enquête antitrust à l’encontre de Google, dont l’ouverture remonte à…novembre 2010.

Aucun compromis satisfaisant n’a été trouvé entretemps avec Google qui a pourtant émis trois séries de propositions afin d’éviter le courroux de Bruxelles. En vain.

Mais la Commission européenne considère qu’il dispose de suffisamment d’éléments pour notifier les griefs à Google c’est à dire les accusations qui pèsent à l’encontre de la firme sur Internet.

Le point central porte sur le marché la recherche Internet: Google favoriserait systématiquement son propre comparateur de prix (Google Shopping) dans ses pages de résultats de recherche générale. Et ce, au détriment des autres portails de type shopbot développés par des sociétés tierces.

« La Commission estime à titre préliminaire qu’un tel comportement est contraire aux règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante car il entrave la concurrence et porte préjudice aux consommateurs », estime Bruxelles dans sa communication.

Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la Politique de concurrence, apporte des précisions sur les prochaines étapes : « Google a à présent la possibilité de convaincre la Commission du contraire. Toutefois, si l’enquête devait confirmer nos craintes, Google devrait en assumer les conséquences juridiques et modifier la façon dont elle conduit ses activités en Europe. »

« L’envoi d’une communication des griefs ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête », tempère Bruxelles. Le groupe de Larry Page dispose de dix semaines pour répondre aux griefs de la Commission européenne et solliciter ensuite une audition formelle.

Néanmoins, si la position d’abus de position dominante est confirmée et que Google refuse de changer d’attitude, la note risque d’être salée pour la firme Internet de Mountain View : on évoque une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires dans le monde (correspondant à 6 milliards d’euros).

Google Shopping serait donc le principal talon d’Achille de Google. Selon la Commission européenne, Google réservait un traitement favorable à son comparateur de prix dans ses pages de résultats de recherche générale (mise en exergue à l’écran).

Une manière de capter l’attention des internautes via le moteur général (qui dispose d’une part de marché écrasante en Europe : 92,3% sur le premier trimestre 2015) et de détourner artificiellement le trafic des services de comparaison de prix concurrents.

Sur la trentaine de sociétés qui ont saisi Bruxelles, quelques acteurs de l’e-commerce devraient afficher une certaine satisfaction à la lecture des griefs visant Google : on pense notamment aux services de comparaisons de prix des produits Foundem (qui avait émis une alerte dès 2009) mais aussi Ciao.com (désormais intégré dans Groupe LeGuide.com).

Plus globalement, les organisations européennes qui ont formé de multiples fronts « anti-Google » – ICOMP  (dans lequel on trouve aussi Microsoft), Open Internet Project ou FairSearch Europe – devraient afficher une certaine satisfaction. Mais il risque d’y avoir des sociétés frustrées par l’unique angle « Search » d’accusation retenue par la Commission européenne.

UE vs Google : l’enquête initiale de 2010 se poursuit sur d’autres points…

La recherche des prix des produits sur Internet ne constitue d’un bout de la lorgnette au regard des faisceaux d’indices que l’on a pu percevoir lors de l’ouverture de l’enquête en 2010.

A l’époque, la Commission européenne considérait que Google était susceptible d’abuser d’une position dominante « en accordant à ses propres services de recherche verticaux un placement préférentiel, afin d’exclure les services concurrents ». En clair, cela aboutissait à une perte de visibilité sur les pages de recherche naturels » (enfouissement des liens des sites concurrents dans le classement) et même à travers les résultats de recherche payants du moteur (programme de liens sponsorisés AdWords) en jouant sur le « score de qualité » (un des facteurs qui détermine le prix à payer pour l’affichage d’une publicité sur Google).

La portée de l’enquête initiale portait également sur des allégations susceptibles de déstabiliser le marché de la publicité sur Internet : « Google aurait imposé des clauses d’exclusivité à des partenaires publicitaires, en leur interdisant de disposer certains types de publicités fournies par des concurrents sur leur site web, ainsi qu’aux fournisseurs d’ordinateurs et de logiciels, ce dans le but d’exclure des outils de recherche concurrents ».

On avait eu un aperçu de ce type de conflit en 2010 avec une illustration en France : la société Navx (éditrice d’une application détection de radars transformée progressivement en « outil d’assistance à la conduite » et récemment acquise par Opis, éditeur américain d’un service pour comparer les prix des carburants) avait saisi l’Autorité de la concurrence.

A l’époque, elle protestait contre le règlement de Google AdWords jugé inéquitable. Des mesures conservatoires contre Google avaient alors été prises en raison de conditions non objectives, non transparentes et discriminatoires, au détriment des fournisseurs de bases de données radar et particulièrement de la société Navx ».

Il faudra se montrer encore un peu de patience. De manière sous-jacente, on retrouve ce volet dans les griefs que la Commission européenne vient de notifier au groupe Internet.

Car la procédure formelle d’examen se poursuit sous d’autres angles : « traitement favorable qu’elle réserve à ses résultats de recherche générale d’autres services de recherche spécialisée », « préoccupations concernant la copie de contenus Web concurrents (connue sous le nom de ‘scraping’ ou ‘moissonnage’) », « exclusivité en matière publicitaire » et « restrictions injustifiées imposées aux annonceurs ».

De son côté, Google a organisé sa défense auprès du grand public en fournissant son propre éclairage sous forme d’une contribution blog.

Le lancement de la première campagne publicitaire institutionnelle de Google France, annoncé la semaine dernière, ne serait peut-être pas forcément une coïncidence non plus…

Outre la recherche sur Internet, précisons qu’un deuxième front important est ouvert à propos d’Android : l’OS mobile fait l’objet d’une nouvelle enquête formelle de la part de la Commission européenne.

Sachant que cette dernière s’y intéressait depuis 2013. Il faut s’attendre à une plongée profonde dans les ramifications élargies de l’écosystème Android…

(Crédit photo illustration : Commission européenne : Margrethe VESTAGER)

Bonus vidéo Commission européenne :  la Commission adresse une communication des griefs à Google

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