C’est un petit geste symbolique mais cela prouve les ambitions de Google dans le monde de l’édition. Pour la première fois, le moteur de recherche, qui exploite le service Recherche Google Livres(Google Book Search), a ouvert un stand sur le Salon du Livre qui se déroule actuellement à Paris (du 17 au 22 mars 2006, Porte de Versailles). Le groupe américain se montre offensif sur le terrain de la numérisation des ouvrages. Son offre Recherche Google Livres est divisée en deux sous-parties : la première concerne directement les éditeurs de livres afin qu’ils acceptent de placer tout ou une partie de leurs contenus sur Internet qui seraient accessibles via le moteur de recherche et l’autre touche les grandes bibliothèques qui souhaitent numériser leurs fonds en vue d’une consultation en ligne. Les deux volets suscitent des réticences diverses en Europe et particulièrement en France : peur de l’hégémonie de Google, menaces présumées sur les droits d’auteur, vélléité d’indépendance européenne?John Lewis Needham, responsable France du programme Recherche Google Livres, fait le point sur le sujet. (interview réalisée le 17 mars 2006)
Vnunet.fr: Quel premier bilan dressez-vous du service Recherche Google Livres en France?
John Lewis Needham : Le service a été lancé en octobre 2005 et le programme partenaires a été activé il y a deux mois. Il propose des milliers d’ouvrages en français, fournis par des éditeurs de la France et de la Francophonie. Recherche Googles Livres aide les internautes à découvrir les catalogues des éditeurs et à consulter les ouvrages.
Comment qualifieriez-vous l’accueil que réservent les éditeurs français à ce programme ?
Nous sommes bien reçus mais nous ressentons plus d’hésitations de la part des éditeurs en France que dans d’autres pays. Nous trouvons que les éditeurs sont plus méfiants que le Royaume-Uni. Le programme vient réellement de démarrer il y a deux mois. Nous sommes toujours dans une phase de découverte du marché.
Combien d’éditeurs français ont intégré le programme Google Livres ?
Je ne peux pas le communiquer de manière précise mais nous recensons quelques centaines d’éditeurs francophones inscrits. Nous tenons à dire que nous acceptons tous les éditeurs quelles que soient leurs tailles et l’importance de leurs catalogues. C’est un service gratuit que nous proposons aux éditeurs. De plus, nous fournissons des garanties sur la sécurité d’accès et la qualité de la présentation des ouvrages.
Cela représente combien de livres scannés ?
Il est difficile de communiquer un nombre de pages scannées car nous en rajoutons quelques milliers d’ouvrages de toutes langues chaque semaine [Dans un entretien publié dans Libération en septembre 2005, Google avait annoncé 100 000 ouvrages scannés aux Etats-Unis, NDLR]. Je peux vous indiquer en revanche que la langue française est placée en troisième position pour les recherches sur Google Livres. C’est plus important que l’allemand alors que le taux de pénétration de l’Internet est plus développé outre-Rhin.
Vos activités provoquent quelques remous dans le secteur de l’édition en France. En début d’année, le syndical national de lédition a protesté contre la numérisation non autorisée d’ouvrages…
C’est une controverse qui est concentrée sur le volet bibliothèque. Nous avons commencé à numériser des fonds de quelques bibliothèques anglo-saxonnes. Certains des ouvrages qui arrivent sur le service sont en français et édités en France. C’est une question d’interprétation entre la loi américaine et la loi française. Nous estimons que cette reprise s’inscrit dans le droit de citation. Aux Etats-Unis, cela a abouti a une procédure juridique initiée par des éditeurs et des auteurs. Nous attendons une décision de justice sur ce sujet.
Google Livres a également vocation à inciter à l’achat des ouvrages. Avec quels partenaires travaillez-vous ?
Nous proposons trois choix à l’internaute : si l’éditeur vend directement aux consommateurs, Google Book Search place un lien direct sur son site. Nous proposons également des liens vers les libraires en ligne comme Amazon.com, Fnac.com et Chapitre.com. Au Royaume-Uni, nous orientons également les internautes vers des librairies indépendantes dans le cadre de Google Local. Lorsque ce service sera mis en place en France, ce qui ne devrait plus tarder, nous effectuerons la même démarche.
Amazon.com souhaite lancer un service de vente de contenu en ligne par section d’ouvrages ou chapitres de livres. Etes-vous intéressés par cette approche ?
Nous allons faire la même chose. Nous ressentons en premier lieu une forte demande des internautes pour accéder à l’intégralité de l’ouvrage sur Internet afin de le consulter en ligne. Cela ne prendra pas la forme d’un e-book à télécharger mais plutôt d’un abonnement à l’ouvrage pour une consommation en ligne. Les internautes pourront créer une sorte de bibliothèque personnelle avec une tarification à l’accès en ligne.
Avez-vous suivi avec attention les débats de lAssemblée nationale sur le droit d’auteur?
Nous sommes conscients des bouleversements liés à l’édition et l’Internet. C’est un débat qui arrive dans tous les pays (Chine, Japon, Etats-Unis…). Tous les gouvernements commencent à adapter la loi face à ces opportunités numériques. Nous n’avons pas d’avis particuliers sur les sujets débattus. Nous nous concentrons sur les relations avec les éditeurs.
Sur le volet des bibliothèques, avez-vous établi des liens avec des grandes bibliothèques françaises ?
Nous avions annoncé sept universités partenaires à l’occasion du lancement de ce programme en décembre 2004, dont l’université anglaise d’Oxford. Nous avons l’intention de continuer les discussions avec d’autres universités européennes.
Cela semble difficile en France, compte tenu des tirs nourris du président de la Bibliothèque Nationale de France contre les initiatives de Google…
Aux Etats-Unis, tout en respectant la loi américaine, nous pouvons numériser les fonds des bibliothèques même si les ouvrages demeurent sous le droit d’auteur. Si nous signons des accords de ce type en France ou en Europe, nous nous concentrerons que sur la numérisation des ouvrages tombés dans le domaine public. Nous ne toucherons pas aux ouvrages soumis au droit d’auteur.
Google a-t-il l’intention de monter un projet similaire à la Bibliothèque Numérique Européenne (BNE) ?
Nous soutenons les initiatives en matière de BNE, que nous jugeons positives. Nikesh Arora, Vice President of European Operations chez Google, fait partie d’un comité européen sur la BNE qui comprend Jean-Noël Jeanneney (voir interview du 20 septembre 2005) mais aussi ses homologues allemand et anglais. Ce groupe de réflexion mi-public mi-privé devrait se réuni prochainement pour faire le point à ce sujet (voir encadré en bas). Mais nous allons continuer en parallèle de discuter avec des partenaires pour offrir à nos utilisateurs une autre approche dans ce domaine. Il existe d’autres initiatives indépendantes comme l’Open Content Alliance (OCA).
Il est vrai que Yahoo et MSN prennent également des initiatives dans ce domaine. Comment vous démarquez-vous de vos concurrents ?
Nous ne savons pas ce qu’ils comptent faire, mise à part leur participation au sein de l’OCA (voir édition du 26 octobre 2005). Je trouve que les projets de Yahoo et de MSN ne sont pas encore clairs.
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Un groupe de haut niveau sur la bibliothèque numérique européenne (BNE) devrait se réunir pour la première fois le 27 mars 2006 sous la houlette de la Commission européenne. Il réunira les principales parties concernées de l’industrie et des insitutions culturelles. Ce groupe abordera diverses questions comme les possibilités de partenariats public-privé pour les efforts de numérisation et les droits d’auteur. Le projet BNE devrait être doté d’un budget de 200 à 250 millions d’euros pour numériser plus de six millions d’ouvrages d’ici 2010. |
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