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Quatre ans après, Google défend sa vision du « droit à l’oubli » devant la CJUE

« Aucun pays ne devrait avoir le pouvoir de contrôler les contenus auxquels quelqu’un peut accéder dans un autre pays. »

Cette réflexion est au cœur de l’argumentaire que Google avance pour s’opposer à une décision de la Cnil sur la question du droit au déréférencement dans les moteurs de recherche.

Le litige est remonté jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), où une audience a lieu ce 11 septembre 2018.

Pour saisir les origines du contentieux, il faut remonter au 13 mai 2014. Cette même CJUE rendait un arrêt qui fait aujourd’hui jurisprudence.

En substance, l’exploitant d’un moteur de recherche est responsable du traitement des données personnelles qu’il collecte et qui apparaissent sur des pages web publiées par des tiers.

En cette vertu, les individus et personnes morales peuvent obtenir, sous certaines conditions, la désindexation de résultats de recherche pointant vers des contenus les concernant et qu’ils jugent « inexacts ou faux », « incomplets ou inadéquats », « excessifs ou inappropriés » ou encore « obsolètes ou plus pertinents ».

Alors ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg avait affiché sa satisfaction. Tout comme Axelle Lemaire. La secrétaire d’État chargée du numérique avait évoqué « une réelle avancée pour la protection de la vie privée des citoyens européens ».

Censure et vie privée

Pour clarifier l’application de cette esquisse de « droit à l’oubli », les autorités européennes de protection des données avaient réuni, à l’été 2014, les principaux exploitants de moteurs de recherche.

De nombreuses questions s’étaient posées à cette occasion, du manque de contextualisation des demandes de retrait de liens à l’émergence du « journalisme citoyen » bouleversant – et complexifiant – la notion de sources « de confiance ».

La portée du déréférencement avait aussi fait débat. D’un côté, la Cnil et ses homologues de l’UE estimaient qu’une application mondiale était « le seul moyen de garantir véritablement le droit à la vie privée ». De l’autre, Google considère que  la démarche doit s’appliquer qu’aux versions européennes de son moteur (google.fr pour la France, google.co.uk pour le Royaume-Uni…).

La firme américaine a ses soutiens, dont Reporters Sans Frontières, qui affirme qu’un déréférencement à l’échelle mondiale constitue une atteinte au droit à l’information.

La fondation Wikimedia, à l’origine de l’encyclopédie libre Wikipédia, est sur la même ligne, dénonçant une « forme de censure inacceptable ».

Son fondateur Jimmy Wales est membre du « comité d’experts indépendants » que Google avait créé début 2015 pour évaluer sa mise en application de l’arrêt CJUE. Un comité qui s’est depuis lors prononcé pour un déréférencement géographiquement limité.

Une question d’origine

À la mi-2015, la Cnil avait haussé le ton. Estimant que le moteur Google représentait un « traitement unique » et que ses extensions géographiques avaient simplement été mises en place pour s’adapter à la langue de chaque pays, elle avait mis en demeure la multinationale.

Celle-ci avait refusé de se conformer à cette demande, jugée « disproportionnée » et porteuse de « graves effets dissuasifs » sur le Web. La Cnil avait fini par rejeter son recours gracieux, avant d’engager une procédure de sanction qui avait abouti, en mars 2016, à une amende de 100 000 euros.

Quelques semaines auparavant, Google avait, sous la pression des autorités européennes, fait une semi-concession, sous la forme d’un filtrage géographique selon l’origine des recherches. Ceux qui consulteraient le moteur à partir du même pays d’origine que la requête ayant entraîné le déréférencement ne verraient plus le résultat concerné.

La Cnil avait jugé cette solution insuffisante, que ce soit de par l’accessibilité des contenus pour les internautes situés hors du continent européen ou de par l’existence de solutions techniques de contournement.

À la suite de sa sanction, Google avait sollicité le Conseil d’État au nom de la supposée incompétence de la Cnil à sanctionner des traitements de données hors de son territoire. Les Sages s’en étaient remis à la CJUE, dont le verdict ne devrait pas intervenir avant 2019.

Photo d’illustration : © ChameleonsEye (via Shutterstock.com)

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