Au nom de la diversification et du dynamisme de l’écosystème Internet, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) lançait, voici six ans, un programme d’élargissement du système des noms de domaine.
Gestionnaire du nommage sur Internet depuis 1998, la société à but non lucratif basée en Californie avait approuvé, lors d’une session de son conseil d’administration tenue le 26 juin 2008, la résolution visant à permettre la création d’un nombre potentiellement illimité d’extensions génériques (gTLD, pour « generic Top-Level Domains »).
En 2012, près de 2000 groupements professionnels, organisations et collectivités publiques déposaient leur dossier de candidature à l’exploitation d’une gTLD. Sur la liste figuraient le .hotel, le .services, le .media, le .pictures, le .discount, le .gratis, le .finance, le .luxe, le .audio, le .guide, le .quebec, le .paris… mais aussi le .wine et sa version francisée .vin, dont la délégation suscite des « préoccupations fortes », selon Axelle Lemaire.
Avec le soutien de la Commission européenne et des pays membres, la secrétaire d’Etat au Numérique du gouvernement Valls a écrit le 18 juin dernier au Conseil de l’ICANN pour faire part de son opposition aux conditions actuelles de concession du .wine et du .vin. Elle estime que dans l’état, les producteurs ne bénéficient pas de suffisamment de garanties quant à la protection des indications géographiques face à d’éventuelles tromperies.
Le cadre actuel – adopté par le GAC à Pékin et approuvé par le Conseil de l’ICANN – pourrait en l’occurrence permettre à des personnes qui ne sont pas titulaires de droits légitimes d’enregistrer des noms de domaines de deuxième niveau sous .vin ou .wine. « Il ne [s’agit] pas d’une simple question commerciale, mais aussi d’un sujet d’une sensibilité politique extrême« , résume l’ancienne députée des Français d’Europe du Nord.
Et d’ajouter : « Je crains aussi plus largement que l’incapacité de l’ICANN à tenir compte de l’intérêt public ne mine la confiance dans votre organisation et dans nos efforts pour préserver le modèle actuel de gouvernance de l’Internet« . Laissant ainsi suggérer qu’elle n’hésitera pas à faire accélérer la réforme de l’ICANN avant même que le débat actuel sur le système mondial de gouvernance d’Internet ne parvienne à une conclusion, Axelle Lemaire s’insurge plus particulièrement contre « l’absence de mécanismes de recours adéquats ». Elle souligne également l’impossibilité de mettre en jeu sa responsabilité.
Dans sa missive (document PDF, 4 pages) adressée au Conseil de l’ICANN, la question des indications géographiques européennes et mondiales est abordée sous l’angle d’une protection unique, « autant en ligne que hors-ligne ». Axelle Lemaire exige ainsi l’instauration d’une procédure uniforme de contestation arbitrale ouvrant aux ayants droit viticoles le droit de défendre leurs intérêts s’il s’avère qu’un tiers dépose un nom de domaine en violation de la protection des indications géographiques. Elle conclut : « Si une telle solution n’est pas mise en place pour ces gTLD, alors les problèmes se répéteront pour d’autres indications, avec le risque d’aboutir à un rejet généralisé et préjudiciable du modèle actuel dans son ensemble« .
Ces recommandations s’inscrivent dans le cadre d’une réflexion globale autour de la gouvernance technique de l’Internet. L’Union européenne ne veut plus d’un pilotage assuré quasi exclusivement par les Etats-Unis à travers l’ICANN et d’autres organismes de contrôle. De nombreux pays en appellent à une réforme qui favorise la responsabilisation et l’intégration tout en préservant les libertés fondamentales et les droits humains.
Bruxelles soutient une approche alternative regroupant pouvoir publics, secteur privé et membres de la société civile. Conviée cette semaine à Londres aux côtés de plus de 3000 représentants de gouvernements et d’institutions pour le 50e sommet de l’ICANN, Axelle Lemaire devrait défendre la création d’une telle assemblée générale multipartite pour superviser le nommage sur Internet.
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