On a rarement vu une « photo de famille » aussi spectaculaire dans l’univers des médias : Alain Weill (NextRadioTV), Arnaud de Contades (Groupe Marie-Claire), Xavier Romatet (Condé Nast), Rolf Heinz (Prisma Média), Francis Morel (Groupe Les Échos), Marie-Odile Amaury (L’Équipe), Nicolas de Tavernost (M6 Group), Denis Olivennes (Lagardère Active)…
Ils étaient tous réunis ce matin à Paris pour le lancement de la plateforme publicitaire programmatique Gravity.
La situation dans la publicité digitale est-elle considérée comme « grave » ? Alors que Facebook et Google attirent 68 % des investissements publicitaires en ligne en France, les éditeurs médias (presse nationale et régionale, TV) ont décidé de chasser en meute pour endiguer cette tendance au profit des deux multinationales du numérique d’origine américaine.
Mais cette fois-ci, l’alliance est élargie aux opérateurs télécoms (avec SFR et le groupe Altice dans la boucle) et aux acteurs du commerce digital (comme FNAC Darty).
Avec Gravity, il faut retenir trois mots-clés : data, technologie (à travers la publicité programmatique) et audience.
Tous les membres partent d’un constat résumé par Francis Morel, P-DG du groupe Les Echos. « Un marché stratégique mais nous sommes incapables de l’aborder seul. »
Le projet Gravity a démarré il y a dix huit mois avec Lagardère Active Il a pris de l’ampleur au point de se transformer en SAS avec six actionnaires fondateurs à part égale dans le capital* (mais la structure pourrait évoluer en fonction des nouveaux arrivants) et une équipe d’une vingtaine de collaborateurs.
Le cercle de parties prenantes devrait être élargi progressivement pour parvenir à « une cinquantaines de marques » membres de l’alliance Gravity dès cet automne (on recense déjà 17 partenaires essentiellement en provenance des médias). « L’union fait la data », résume Denis Olivennes, P-DG de Lagardère Active, aussi clair qu’un tweet.
Fondée sur la technologie de Mediarithmics (data marketing), Gravity devrait concentrer à terme toutes les data de ses membres qu’elles mettront à disposition des annonceurs et des agences.
C’est une plateforme d’achat publicitaire de type DSP centrée sur le programmatique multi-formats et multi-supports (consultations desktop et mobiles pour le moment) et agrégation de données. Elle sera connectée au SSP des médias membres de l’alliance.
La publicité programmatique (automatisation de l’acte d’achat-vente de publicité en temps réel sur un mode d’enchère) constitue le segment le plus dynamique sur le marché du display (affichage comme les bannières) : 53% en l’état actuel (75% d’ici 2020).
« La pub est drivée par la data et l’audience planning (correspondance impression/cible). Il faut beaucoup de data [à croiser, ndlr] pour répondre aux typologies de cibles et de puissance en matière d’audience », explique Beatrice Lhopitallier, Directrice Data chez le Groupe Les Echos. Tout en assurant une certaine « transparence » et « sécurité » pour les marques.
Avec Gravity, la puissance de feu théorique est déjà importante : 44% de reach quotidien (correspondant à plus de 16 millions d’internautes en contact avec les médias ayant intégré le réseau Gravity), 10 milliards de data brassées par mois « et près de 100 marques médias réunies »(soit plusieurs dizaines de groupes dans la boucle).
Dans le principe du modèle économique, l’acheteur sélectionne ses segments en fonction des data calculés sur un prix au CPM (coût pour mille). Les revenus seront partagés (« au cookie près » précise Beatrice Lhopitallier) entre les membres de l’alliance au prorata de l’usage de la plateforme.
Mais les régies commerciales des groupes médias ont vocation à rester séparées, précise Arnaud de Contades, Directeur général du Groupe Marie-Claire. « On ne parle pas de fusion des régies, ce qui ne nous empêche pas de coopérer quand les enjeux en valent la peine ».
La proposition de valeur data de Gravity a vocation à être « riche et diversifiée » avec des segments variés : sociodémographiques, socioprofessionnels, lieux de vie, moments de vie, types d’habitat, intérêts, intentions, achats, déplacements, etc.
« Avec les données e-commerce, il sera possible de dresser des profils comme des technophiles », évoque Amaury Lelong, Directeur en charge du programmatique pour le compte de Solocal.
La plateforme DSP sera accessible en version bêta en septembre 2017 pour un lancement officiel survenant dans la foulée (novembre). Il faudra patienter début 2018 pour qu’une véritable interface self-service émerge pout toucher tous les annonceurs (petits et grands).
Au nom du bloc Altice, Alain Weill, Directeur général de SFR Media, rappelle le créneau de son groupe sur la convergence média-télécoms illustrée par l’acquisition récente de Teads (l’intégration des data du fournisseur de solutions publicitaires vidéo dans la plateforme Gravity fait encore l’objet de « discussions »).
Plus surprenant, Michel Paulin, Directeur général de SFR, est présent à ses côtés. « Chaque acteur peut apporter de la valeur ajoutée avec les données qu’il peut offrir. Nous avons énormément de données à enrichir que l’on peut décupler. Les données des opérateurs sont un atout pour une segmentation plus variée. »
Pour sa part, Nicolas de Tavernost, Président du directoire du groupe M6, précisé sa contribution à travers ses activités de diffusion non linéaire (vidéos à la demande et portail Internet thématiques). Il se déclare prêt à mettre ce type de données sur la nouvelle plateforme programmatique.
En termes de contribution, Xavier Romatet, Président de Condé Nast France (Vogue, Vanity Fair, GQ…) évoque la nécessité d’une « certification » de la plateforme Gravity car « on est tous attachés à la notion de contrôle et de transparence ».
Au nom de Prisma Média (Capital, Géo, Gala, Femme Actuelle…), Rolf Heinz estime que Gravity devrait élargir son influence « sur un plan international ». Etape par étape… »La priorité est le lancement en France mais Gravity a vocation à croître au-delà des frontières nationales. On vera cela le moment venu. »
Alors, pourquoi cette mobilisation ? Certes, il existe des initiatives de rassemblements similaires dans la publicité digitale comme Audience Square ou La Place Media (qui pourraient se rapprocher indiquait OffreMedia.com en février).
« Il existe de grandes différences : ils jouent sur la partie SSP avec les inventaires. Nous sommes sur la partie DSP avec la data », nuance Francis Morel (Groupe Les Échos).
On l’a compris : la menace, c’est Google et Facebook. « Avec Gravity, on essaie de faire émerger un troisième acteur [dans la publicité digitale, ndlr] », souligne Francis Morel. Tous concurrents et partenaires à la fois.
Illustration de cette « coopétition » avec Solocal : « Il y a une concurrence et une collaboration avec des groupes comme Facebook et Google avec des capacités combinatoires différentes », explique Christophe Pingard, Directeur général délégué de SoLocal Group.
« Ce marché de la publicité programmatique va croître. :A nous d’en prendre les parts de marché. Ce n’est pas antinomique mais très complémentaire. » Sachant que d’autres groupes médias influent comme Le Monde, Le Figaro ou TF1 restent en retrait de l’Alliance Gravity…L’union nationale attendra dans la publicité digitale.
*Membres fondateurs de l’alliance Gravity : Groupe Les Echos-Le Parisien, SoLocal, SFR/ NextRadio TV, Lagardere Active, Prisma Media, M6 Group
Membres partenaires: Les groupes Centre France La Montagne, Condé Nast, FNAC DARTY, L’EQUIPE, La Dépêche, La Nouvelle République, Le Télégramme, Marie-Claire, M6, Groupe Perdriel (Challenges, Nouvel Obs…) et Sud-Ouest.
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