Hadopi 2 : le tour d’honneur au Sénat
Les sénateurs ont approuvé la version CMP du texte Hadopi 2 pour lutter contre le piratage numérique. Malgré des résistances tenaces.
Au nom du groupe Union centriste, Catherine Morin-Desailly (sénatrice de Seine-Maritime) estime que la commission mixte paritaire a adopté « un texte équilibré, garantissant à la fois le caractère pédagogique et dissuasif du dispositif de réponse graduée ».
Jean-Pierre Plancade (Haute-Garonne), membre du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, considère qu’il était « urgent de rappeler qu’internet n’est pas une zone de non-droit, que le téléchargement illégal est un vol, et surtout de faire entendre aux artistes que nous sommes de leur côté. »
Le groupe UMP apprécie les petites touches à propos de la protection de la vie privée, « notamment l’effacement des données personnelles après la fin de suspension d’abonnement, de même que la non inscription de cette mesure au bulletin n°3 du casier judiciaire », précise Catherine Dumas (Ile-de-France).
Le discours est radicalement différent lorsque Serge Lagauche (Val-de-Marne, PS) prend la parole. « Trois ans après l’échec de la loi Dadvsi, deux ans après la signature des accords Olivennes, il aura fallu que le Parlement, majorité et opposition confondues, dise ses réticences sur le dispositif proposé sous la tutelle du Président de la République pour que le Conseil constitutionnel censure le volet sanction de la riposte graduée. Que de temps perdu depuis la censure par le même Conseil, le 30 août 2006, du système de contraventions introduit à l’emporte-pièce par M. Donnedieu de Vabres dans la loi Dadvsi ! Il aura donc fallu plus de trois ans et trois ministres de la culture pour qu’une réflexion soit enfin lancée pour faire émerger un nouveau modèle économique de diffusion de la culture sur Internet. »
Jack Ralite (Seine-Saint-Denis, groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche ) regarde le temps passé. « La discussion sur cette suite de texte aura duré, en urgence, 208 h 20 dont 170 h 30 à l’Assemblée nationale et 37 h 50 au Sénat ».
Les tirades sont résolument offensives : « C’est le ‘reformater les Français’ voulu par M. Sarkozy. A cette techno-fatalité, le pouvoir a ajouté la surveillance, en opposant deux libertés : le droit d’auteur, oeuvre des Lumières et de la Révolution française, et l’accès à internet légitimement exigé par le Conseil constitutionnel et appliqué avec une ferveur belliqueuse, au point de faire passer par la même occasion l’ordonnance pénale, procédure accélérée devant un juge unique et sans audience préalable, et d’ignorer la présomption d’innocence. Fatalité technologique et justice expéditive. »
David Assouline, du groupe PS (Ile-de-France), a l’impression d’avoir raté une occasion unique de changer la donne. « Si nous nous étions concentrés sur l’essentiel ces quatre dernières années, nous n’aurions pas perdu notre énergie à inventer des digues qui n’en sont pas. »
Alima Boumediene-Thiery (Ile-de-France, rattachée au PS) revisite les actes manqués avec Hadopi. « Je songe à la plate-forme publique de téléchargement, votée ici même lorsque nous avons examiné la loi Dadvsi. Faute de décret, cette proposition est restée lettre morte. »
Difficile de lâcher l’idée de la plate-forme « création publique et internet » soutenue par les parlementaires du PS. Ce projet adossé à une licence collective a vocation à mutualiser le financement de la création. « Il suffirait que chaque internaute verse 5 euros par mois pour engranger 1,2 milliard d’euros, dont une partie rémunérerait les contributeurs à la création des oeuvres échangées, le reste finançant la création à venir. »
Mardi, il reste l’ultime étape du vote final de l’Assemblée nationale. Ce sera l’ultime salve de contestations en séance publique au Parlement.
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