Sensibilisation à l’entrepreneuriat culturel, accompagnement des structures professionnelles, montée en charge de la procédure de réponse graduée à toutes les phases, avancées concrètes dans l’open data : la Hadopi se félicite, d’avoir « tenu bon », malgré une « situation lourdement contraignante budgétairement et fragilisée politiquement ».
Jamais, dans son dernier rapport annuel couvrant la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 (document PDF, 164 pages ; merci NextInpact), l’autorité administrative ne fait mention de son secrétaire général Éric Walter, d’abord remercié cet été, puis réintégré sur décision de justice… avant d’être immédiatement suspendu de ses fonctions.
Le discours de Marie-Françoise Marais s’oriente sur le développement de l’offre légale de biens culturels dématérialisés. La présidente de la Hadopi, dont le mandat se termine fin 2015, met l’accent sur plusieurs initiatives allant dans ce sens, dont la mise en relation des porteurs de projets et des professionnels spécialistes du financement d’entreprise.
Cette démarche a véritablement été amorcée l’année passée, dans la lignée de la stratégie de développement de l’offre légale adoptée fin 2013 et marquée, entre autres, par un souci d’information des consommateurs sur la disponibilité des oeuvres – et des ayants droit sur l’indisponibilité.
À en croire Marie-François Marais, depuis la création de la Hadopi, « le piratage sur les réseaux pair-à-pair a baissé significativement ». Les travaux prospectifs ont par ailleurs « inspiré des solutions pour étendre cette action au streaming et au téléchargement direct illicite » : balayé, le rapport Mézard, qui mettait en exergue « l’inefficacité » de l’autorité, tout en suggérant de la dissoudre.
Sur l’exercice budgétaire 2014, la Hadopi affiche un résultat déficitaire de – 2,468 millions d’euros, à raison de 8,193 millions d’euros de charges pour 5,725 millions d’euros de produits (dont 5,58 millions apportés sur l’année par le ministère de la Culture).
Bilan : au 31 décembre 2014, les capitaux propres ne s’élèvent plus qu’à 3,949 millions d’euros. Une reprise sur le fonds de roulement a été opérée, les investissements réalisés à hauteur de 384 000 euros n’ayant pas pu être couverts par l’autofinancement.
La Hadopi devrait respirer un peu mieux en 2016, avec une enveloppe de 8,5 millions d’euros apportée par l’État. Les rapporteurs qui l’avaient auditionnée à l’Assemblée nationale et au Sénat dans le cadre du budget 2015 avaient effectivement souligné que ses missions pourraient ne pas être menées à terme avec le traitement budgétaire actuel.
D’autant plus que dans l’absolu, le nombre d’avertissements adressés aux internautes n’avait jamais été aussi élevé depuis la mise en place du dispositif il y a cinq ans : 1 648 402 « premières recommandations » en 12 mois… et 148 944 « deuxièmes demandes ».
Depuis mars 2012 et la mise en place d’un nouveau SI cible paramétré pour traiter jusqu’à 200 000 saisines par jour calendaire (dans la pratique, on en est à 50 000 en juin 2015, pour 50 % des saisines ayant effectivement abouti à des demandes d’adresses IP aux fournisseurs d’accès à Internet), la Commission a réalisé 2 221 délibérations concernant des procédures en 3e phase.
361 dossiers ont été transmis aux procureurs de la République, dont 246 sur la période englobée dans le rapport d’activité. Une hausse que la Hadopi justifie par la mise en place de critères de notifications facilitant la sélection des dossiers « les plus graves ».
Cherchant à se positionner comme un « tiers de confiance » pour la protection du droit d’auteur sur Internet et l’accès aux oeuvres culturelles numériques, la Hadopi met l’accent sur son rôle « préventif » et « dissuasif », tout particulièrement dans le secteur de la musique : le peer-to-peer ne représenterait plus que 9 % des téléchargements… et seulement 5 % des internautes interrogés déclareraient pirater aujourd’hui encore de la musique.
La musique reste le bien culturel dématérialisé le plus consommé. Sur le volet des films, les pratiques sont plus souvent illicites (50 % du temps en streaming ; davantage en téléchargement). Aussi, pour renforcer la visibilité des offres de vidéo à la demande avec paiement à l’acte (VoD) ou sur abonnement (SVoD), une base de métadonnées a été ouverte en novembre 2014.
La labellisation s’est poursuivie en parallèle, avec quatre nouvelles attributions et cinq renouvellements. Le portail offrelegale.fr regroupe désormais 418 plates-formes légales, dont 45 % se spécialisent dans le livre numérique ; 19 %, dans la vidéo ; 13 %, dans la TV de rattrapage…
Mais au-delà de l’accessibilité de ce catalogue, ce sont les habitudes des internautes qui sont problématiques, selon la Hadopi : 80 % des sondés au dernier baromètre sur les usages des biens culturels dématérialisés reconnaissent consommer le plus souvent – voire exclusivement – gratuitement.
D’une année sur l’autre, le taux d’internautes reconnaissant consommer de manière illicite reste stable (18 %). Il est plus élevé sur les films (24 %) et les séries TV (26 %) que sur la musique (5 %) et pour cause : 84 % des consommateurs auraient adopté une offre de streaming. Les principales raisons évoqués par ceux qui se livrent à des pratiques illégales sont les prix trop élevés (70 %) et le « manque d’attrait pour le contenu de l’offre » (48 %).
Estimant que sa connaissance et sa compréhension ont « connu des progrès majeurs », la Hadopi met l’accent sur l’accompagnement des structures professionnelles qui mettent leur accès Internet à disposition de tiers. Elles sont 226 à avoir bénéficié d’une aide spécifique pour mettre en place les mesures techniques adéquates. Parmi elles, la fédération Gîtes de France et le CROUS de Paris.
Du côté des particuliers, plusieurs points cruciaux ont été repérés et font l’objet d’une information détaillée dans le rapport d’activité 2014-2015. On parle par exemple de sécurisation des box Internet, essentiellement au niveau du Wi-Fi. Mais aussi de désinstallation complète de logiciels P2P.
A l’heure où un rapport du Sénat préconise de recentrer ses missions sur le piratage en abandonnant ses prérogatives en matière de diffusion des oeuvres, comment la Hadopi se voit-elle évoluer ?
Elle compte simplifier les démarches des auteurs en les autorisant à saisir directement la Commission. Pour le moment, n’y sont habilités que « les agents assermentés et agréés désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués », les sociétés de perception et de répartition des droits, ainsi que le Centre national de la cinématographie et de l’image.
Il est aussi question d’allonger le délai pendant lequel les procureurs de la République peuvent transmettre des faits de contrefaçon à la Hadopi.
En théorie, la Commission ne peut être saisie de faits datant de plus de 6 mois. Du coup, « il est difficile, pour les procureurs, de diligenter une enquête avant d’envisager de privilégier la voie de la réponse graduée ». Ce délai pourrait être porté à un an, soit le délai de prescription en matière contraventionnelle.
La Hadopi se propose également de prendre en charge, aux lieu et place des FAI, l’acheminement des recommandations. Tout en faisant éventuellement figurer le contenu des oeuvres visées par celle-ci (pour le moment, c’est au destinataire de le demander).
Crédit photo : kirill_makarov – Shutterstock.com
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