Haut débit : les entreprises restent à la traîne
Championne d’Europe des accès haut débit pour les particuliers, la France accuse un sérieux retard sur les offres aux entreprises.
Cocorico ! La France a définitivement rattrapé son retard en matière d’accès haut débit et se place désormais en tête des pays européens avec plus de 8,3 millions d’abonnés (7,8 millions en ADSL et 520 000 par le câble) au 1er juillet 2005, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) qui a fait le point, ce matin, sur le haut débit français. Soit un taux de pénétration de 12,1 % de la population (31 % des foyers) proche de celui des Etats-Unis à 13,5 % (32 % des ménages). La France se paye le luxe de dépasser l’Allemagne, qui plus est en valeur absolue. Wanadoo conserve son avance avec 47 % des accès contre 53 % pour le reste des fournisseurs d’accès Internet (FAI) et opérateurs alternatifs.
Si l’état du marché résidentiel, sur lequel l’ART a concentré ses efforts dès 2002 à travers le dégroupage, est aujourd’hui satisfaisant, il n’en est pas de même du marché des entreprises. Seules 185 000 d’entres elles ont souscrit à un accès haut débit (dont 10 000 en offre dégroupée) au cours du deuxième trimestre 2005, soit 10 % de croissance par rapport au quatrième trimestre 2004. A comparer aux 24 % de croissance globale sur la même période. Un marché sur lequel France Télécom reste dominant avec 70 % de part.
Des écarts de tarifs de 50 %
Cela s’explique notamment par l’écart entre les zones où l’accès Internet est concurrentiel et celles où France Télécom demeure le seul prestataire. Et ces dernières sont très nombreuses, notamment au sein des ZAC (zones d’activités commerciales) où, historiquement, les aménageurs avaient délégué à France Télécom la gestion des architectures des réseaux sans penser à l’ouverture à la concurrence. Et les écarts de tarifs entre les zones dégroupées et non dégroupées sont de l’ordre de 40 à 50 %.
Globalement, même si les écarts de prix tendent à se réduire entre les offres dégroupées et celles de France Télécom/Wanadoo, le régulateur constate sur les zones non dégroupées des « débits plus faibles et [des] offres moins riches qu’en zones dégroupées. » La concurrence est donc effective en matière de tarifs mais aussi de services pour le résidentiel (téléphonie et télévision principalement). Encore faudrait-il qu’elle propose ses services sur l’ensemble du territoire.
52 % de la population dégroupable
Or, avec 944 NRA (noeuds de raccordement au réseau pour les abonnés), l’ensemble des opérateurs alternatifs ne couvrent qu’à peine plus de la moitié de la population (52 %). A comparer aux 8 200 NRA de France Télécom qui desservent 93 % des habitants français. L’Arcep souhaite donc aujourd’hui permettre une extension des NRA pour les opérateurs concurrents. Une première étape a été franchie en juillet dernier avec la baisse, de 35 % en moyenne, de certains tarifs des accès aux salles de colocalisation (qui permettent aux opérateurs alternatifs d’installer leurs matériels aux côtés de ceux de France Télécom, voir édition du 4 juillet 2005).
Ces nouveaux tarifs permettent d’envisager l’accès des dégroupeurs aux répartiteurs de 3 500 lignes (contre des répartiteurs d’au moins 5 000 lignes avec les anciens tarifs). Cela devrait permettre d’étendre la couverture des lignes dégroupables à 65 % de la population. Le dégroupage se poursuivra ensuite par l’accès aux répartiteurs les plus éloignés (et les moins rentables) qui supportent moins de 2 000 lignes. L’accès à ces répartiteurs dit « ruraux » pourrait amener à 75 % le taux de couverture de la population française pour les offres dégroupées. Mais l’accès à ces petits répartiteurs impose, faute d’espace physique, de passer par une solution de localisation distante, c’est-à-dire l’installation d’un câble de renvoi entre le répartiteur de France Télécom (NRA) et les équipements de l’opérateur alternatif (POP). C’est sur ce chantier que porteront les prochains travaux du Régulateur.
Le prix du dégroupage total en décembre
Autre chantier important, celui du prix de la ligne dans le cadre du dégroupage total. Fixés jusqu’en 2007 à 9,50 euros par ligne et par mois (voir édition du 4 février 2005), les tarifs pourraient être revus à la baisse de manière à créer un espace économique viable pour les opérateurs alternatifs. Le régulateur y travaille et devrait rendre ses conclusions avant la fin de l’année. L’Arcep vient de publier sa méthode de valorisation de la boucle locale cuivre (la seule technologie pertinente pour le dégroupage dans les années à venir) pour consultation publique. Après ajustements éventuels, le régulateur soumettra son analyse à la Commission européenne avant de rendre ses conclusions en décembre prochain.
Si les opérateurs alternatifs, à travers l’Afors Télécom, réclament une baisse de deux euros environ du prix de la ligne dégroupée (voir édition du 9 août 2005), l’Arcep en profite pour rappeler que les tarifs appliqués en France se situent parmi les plus bas d’Europe. Seuls la Lituanie, l’Italie, l’Estonie et le Danemark proposent des prix avoisinant les 8 euros. Et que, si l’analyse conduite par le Régulateur l’amenait à conclure une augmentation du tarif actuel (9,50 euros), celui-ci resterait figé jusqu’en 2007 et ne pourrait augmenter que si France Télécom investissait massivement dans la boucle locale.
Dans les prochains mois, les missions du régulateur se porteront également sur le soutien des initiatives publiques, les collectivités locales étant autorisées, depuis la loi sur la Confiance dans l’économie numérique, à exercer une activité d’opérateur local (généralement par l’intermédiaire d’une délégation de service publique). Ces dossiers seront étudiés au sein du CRIP (Comité réseau initiative publique) qui rassemblera collectivités, acteurs publics (ministères…), opérateurs et Arcep. Celle-ci se penchera également sur les conditions de mesure de la qualité du service du dégroupage fournie par France Télécom et contestée par Free (voir édition du 26 août 2005). La fin de l’année promet d’être chargée pour le Régulateur.
Le dégroupage total décolle
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Sur les 15 000 lignes dégroupées, en moyenne, chaque semaine ces derniers temps, 10 000 le sont totalement (chiffre incluant les migrations du dégroupage partiel vers le dégroupage total). « Avec une croissance de 68 % au cours du 2e trimestre 2005, le dégroupage total supplante dorénavant le dégroupage partiel en flux », souligne l’Arcep. Avec plus de 255 000 lignes totalement dégroupées (au 30 juin 2005), la France se positionne en 3e place européenne derrière l’Allemagne et l’Italie). Avec des tarifs parmi les moins chers au monde puisque, globalement, les coût des accès proposés par Free, Alice/Telecom Italia ou Neuf Cegetel avoisinent les 30 euros. A titre indicatif, un accès haut débit hors abonnement téléphonique coûte 30 à 45 dollars aux Etats-Unis comme en Corée. |