« En 2017, on avance ou on recule ? »
Ainsi se conclut le communiqué diffusé par Heetch en réponse à sa lourde condamnation par le tribunal correctionnel de Paris.
La juridiction de première instance a sanctionné la start-up, ainsi que ses cofondateurs Mathieu Jacob (président) et Teddy Pellerin (directeur général), pour complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels. Autant de chefs d’accusation qui avaient déjà été retenus en 2015 contre uberPOP, finalement fermé à l’initiative d’Uber.
Il est reproché aux deux associés de s’être « délibérément affranchis des principes légaux au nom de la création d’une nouvelle économie ». De partage, en l’occurrence.
Lors de l’audience tenue les 9 et 10 décembre 2016, Heetch avait axé son argumentaire sur un aspect inhérent à cette économie : le « partage de frais ». La société, soutenue entre autres par Xavier Niel, met son service sur le même plan que le covoiturage : aucun prix imposé, les passagers décident s’ils donnent de l’argent et combien.
Les taxis ne l’entendent pas de cette oreille : ils estiment qu’il s’agit de transport clandestin (les chauffeurs n’ayant pas d’autorisation administrative), effectué à titre onéreux (après déduction de l’indemnité kilométrique, un conducteur gagnerait en moyenne 5,19 euros) et non assimilable à du covoiturage, l’initiative revenant au passager.
Selon le Tribunal correctionnel, ledit passager est, dans les faits, incité à verser la somme que lui suggère l’application, sous peine d’être, entre autres, mal noté par les chauffeurs.
Les juges regrettent par ailleurs que Heetch n’ait pas pris l’initiative de suspendre son application de mobilité nocturne dès juin 2016, date initialement fixée pour le procès – finalement reporté face à l’afflux des chauffeurs de taxi venus se porter parties civiles.
Ces derniers sont plus de mille à s’être enregistrés. Heetch devra leur verser 441 000 euros de dommages-intérêts au titre du « préjudice moral » subi (les magistrats parlent d’une « précarisation » et du développement subséquent d’un « sentiment d’angoisse »).
À cette somme s’ajoutent 91 000 euros de frais de justice et une amende de 200 000 euros, dont 150 000 avec sursis.
Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, qui « connaissaient le caractère hors cadre de leur entreprise », sont chacun condamnés à payer 10 000 euros, dont la moitié avec sursis, d’après La Tribune. Ils n’ont, en revanche, pas d’interdiction de diriger une société (ce que le parquet avait requis, en plus d’une amende de 300 000 euros.
Un communiqué détaillant le jugement devra être publié sur le site de Heetch, ainsi que sur ceux de deux médias.
Déplorant un signal négatif envoyé à l’économie de partage, Teddy Pellerin veut prendre le temps de « lire le jugement avec ses avocats » avant de faire appel. En attendant, l’application est suspendue, à l’initiative de la start-up, qui évoque une décision « grave […] pour ses 50 salariés et pour toute sa communauté d’utilisateurs ».
Une « manifestation virtuelle » sera organisée ce samedi 4 mars sous la bannière #GenerationHeetch. Quelque 5 000 internautes se sont pour l’heure engagés à s’y joindre.
Crédit photo : Heetch
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