C’est toujours bon à prendre pour Mathieu Jacob et Teddy Pellerin : les deux fondateurs de la start-up Heetch ne passeront finalement en correctionnelle que les 8 et 9 décembre prochains.
Leur procès devait s’ouvrir ce mercredi 22 juin à Paris, mais la présidente du tribunal en a décidé autrement, estimant que l’audience ne pouvait se tenir dans de bonnes conditions.
Elle n’avait pas anticipé l’afflux de chauffeurs de taxi appelés, via les réseaux sociaux, à se porter parties civiles à titre individuel, en complément aux associations déjà enregistrées.
Le Point évoque des « scènes surréalistes », avec une salle comble et des chauffeurs appelés par ordre alphabétique, afin que chacun dépose sa demande de dommages-intérêts et les justificatifs associés.
Mathieu Jacob et Teddy Pellerin, respectivement président et directeur général de Heetch, sont poursuivis pour « complicité d’exercice illégal de la profession de taxi » et « pratique commerciale trompeuse » avec leur application de transport qui assure la mise en relation entre passagers et chauffeurs non professionnels disposant d’un véhicule.
Pour comprendre ce qui leur est reproché, il faut remonter au 25 juin 2015 et la publication de l’arrêté no 2015-00526 « portant réglementation de l’activité de transport routier de personnes effectuées [sic] à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places dans certaines communes de la région d’Île-de-France ».
La préfecture de police de Paris avait signé ce texte en réponse à un « situation de crise », estimant que se développaient « des événements […] de nature à menacer des vies humaines, à compromettre la sécurité ou la libre circulation des personnes et des biens ou à porter atteinte à l’environnement ». C’était, en l’occurrence, lors de la mobilisation nationale des taxis.
L’institution placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur avait précisé que l’arrêté, fondé sur l’article L.3120-1 du code des transports et interdisant aux personnes de se livrer aux activités susmentionnées sans être des entreprises de transport routier habilitées, ne visait pas seulement uberPOP*, alors au cœur des débats, mais aussi des services concurrents… comme Heetch.
En septembre dernier, en réponse à une QPC posée pour le compte d’Uber, le Conseil constitutionnel avait entériné l’illégalité des offres de type uberPOP en réaffirmant la constitutionnalité de l’article L. 3124-13 du code des transports. Celui-ci punit de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées au L. 3120-1.
Pour autant, Heetch refuse toujours de suspendre son activité.
Estimant que les pouvoirs publics se fourvoient en classant son service nocturne de transport de particuliers dans la même catégorie qu’uberPOP, la start-up parisienne a organisé la résistance auprès de sa communauté, avec entre autres le hashtag #TouchePasAMonHeetch.
Elle rappelle, dans ses conditions générales d’utilisation, que sa « solution de mobilité nocturne », qui fonctionne de 20 h à 6 h dans les villes de Paris, Lyon et Lille, n’est en aucun cas destinée à permettre aux conducteurs d’exercer une activité de transport rémunérée ou, plus généralement, de réaliser un quelconque profit ».
Les clients (200 000 revendiqués au dernier pointage, dont une large majorité de 18-25 ans) ont en effet le droit de donner « ce qu’ils souhaitent » selon la qualité du trajet : aucun prix n’est fixé, bien que ceux qui « profitent du système » finissent par être bannis. Quant aux conducteurs, ils ne sont pas censés gagner d’argent ; simplement amortir le coût annuel de leur véhicule. Leur compte est d’ailleurs bloqué au-delà de 6 000 euros de revenus par an.
Du côté de l’intersyndicale des taxis, on ne l’entend pas de cette oreille. Et on réclame l’arrêt de toute activité de Heetch, « qui organise du transport clandestin sous couvert de covoiturage, malgré la décision du Conseil constitutionnel ».
* Le 3 juillet 2015, après des mois de combat au nom de la liberté d’entreprendre, Uber suspendait, en France, l’exploitation d’UberPOP. Raison officielle : la sécurité des chauffeurs était « clairement menacée » depuis les événements survenus lors du mouvement national des taxis.
Crédit photo : Sarymsakov Andrey – Shutterstock.com
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