« Nous avons une stratégie pour réinventer le circuit intégré avec des composants moléculaires plutôt que des semi-conducteurs », explique Fellow Williams, directeur de recherche chez Hewlett-Packard (HP), « nos deux brevets déposés et ceux qui vont suivre nous amènent à penser que les ordinateurs seront des millions de fois plus efficaces qu’aujourd’hui. » Le brevet récemment déposé par Philip Kuekes et Stanley Williams, deux scientifiques issus des laboratoires de recherche de HP, pourrait effectivement révolutionner la conception des circuits électroniques. Les deux chercheurs ont tout simplement proposé une solution pour fabriquer des composants électroniques à l’échelle moléculaire.
Des passerelles moléculaires à inventer
Les scientifiques savent, depuis quelques années, construire l’équivalent de transistors à l’aide de molécules (voir édition du 4 novembre 1999). Ils savent aussi organiser ces transistors moléculaires en circuits logiques (les charges électriques passent ou ne passent pas). En revanche, ils ignorent encore comment relier entre eux les différents circuits logiques qui composent la puce. En effet, les « fils » ou « rubans d’interconnexion » moléculaires doivent avoir des tailles de l’ordre de six à dix atomes de large. Soit environ 2 nanomètres (2 milliardièmes de mètre) contre 130 nanomètres (0,13 micron) pour les technologies en silicium les plus avancées actuellement. Aujourd’hui, la fabrication des éléments d’interconnexion s’effectue à l’aide d’un appareil appelé démultiplexeur qui requiert un modèle des connexions très précis et complexe à mettre au point. Malgré sa haute précision, le démultiplexeur se révèle inadapté à la construction des circuits moléculaires. Il fallait donc inventer le « démultiplexeur moléculaire ». C’est tout l’objet des brevets déposés par HP.
Plutôt que de chercher à « dessiner » les interconnexions pour les appliquer ensuite aux circuits, les chercheurs de HP ont fait l’inverse. Ils ont d’abord créé la structure des interconnexions à partir desquelles ils comptent relier les circuits logiques. C’est un peu comme si on construisait une ville en établissant d’abord le réseau routier autour duquel viendrait ensuite s’établir l’infrastructure immobilière, et non l’inverse. Le réseau d’interconnexion moléculaire est donc réalisé de façon aléatoire par procédé chimique qui marque ainsi chaque « fil » d’une référence unique. Ensuite, il suffit de décoder ces références pour obtenir la « carte » du réseau et organiser les circuits au sein de la puce. Le décodage en question s’effectue grâce à des algorithmes mathématiques maison, autre objet du dépôt de brevet.
Mise en pratique pas avant 2005
Voilà pour la théorie. La mise en pratique nécessitera quelques années supplémentaires. Avec un budget supérieur à 25 millions de dollars (28,63 millions d’euros), HP, en partenariat avec James Heat de l’université de Los Angeles (UCLA), espère réussir à fabriquer un composant mémoire de 16 Kbits d’ici 2005. Et le début de la prochaine décennie pourrait voire arriver des processeurs à base de molécules, moins chers et plus faciles à fabriquer. Ça tombe bien, c’est à peu près la date où, selon les experts, les technologies en silicium auront atteint leurs limites physiques de miniaturisation. L’avenir du processeur, dont l’évolution est basée sur la loi de Moore, est donc a priori assuré.
Des transistors de la taille d’une molécule
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