Après l’interminable procès antitrust contre Microsoft, le milieu de l’informatique va pouvoir se passionner dans les prochains mois pour un nouveau feuilleton judiciaire, dont l’issue peut être lourde de conséquences. Il s’agit du procès intenté aux Etats-Unis par le petit éditeur d’un Unix propriétaire et par ailleurs distributeur d’une suite Linux, SCO Group, contre le premier groupe informatique mondial, IBM.
SCO reproche à IBM une utilisation abusive de brevets sur Unix lui appartenant, et ce au profit de Linux. Il réclame un milliard de dollars au titre des dommages et intérêts et demande parallèlement à IBM de cesser toute pratique non concurrentielle au détriment d’Unix dans un délai de 100 jours. Dans le cas où Big Blue n’obtempérerait pas, il fait planer la menace d’une révocation pure et simple de la licence Unix délivrée pour AIX, l’Unix d’IBM (voir édition du 7 mars 2003).
Afin de mener à bien son action, SCO a fait appel à une vedette du barreau, David Boies, qui représentait le ministère public lors du procès antitrust contre Microsoft. Et aujourd’hui, on apprend qu’IBM a décidé de se faire représenter par le cabinet d’avocats pour lequel David Boies a travaillé entre 1966 et 1997. Il y a notamment défendu… IBM lors du long procès qui a opposé Big Blue au gouvernement fédéral. La seconde décision d’IBM est de chercher à porter l’affaire au niveau fédéral. Car, aux Etats-Unis, la justice des Etats a tendance, dans les affaires commerciales, à être favorable aux entreprises locales au détriment des grandes multinationales. SCO n’a pour le moment pas pris de décision sur ce point.
Un rachat par IBM ?Au delà de ces questions de procédure, la grande question reste la motivation réelle de SCO dans cette histoire. Quelle mouche l’a piqué ? SCO semblait vouloir bâtir son avenir autour de Linux, devenant notamment membre de UnitedLinux, qui regroupe plusieurs distributeurs. Et, bien évidemment, son offensive judiciaire contribue à le décrédibiliser vis-à-vis des pro-Linux, et en premier lieu de ses partenaires dans UnitedLinux qui n’ont pas ménagé leurs critiques. Certes, si son action ne vise actuellement qu’IBM et AIX, elle menace potentiellement Linux car on imagine mal qu’une décision de condamner IBM à cesser la commercialisation d’AIX épargnerait Linux, qui utilise les mêmes brevets.
Pour certains, SCO, qui est en mauvaise santé financière, chercherait à se faire racheter par IBM… Si tel est le cas, se pose la question de savoir ce qu’IBM fera des droits sur Unix dont il disposerait alors. Car si Big Blue soutient pour le moment Linux, c’est parce que le système d’exploitation Open source ne menace pas encore son activité Unix. En revanche, si demain il juge que Linux lui est plus nuisible que profitable, ne sera-t-il pas tenté, à son tour, de jouer la carte juridique pour bloquer l’OS libre ? Et qu’adviendrait-il si ces brevets tombaient dans l’escarcelle d’un ennemi déclaré de Linux, Microsoft par exemple ? Comme on dit, le pire n’est jamais sûr…
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