Il y a quelques jours, le Gartner Group se livrait, à l’occasion de sa conférence annuelle, à quelques pronostics sur les technologies les plus intéressantes pour les entreprises, et sur l’échéance à laquelle elles s’imposeront (voir édition du 7 novembre 2003). Dans cet inventaire, l’avènement de Linux en tant que système d’exploitation pour PC était attendu d’ici un à trois ans, par manque de maturité. Cela devrait être plutôt un an que trois si l’on en croit un des responsables d’IBM Global Services (IGS), Sam Docknevich, qui, lors d’une manifestation publique intitulée « Desktop Linux Conference » qui s’est tenue à Boston en début de semaine, a tenu une conférence intitulée : « Linux sur les PC : c’est maintenant ». Or, on connaît la force d’entraînement que représente l’engagement d’IBM en faveur d’une technologie. Une part du succès de Linux sur les serveurs n’est-elle pas due à son soutien ? Pourtant, jusqu’à présent, IBM avait plutôt été circonspect vis-à-vis de Linux comme système d’exploitation pour PC, domaine dominé de la tête et des épaules par Microsoft, et avait promu l’OS libre exclusivement sur les serveurs. Il est vrai que, par le passé, IBM a déjà fait les frais d’une lutte frontale contre Microsoft sur ce terrain lorsqu’il a tenté de lancer son propre OS pour PC, OS/2. Ce qui amène à poser la question : pourquoi maintenant ?
La bonne formule économique
De l’aveu même des dirigeants d’IBM, leur intérêt soudain pour cet usage spécifique de Linux reflète surtout celui des responsables informatiques qui sont plus que jamais à la recherche d’une alternative à Windows, du fait notamment de la nouvelle politique tarifaire de Microsoft, appelée Software Assurance, laquelle impose aux entreprises de changer de version de Windows et d’Office tous les deux ans. Or les logiciels de Microsoft ont désormais atteint un tel niveau de sophistication et de richesse fonctionnelle que ce rythme de renouvellement ne profite guère à bon nombre d’employés dont les besoins informatiques au quotidien restent assez frustres. A cela s’ajoute évidemment le problème récurrent de la sécurité des logiciels de Microsoft. Mais pour imposer Linux sur les PC, il va falloir jouer serrer, notamment sur la question des coûts. Certes, Linux est gratuit, mais les coûts des logiciels et du matériel ne comptent que pour 30 % du coût total de possession d’un PC, dont l’essentiel est donc imputable aux coûts d’administration et de maintenance. Fort logiquement, l’offensive d’IBM devrait porter non seulement sur la livraison de PC équipés de Linux et d’une suite bureautique libre, mais aussi et surtout sur des solutions globales comprenant l’administration. A ce sujet, il est significatif que ce soit un des responsables d’IGS qui ait pris la parole sur ce thème et non le responsable d’une ligne de produits. Lors de son exposé, Sam Docknevich a évoqué l’intérêt économique des architectures centralisées, les utilisateurs accédant à l’aide d’un navigateur, via le réseau local, à des applications hébergées sur des serveurs.
La riposte de Microsoft
IBM mène actuellement plusieurs dizaines de tests avec des clients et expérimente lui-même l’utilisation de Linux sur les PC de 15 000 de ses salariés, des développeurs de logiciels et des chercheurs pour le moment. Il compte étendre cette expérimentation à 30 000 salariés, des commerciaux et des administratifs, d’ici au premier trimestre 2004, puis progressivement à 60 000 employés, sur un total de 300 000. A l’issue de ces expérimentations, IBM sera alors en mesure de prouver chiffres en main la validité économique de Linux sur les PC. Avec Novell qui a annoncé il y a à peine quelques jours le rachat de Suse et qui, à cette occasion, a réaffirmé son ambition de contribuer à diffuser Linux sur les PC (voir édition du 5 novembre 2003) et Sun Microsystems qui commercialise depuis quelques semaines une suite bureautique libre (voir édition du 17 septembre 2003), IBM est donc le dernier grand groupe en date à s’engouffrer dans cette voie. Il faut également signaler un programme de l’Open Source Development Lab, organisation à but non lucratif dédiée à la promotion des logiciels libres et dont les membres ont pour nom HP, Dell ou encore Intel, qui va précisément s’attacher à défendre Linux comme alternative à Windows. Les détails de ce programme ne sont pas connus mais il pourra se concrétiser, aux dires de ses promoteurs, par des actions comme le développement d’interfaces facilitant l’échange de documents ou de toute sorte de données créées avec des logiciels fonctionnant sous Windows, ou inciter des éditeurs d’applications pour PC a en développer une version pour Linux… Bien sûr, face à cette fronde, Microsoft ne restera pas inactif. On sait déjà grâce à Infoworld qu’il attaquera Linux sous l’angle de la sécurité par le biais d’une vaste campagne de presse, qui s’attachera à battre en brèche l’opinion selon laquelle l’OS libre aurait moins de failles de sécurité que Windows et qu’elles seraient réparées plus rapidement.
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