La nouvelle gouvernance de l’ICANN, qui a vocation à s’ouvrir au monde, va-t-elle dans le bon sens ? La France émet des doutes à propos de la réforme à ce sujet dont on parle sérieusement depuis deux ans.
Des objections officielles sont émises par le gouvernement.
C’est un dossier important au regard des enjeux de gouvernance multipartite (États, société civile, acteurs économiques) du Web mondial : actuellement, l’ICANN est un organisme américain (de droit californien) en charge de la supervision de ressources techniques essentielles (adresses IP et noms de domaine principalement).
Certains éléments du projet risque de « marginaliser les États dans les processus de décision de l’ICANN, notamment en comparaison du rôle accordé au secteur privé », déplore Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique, dans un communiqué.
Elle pointe du doigt l’affaiblissement du Comité Consultatif des Gouvernements (GAC, Governmental Advisory Committee) vis-à-vis du conseil d’administration de l’ICANN et « du secteur privé » (en clair les représentants des intérêts des géants du Web, y compris Google).
Est-ce vraiment déstabilisant ? Axelle Lemaire monte au créneau : « Les États ne se voient pas reconnaître les mêmes droits que les autres parties prenantes dans l’exercice des nouveaux mécanismes de recours contre les décisions du conseil d’administration de l’ICANN ».
Le 10 mars, Dr. Stephen D. Crocker, Président de l’ICANN, a remis au gouvernement américain un plan mis au point par la communauté Internet internationale qui, une fois approuvé, conduira à la supervision mondiale d’un ensemble de fonctions techniques clés de l’Internet.
Plus précisément, le plan comporte un ensemble détaillé de mesures pour transférer la supervision assurée par les États-Unis sur un ensemble de fonctions techniques dites IANA (Autorité chargée de la gestion de l’adressage sur Internet). Il préconise aussi des mesures pour renforcer la responsabilité de l’ICANN en tant qu’organisation indépendante.
« La transition est l’étape finale d’une privatisation du système des noms de domaine (DNS) prévue depuis la création de l’ICANN en 1998 », précise l’ICANN.
Une vision d’une « transition-privatisation » qui semble déplaire au gouvernement français. « La France appelle l’administration américaine, qui doit désormais examiner ce projet de réforme, à accorder la plus grande attention aux préoccupations exprimées par de nombreux États », déclare Axelle Lemaire, qui ne veut pas que l’influence étatique soit réduite vis-à-vis des poids lourds du Net.
« Si l’Europe est divisée sur l’attitude à adopter, la France dénonce une réforme qui donne le contrôle d’Internet à des acteurs privés », analyse le Cercle de réflexion télécoms & média de la CFE-CGC télécoms dans une contribution blog en date du 25 mars.
Le plan de transformation de la gouvernance de l’ICANN doit être validé par l’Administration nationale des télécommunications et de l’information des États-Unis (NTIA).
Si le plan est approuvé, sa mise en œuvre devrait s’achever avant l’expiration du contrat entre la NTIA et l’ICANN en septembre 2016.
Un sujet épineux qui va tomber en pleine course à la Maison-Blanche (élection en novembre). Pas forcément le meilleur moment pour avancer sereinement.
Le GAC affaibli : « Du plus et du moins » selon Mathieu Weill |
Vendredi soir, ITespresso.fr a contacté Mathieu Weill, Directeur général de l’AFNIC qui s’implique dans le processus de transition de l’ICANN, pour en savoir plus sur cette question de l’affaiblissement du GAC. Il a réagi dans ce sens : « Disons qu’il y a du plus et du moins pour le GAC. Plus: il participe aux décisions importantes comme le fait d’émettre le Board ou d’approuver les statuts. Moins : il ne peut prendre ses décisions qu’au consensus (ce qui est déjà le cas aujourd’hui mais cet élément se trouve renforcé). » Tout en poursuivant : « Le vrai enjeu à venir, c’est renforcer la diversité. Là aussi, il reste du travail. Et c’est prévu pour le reste de l’année. » |
(Crédit photo : Icann; Réunion 55 de Marrakech – mars 2016)
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