Découvrir un supraconducteur à température ambiante qui aide à créer un réseau électrique sans perte, combattre le réchauffement climatique en apprenant comment extraire de manière efficace le dioxyde de carbone ou encore élaborer des méthodes plus pertinentes pour la production d’engrais artificiels : d’après Bernard Ourghalian, tous ces défis sont l’affaire de… 100 à 200 qubits.
À l’occasion de la plénière d’ouverture de l’événement « Microsoft experiences 2017 », le directeur technique et sécurité de Microsoft France s’est employé à déconstruire notre approche de la physique newtonienne pour mieux aborder la thématique de l’informatique quantique.
L’exercice est délicat : comment vulgariser cet univers de l’infiniment petit au sein duquel une particule peut non seulement exister simultanément dans plusieurs états, mais aussi être affectée par une action réalisée sur une autre particule ?
Traduites dans le domaine de l’informatique, ces propriétés de superposition et d’intrication induisent une nouvelle unité de calcul : on ne parle plus d’un bit qui prend soit la valeur 0, soit la valeur 1, mais d’un qubit (« quantum bit »), qui peut avoir « une infinité d’autres états ».
Par le phénomène du déchaînement quantique, chaque qubit ajouté double la puissance de calcul. Dix qubits équivalent donc à une configuration « classique » à 1 024 bits (210). Vingt qubits amènent à 1 048 576 bits (220). À 250 qubits, on dépasse le nombre d’atomes dans l’univers visible. Vertigineux.
Ancien responsable de la recherche et de la stratégie de Microsoft (et désormais conseiller du P-DG Satya Nadella), Craig Mundie estime qu’avec l’informatique quantique, l’assistant Cortana « progresserait 30 fois plus vite » qu’à l’heure actuelle, en conservant les mêmes paramètres d’apprentissage.
Quant à la compétition de factorisation de nombre semi-premiers anciennement organisée par la société RSA Security, son niveau le plus élevé (RSA-2048) pourrait être résolu en une centaine de secondes, alors qu’en l’état actuel de l’art informatique, il faudrait un bon milliard d’années.
La voie de l’informatique quantique est néanmoins pavée d’obstacles. À commencer par le fait que la lecture d’un qubit détruit son état de superposition et que toute tentative de reproduction entraîne une altération.
À partir de là, comment programmer un ordinateur tout en s’assurant que le résultat ne soit pas aléatoire ?
Autre frein : la décohérence, ou comment des perturbations dans l’environnement peuvent faire disparaître un état quantique… et par là même fausser un traitement (Bernard Ourghanlian utilise, sur ce point, la métaphore d’un tas de pierre qui finit par s’écrouler).
Premier paramètre à contrôler, la température de l’environnement de calcul : environ 30 millikelvins, juste au-dessus du zéro absolu. Microsoft a recours, dans cette optique, à des ordinateurs cryogéniques.
Le groupe informatique explore, en parallèle, un qubit « alternatif » censé être plus stable, car basé sur les propriétés topologiques de la matière, au sens où elle peut être fractionnée et apparaître à plusieurs endroits dans un système (la perturber est alors d’autant plus difficile).
L’information normalement transportée par un qubit est segmentée entre deux quasi-particules : les fermions de Majorana. L’idée est d’améliorer le rapport actuel de 10 000 qubits physiques pour un qubit logique fiable.
Les travaux de Microsoft dans l’informatique quantique se traduiront par la mise à disposition, avant la fin de l’année, d’une préversion gratuite d’un langage de programmation intégré à Visual Studio.
Il sera possible de simuler des problèmes qui requièrent jusqu’à 30 qubits logiques (ou 40 en s’appuyant sur Azure).
L’objectif à terme est de couvrir l’ensemble de la chaîne, du silicium au système d’exploitation. Ainsi Microsoft conçoit-il sa propre puce, dont Satya Nadella a présenté un prototype la semaine passée lors de la conférence Ignite.
Photo d’illustration : Bernard Ourghanlian
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