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L’intelligence artificielle en robotique : entre les labos et les entreprises

Loin des prédictions médiatisées des gourous de la Silicon Valley, la conférence scientifique BICA, organisée à Lyon entre le 6 et le 8 novembre, a réuni des acteurs influents de l’intelligence artificielle en robotique pour faire un point concret sur l’état de la recherche et les applications dans l’entreprise (avec une ouverture sur le grand public).

Un bon éclairage sur les enjeux et les promesses mais aussi les difficultés et les freins.

Coboteam, organisateur de la conférence et ses partenaires, l’Ardi et Imaginove ont invité les chercheurs américains Mark Waser, Sherine Antoun, les français Olivier Georgeon, Guillaume Gibert et le chercheur italien Ignazio Infantino.

Côté entreprises, le secteur robotique en France était représenté par Stéphane Morel, fondateur d’Akéoplus (robotique industrielle), Maxime Vallet, fondateur d’Evotion (location de robots événementiels) et Xavier Basset fondateur de Hoomano (robots d’assistance aux vendeurs).

« Se mettre dans la peau d’un robot »

Olivier Georgeon, chercheur au laboratoire Liris, travaille sur les systèmes autonomes en milieu industriel et pointe les limites des robots ludiques: « Reproduire l’intelligence artificielle d’un chien, c’est bien, mais ça ne sert à rien. Ce n’est qu’une petite partie du problème. »

Mark Waser, Directeur de la technologie au Digital Wisdom Institute, a répondu aux questions qui se posent sur le contrôle des robots et de l’IA. Il développe des systèmes d’éthique que l’on puisse raisonnablement implémenter sur des systèmes artificiels. En bref, ce que le robot devra ou ne devra pas faire.

Les travaux présentés par Sherine Antoun portent sur la navigation et le positionnement par ultrasons en milieu hostile tels que les océans, lieux d’accidents, scènes obscures où la pollution et la poussière rendent les caméras et les scanners lasers inefficaces.

Ignazio Infantino, chercheur à l’Istituto di Calcolo, travaille sur la transmission d’émotions et sentiments artistiques aux robots.

Concrètement, sur les développements qui permettent par exemple au robot Nao d’Aldebaran de peindre un tableau ou de danser sur une musique. Cela met en jeu les notions complexes du processus de création comme la perception musicale et la sensation du monde réel.

« Se mettre dans la peau d’un robot », c’est en bref le projet de cobotique sur lequel travaille Guillaume Gibert, chercheur associé à l’INSERM. Il s’agit des processus d’apprentissage de comportement et langage qui permettent aux robots de collaborer avec les hommes.

La recherche doit se rapprocher de l’entreprise

« Les chercheurs sont dans leur bulles », déclare déclare Stéphane Morel (Akéoplus). « Dans l’entreprise, il faut résoudre des problèmes concrets et quotidiens et nous devons faire face à des demandes très prosaïques comme  une vis de robot dévissée. »

Alain Mille, Professeur en informatique à l’Université Claude Bernard Lyon 1, reconnait des rapports difficiles entre l’entreprise et la recherche.

« Il y a une fracture importante entre la recherche et l’entreprise. Le chercheur est validé par ses pairs mais ne travaille pas pour le grand public et ses usages. Dans tous les cas, il faut des outils communs et beaucoup des travaux de recherche sont en open source sur GitHub. Cela dit, les entreprises doivent embaucher des chercheurs. »

Tous les intervenants sont d’accord sur le fait que le temps de la recherche avec des projets sur plusieurs années n’est pas celui de l’industrie qui opère dans le court terme.

La presse est pointée du doigt par les chercheurs et dirigeants d’entreprises présents à la conférence. Ils regrettent les prophéties transhumanistes des gourous de la Silicon Valley qui entretiennent inutilement un climat de défiance sur l’intelligence artificielle.

Les entreprises françaises dans leur ensemble ne semblent pas bien mesurer les enjeux de la robotique.

Pour Stéphane Morel, « Il faut un changement culturel chez les donneurs d’ordre. Ils sont très loin d’une réflexion sur la robotisation des processus. Pour nous, la difficulté est de répondre aux besoins des entreprises non seulement aujourd’hui mais pour demain et après demain. »

Des progrès sont attendus

Maxime Vallet (Evotion) déplore l’immaturité des technologies de reconnaissance vocale et la faible autonomie des batteries, pas plus d’une heure, alors que le marché veut rapidement des produits efficaces et autonomes.

Le grand public est captivé par les robots ludiques comme Nao ou Pepper alors que les robots industriels exécutent des tâches moins spectaculaires mais plus complexes.

« Dans le domaine de l’industrie, beaucoup de robots doivent être protégés par une cage. Aujourd’hui, c’est l’homme qui doit faire attention au robot or c’est le robot qui devrait faire attention à l’homme. Il faut de meilleures capacités de calcul en temps réel et améliorer l’ergonomie. Face aux situations exceptionnelles, les robots actuels s’arrêtent ou répètent une action en boucle », note Alain Mille.

Xavier Basset l’affirme devant les chercheurs réunis: « C’est par l’usage qu’on obtient des résultats, l’enjeu ce sont des interactions ouvertes entre homme et machine. Vous devez communiquer aussi sur les échecs. »

Un changement de paradigme dans la recherche, un accroissement de la puissance de calcul pourraient créer une vraie rupture en matière d’IA et de robotique.

Mais le processus d’innovation est complexe, qui associe la recherche publique et privée, les entreprises et les orientations du marché. Sans oublier le respect de l’éthique. Presque une quadrature du cercle.

(Article de notre correspondant à Lyon : Serge Escalé)

Comment les robots apprennent à marcher
Le machine learning (apprentissage automatique par la machine) est un champ d’étude de l’intelligence artificielle, concernant les méthodes permettant à un robot d’évoluer par un processus systématique pour remplir des tâches difficiles ou impossibles à exécuter par des moyens algorithmiques.
Il s’agit, par exemple, de l’apprentissage de la marche par un robot qui  suppose la coordination complexe des mouvements. Le robot commence par effectuer des mouvements aléatoires, puis il sélectionne les mouvements pour marcher de manière de plus en plus efficace.
Sur le terrain, il reste beaucoup de chemin à parcourir. « La courbe d’apprentissage du robot n’est pas celle envisagée au départ par les industriels. On est encore loin du résultat prévu », déplore Stéphane Morel.

(Crédit photo illustration : Shutterstock.com – Droit d’auteur : NesaCera)

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