Interconnexion : OVH dit non au peering payant de SFR

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OVH s’oppose à une facturation du peering (interconnexion réseaux) poussée par SFR. Son patron suggère même une certaine influence d’Eric Besson en sous-main. Enquête.

OVH implique Eric Besson…qui se défend

Dans son argumentation, il arrive qu’OVH arrive à des interprétations assez osées.

Octave Klaba suggère qu’Éric Besson, ministre en charge de l’Économie numérique, pèse dans la décision de SFR.

Pour Octave Klaba, une telle décision de faire payer l’interconnexion pourrait venir « d’en haut ».

En clair : en plein débat sur la neutralité du Net, Eric Besson se servirait de SFR pour que l’hébergeur passe à la caisse.

En ce sens, cela ferait un bon exemple pour le secteur, permettant d’ouvrir la voie à une participation des acteurs indépendants au financement des réseaux.

 » Une telle manœuvre serait incompréhensible (…) OVH travaille pour plus de 400 000 clients TPE en France c’est-à-dire qu’environ 1,5 million de personnes vivent en se basant sur les briques technologiques qu’OVH propose » , argue le fondateur de la société roubaisienne.

Bien décidé à ne pas relâcher la pression, il a sorti sa petite calculette pour expliquer ce que représenterait une évolution de son modèle : « Avec nos services, nos clients ajoutent leur service et facturent le tout environ 10 fois plus cher (…) Le chiffre d’affaires estimé de nos clients est donc d’environ 1,2 à 1,5 milliard d’euros (…) On pourrait même dire que tuer OVH pourrait impacter la croissance en France, au minimum diminuer et ralentir la France sur le Net. »

Contacté par nos soins, Octave Klaba affiche son intention de « poser ouvertement les bases d’une réflexion et ne pas vouloir créer de polémique ».

D’ailleurs, OVH ne serait pas contre une participation financière. Mais« uniquement si tout le monde paye, car actuellement, certains vont payer et d’autres non ».

Si on lit entre les lignes, on comprend que SFR est présent sur plusieurs grands points d’échange de trafic internationaux (notamment AMSIX à Amsterdam et DECIX à Francfort).

Pour cela, la filiale télécoms du groupe Vivendi a dû étendre son réseau pour s’interconnecter à d’autres acteurs de l’Internet comme des hébergeurs étrangers, par ailleurs concurrents d’OVH.

Ces relations sont alors « gratuites ». Chaque opérateur prend en charge l’extension de son réseau pour aller s’interconnecter sur le point d’échange et paye ce point d’échange (son gestionnaire) pour bénéficier d’un ou plusieurs ports d’un certain débit.

Une situation difficilement compréhensible pour OVH : ses principaux concurrents pourraient bénéficier d’un meilleur coût d’accès aux internautes utilisant le réseau SFR.

Avec en toile de fond une question liée à la distorsion de concurrence : Pourquoi SFR lui demanderait dans ses conditions une contribution pour continuer d’échanger directement du trafic avec son réseau alors qu’il ne le fait pas avec d’autres acteurs ?

De son côté, lors d’un entretien téléphonique, le cabinet d’Éric Besson assure que le ministre de l’Économie numérique n’était intervenu à aucun moment dans les discussions entre les deux entreprises (OVH-SFR).

« Éric Besson a mentionné, lors des deuxièmes rencontres parlementaires sur l’économie numérique, et à titre d’exemple Google et Facebook qui ne payent aucun impôt en France et qui détiennent des positions dominantes sur le marché français. Il ne parlait évidemment pas des fournisseurs d’accès à Internet » , nous précise-t-on.

Le cabinet d’Éric Besson tient à préciser : « il existe des fournisseurs d’accès ou de services ayant des accords commerciaux avec SFR, accords librement consentis entre deux entreprises privées, que nous n’avons pas vocation à commenter. »

Interconnexion : UFC-Que Choisir demande de « la transparence »
« Cet événement OVH-SFR démontre, une fois de plus, un réel manque de transparence sur ce marché », commente Édouard Barreiro, chargé de mission TIC à l’UFC-Que Choisir.« Il semble également, qu’il n’existe pas de repère pour les différents acteurs, si bien que personne ne semble être en mesure d’apprécier quelles conditions (notamment de prix) entre dans le cadre normal de la négociation. Dès qu’un acteur change un paramètre d’une relation commerciale ou d’un accord (par exemple de peering), cela conduit à un conflit » répond notre interlocuteur. Il faut cette fois que le législateur intervienne. « On peut également supposer que cela signifie, qu’une réglementation – même a minima – devient nécessaire pour normaliser les relations entre les différents acteurs de la chaîne de valeur d’Internet  » , conclut-il. Une réglementation qui pourrait intervenir courant 2011 après la remise d’un rapport final sur les questions de neutralité du Net par les députées Laure de la Raudière (UMP) et Corinne Erhel (PS).



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