Internet des objets : comment maintenir la dynamique en France
Dans un rapport sur l’Internet des objets, les députés Laure de La Raudière et Corinne Erhel dévoilent une série de recommandations pour favoriser l’essor du marché en France.
Comment optimiser le potentiel et les ressources de l’Internet des objets en France ?
Laure de La Raudière (LR) et Corinne Erhel (SER), co-rapporteures, ont dévoilé la semaine dernière leur rapport et leurs recommandations sur les objets connectés.
Une présentation relative à la mission d’information ad hoc effectuée au nom de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Après l’édition du CES 2017 de Las Vegas (à laquelle la French Tech s’était donnée rendez-vous, et à laquelle Laure de La Raudière a participé), le rapport propose un panorama et une vision pour identifier les « profonds changements économiques » liés à l’Internet des objets qui toucheront de nombreux secteurs d’activités : agriculture, industrie, transport, santé, domotique, télécoms…
Sur l’état du marché, il paraît bien difficile de cerner l’essor de l’IoT en fonction des études qui laissent une marge à l’interprétation : on évoque dans le monde 6,4 milliards « d’objets connectés ». Un volume qui pourrait se situer dans la tranche 30 – 80 milliards à l’horizon 2020, selon les rapports des instituts (comme l’IDATE) ou des firmes engagées (comme Cisco).
Les deux co-rapporteures ont également retenu que le développement des objets connectés permettrait à l’Union européenne de gagner sept points de PIB d’ici à 2025 (soit 1000 milliards d’euros), selon le cabinet AT Kearney.
Elles tentent aussi de cerner le périmètre de marché. L’exercice n’est pas évident non plus, entre les dispositifs Machine-to-Machine (MtoM), les objets connectés de manière native et ceux qui sont « augmentés » d’au moins un capteur, une puce RFID ou un QR-code.
Sur ce marché, il faut distinguer le volet BtoB « déjà dynamique, avec d’importantes marges de progression » et le BtoC « qui peine à gagner en maturité ».
La France est également dotée d’un écosystème IoT dynamique du côté des start-up (via des pôles d’expertise localisés à Angers avec la Cité de l’objet connecté ou Toulouse avec l’IoT Valley) et de programmes stimulants de soutien à l’innovation, en particulier par l’intermédiaire de Bpifrance.
« Les dispositifs existants sont adaptés au développement des objets connectés », estiment Laure de La Raudière et Corinne Erhel dans leur rapport. Avec quelques bémols sur l’accompagnement à moyen terme.
Si la French Tech intègre un pan de start-up prometteuses dans l’IoT, encore en faut-il en mesurer les retombées pour l’économie française et le degré de véritable croissance autonome des « licornes »…
Ainsi, en France, le cas de de Withings racheté par Nokia semble démontrer les limites du maintien de l’indépendance . « D’un point de vue économique, toutefois, ces entreprises [comme Withings, ndlr] auraient pu devenir des champions nationaux (…) et avoir des effets bénéfiques sur l’ensemble du tissu productif. En outre, les forts soutiens publics à l’innovation ne sont pas rentabilisés : l’importante valeur ajoutée qui était attendue d’une entreprise innovante se retrouve captée par des groupes étrangers, sans garantie que les retombées économiques de sa croissance profitent prioritairement à l’emploi ou au marché français », peut-on lire dans le rapport.
Sur le volet du financement et l’accompagnement, les deux rapporteures pointent du doigt la « faiblesse du capital-risque » en France et de l’investissement individuel (« en progression insuffisante »).
Sur le front des réseaux IoT, Sigfox demeure le symbole du savoir-faire français dans ce créneau porteur pour des infrastructures adaptés aux enjeux. Mais il faudra aussi réussir la transition vers la 5G en France, incontournable pour assurer le développement de projets dans la conduite autonome par exemple qui repose sur des véhicules bardés de capteurs.
Parmi les défis à relever, les deux députés en charge de la mission d’information pointent aussi le nécessaire « encouragement à la transition numérique des entreprises traditionnelles » alors que les usages IT par les PME-PMI demeurent insuffisants. Le rapport s’interroge aussi sur la perception de l’IoT comme un possible « levier de la ré-industrialisation française ».
Pousser les leviers existants, développer une régulation agile
Fort de cette étude de près de 150 pages, Laure de la Raudière et Corinne Erhel ont émis une vingtaine de recommandations (incluant parfois des nuances en fonction des sensibilités individuelles des rapporteures) d’ordre générale.
Elles visent à exploiter davantage les leviers existants pour mieux cerner le potentiel de l’IoT en France : plan « Economie de la donnée », Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des muations économiques (PIPAME), plan « Industrie du futur »…
Les jonctions avec au niveau européen doivent également être favorisées, pourquoi pas à travers l’Alliance européenne pour l’innovation de l’Internet des objets (AIOTI) poussée par Bruxelles.
Les deux députés souhaitent également mettre dans la boucle les collectivités publiques pour qu’elles favorisent le déploiement de services connectés mais aussi « inventer une régulation politique agile » en associant plusieurs autorités indépendantes (CNIL, ARCEP, CSA…) et en recourant à l’instance consultative du Conseil national du numérique pour faire face à l’accélération des cycles de l’innovation.
« Réussir le virage de l’internet des objets en France semble donc à portée de main », évaluent les deux députés. « Il faudra veiller à ce que les avantages comparatifs de la France soient maintenus par un effort tourné spécifiquement vers les objets connectés. »
Pour prolonger le débat, elles souhaitent compléter la mission d’information par une « analyse de la place de l’homme dans la société numérique de demain et de l’avènement de courants transhumanistes ». Un autre débat encore plus saisissant.
Pour consulter le rapport global de la mission d’information de l’AN sur le marché des objets connectés, suivez le lien.