Contrôle accru des gouvernements et surveillance de masse, segmentation de l’accès aux contenus, restrictions induites par le copyright et les brevets, gestion délicate du trop-plein d’informations : le Pew Research Center identifie de nombreuses menaces qui pèseront sur Internet à l’horizon 2025.
Dans le cadre de cette étude prospective (document PDF, 40 pages), le groupe de réflexion américain a recueilli les témoignages de 1400 experts de l’IT… dont plus d’un tiers (35%) ont une vision pessimiste de l’avenir du Net. Et parmi les 65% restants, certains expriment un optimisme modéré, parfois simplement « porté par l’espoir ».
Si les bénéfices de l’évolution technologique en matière d’accessibilité au savoir font consensus, c’est le caractère « ouvert » d’Internet qui suscite des inquiétudes. Première préoccupation : les mesures de blocage et de filtrage adoptées par les États-nations au nom de la stabilité politique et de la sécurité intérieure. Les experts évoquent « une ingérence sans précédent », tout particulièrement dans les bastions où le Net a facilité l’organisation d’une résistance contre le régime en place : l’Égypte, le Pakistan, la Turquie…
Dans les pays plus stables d’un point de vue politique, c’est la lutte contre le terrorisme et la criminalité qui motive la mise en place de lois « potentiellement liberticides » visant à contrôler les flux d’informations (on peut citer, en France, la Loi de programmation militaire). Le grand public y est d’autant plus sensible depuis les révélations d’Edward Snowden sur la réalité des écoutes électroniques menées par la NSA et d’autres agences de renseignement.
Selon Dave Burstein, de Fat Net News, « les gouvernements cherchent de plus en plus systématiquement à contrôler tous les pans du Net à l’échelle de leur territoire. Il existera toujours des moyens de contourner la censure […], mais la plupart des gens ne s’y attarderont pas« . Du côté des pessimistes, on évoque une inexorable « balkanisation » du Net. En d’autres termes, une fragmentation géographique du partage de données liée à l’incapacité du privé et du public de produire un environnement global coopératif de protection des libertés et de la vie privée en ligne.
Dans un autre registre, la monétisation croissante des activités sur Internet laisse craindre une commercialisation à outrance qui affectera l’architecture même du réseau et la façon dont l’information est délivrée. Pour l’enseignante-chercheuse Kate Crawford, les entreprises productrices de contenu vont multiplier les démarches pour protéger leur propriété intellectuelle, « quitte à remettre en cause le modèle de réseau ouvert à partir duquel elles ont construit leur puissance« .
Pour PJ Rey, de l’Université du Maryland, la neutralité du Net est d’autant plus mise en danger par un contexte économique difficile qui proscrit toute vision à long terme. « Dans cette situation, le confort des internautes importe peu« , résume-t-il. Il est secondé dans son propos par Dennis Cann. Cet ancien de Cisco et d’IBM estime que « si nous ne confions pas davantage de pouvoir d’intervention à la justice, l’Internet libre appartiendra bientôt au passé« . Selon Glenn Edens, de Xerox, il sera indispensable de mettre en place les outils adéquats pour minimiser les interventions humaines : moteurs de recherche, outils de curation, systèmes de mise en avant, etc.
Leah Lievrouw, de l’Université de Californie à Los Angeles estime par ailleurs que dans l’état actuel « trop de partenaires institutionnels sont intéressés par la régulation du Net : ayants droit, autorités judiciaires, agences de renseignement, ordres religieux, partis politiques…« . Jeremy Epstein, de SRI International, évoque aussi le cas des « trolls de brevets » : ces structures qui vivent des procès qu’elle intentent à d’autres sociétés pour violation de propriété intellectuelle risquent de freiner l’innovation.
Et quand bien même les optimistes saluent l’émergence de standards et « une reconnaissance de la valeur économique du partage », les visions libertaires – voire utopistes – des débuts semblent condamnées. Les spécialistes tendent même à voir leurs compétences « restreintes ou marginalisées, si ce n’est criminalisées ».
Attention également aux technologies exploitées pour traiter les énormes quantités d’informations circulant sur le Net. Les systèmes de filtrage basés sur des algorithmes peuvent avoir des effets négatifs sur l’accès au savoir, tout particulièrement s’ils sont biaisés par les motivations économiques des entreprises qui les développent.
D’après Jonathan Grudin, de Microsoft Research, le big data pourrait ne pas suffire à apporter aux internautes l’information qu’ils recherchent. Une nouvelle fonction pourrait apparaître : celle de « coach numérique » assistant les utilisateurs à l’image des documentalistes dans les bibliothèques.
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